Les villes où j’ai vécu : Montréal

(Depuis sa naissance, Alain a habité dans une dizaine de villes différentes, dont certaines à plus d’une reprise. Bien sûr, ses souvenirs et ses impressions de chacun de ces endroits où il a vécu sont relatives à l’âge qu’il avait à l’époque et aux activités auxquelles il s’était livré… ainsi que des souvenirs qu’il en a gardés. Voici donc le quatrième article de cette série. Vous les retrouverez par la suite dans l’onglet « Les villes où j’ai vécu » sous les «Grands thèmes » de mon blogue. Bonne lecture.)

par Alain Guilbert

Après avoir quitté le noviciat de la Congrégation de Sainte-Croix au printemps 1959, il me fallait bien décider ce que je voulais faire dans la vie. Après quelques semaines de réflexion, j’ai opté pour le droit, ce qui était parmi mes derniers choix à la fin de mes études classiques, avant de tenter l’expérience de la vie religieuse.

En principe, j’aurais dû m’inscrire à l’Université de Montréal, puisque le Séminaire de St-Hyacinthe y était affilié. Mais avant de penser à la rentrée universitaire en septembre, il me fallait un travail d’été pour m’aider à défrayer le coût des études à venir. Comme cela se faisait régulièrement à l’époque, j’ai frappé à la porte de notre député (le comté de Bagot). Il s’agissait de Daniel Johnson (le père), qui était alors ministre des Ressources hydrauliques dans le gouvernement de l’Union nationale. Celui-ci m’a déniché un emploi dans les bureaux de son ministère à Montréal, emploi qui devait se prolonger jusqu’au début de l’année scolaire. Et comme je ne désirais pas m’exiler à Montréal seul, il a aussi procuré du travail à mon ami d’enfance Réjean Guillet… et tous les deux, à peine âgés de 19 ans, nous nous sommes retrouvés dans la « grande ville » par un beau jour de juin. Nous avons d’abord localisé les bureaux du Ministère des Ressources hydrauliques, lesquels étaient situés rue Ste-Catherine, angle Berri, au 7eétage où se trouvait (et se trouve encore) le magasin Archambault, alors spécialisé en musique.

De là, nous sommes partis à la recherche d’un toit pour nous abriter du lundi au vendredi, parce que nous retournions dans nos familles respectives, à Acton Vale, toutes les fins de semaine. Nous avons finalement arrêté notre choix sur une chambre située rue St-Denis, à mi-chemin entre les rues Sherbrooke et Ontario. Si ma mémoire est bonne, le prix de la chambre était de 8 $ par semaine, que nous partagions moitié-moitié. Et son grand avantage était de se trouver à cinq minutes de marche à peine du lieu de notre travail.

Mais pour notre plus grand malheur, la rue St-Denis a été en réparation tout l’été (J’ai découvert plus tard qu’il y avait toujours des rues en réparation à Montréal). Les camions et autres appareils mécaniques soulevaient des nuages de poussière à la journée longue en plus de continuer leur bruit infernal jusque tard en soirée. Et pire encore, l’été 1959 aura probablement été l’un des plus chauds dont je puisse me souvenir. Vous imaginez le beau « mariage » entre la chaleur et la poussière.

Mais nous avons rapidement trouvé des trucs pour combattre la chaleur. Nous n’avons pas mis de temps pour découvrir deux tavernes extrêmement populaires, rue Ste-Catherine ouest, soit Chez Toe Blake (du nom de l’ex-joueur et instructeur du Canadiens) et le St-Régis. La bière en fût se vendait alors 10 cents le verre. Alors pour 1 $, pourboire inclus, on pouvait prendre deux « draughts » et un bon repas, genre spaghetti ou steak haché. On se rendait à l’un ou l’autre endroit en marchant, ou en autobus s’il pleuvait assez pour rendre la marche inconfortable. J’oubliais de dire que les deux tavernes en question étaient équipées d’air climatisé.

Le soir, après le travail, quand les Royaux de Montréal, l’équipe de baseball de calibre AAA et filiale des Dodgers de la Ligue nationale, jouaient à domicile, nous nous rendions au parc De Lorimier (angle Ste-Catherine et De Lorimier) pour admirer le spectacle de ces joueurs dont plusieurs se sont retrouvés plus tard dans les Ligues majeures (je me rappelle des Sandy Amoros, Tom Lasorda, Bob Lennon et quelques autres) en plus d’avoir le plaisir de passer la soirée en plein air. Nous achetions des billets de « bleachers » à 25 cents, et à mesure que le match se déroulait nous nous déplacions vers les sièges vides situés près du troisième but ou derrière le marbre. Un très bon spectacle à un prix très abordable. Au retour, nous marchions le long de la rue Ontario et nous arrêtions prendre une « draught » (ou deux), toujours à 10 cents le verre ou deux verres pour 25 cents, incluant le pourboire, dans une des nombreuses tavernes située le long de notre parcours. Notre choix s’arrêtait seulement sur les locaux avec air climatisé. Lorsqu’il n’y avait pas de baseball, nous allions faire un tour au parc Lafontaine, encore une fois à distance de marche de notre domicile, ou, si la chaleur était trop accablante, nous allions au cinéma St-Denis, tout juste à quelques pas d’où nous habitions. Je ne me souviens pas d’un seul des 10 ou 12 films que j’ai visionnés tout au cours de l’été. Ce dont je me souviens cependant, c’était que le cinéma était équipé avec l’air climatisé. C’est la seule raison qui nous y attirait. Nous y allions pour dormir à l’air frais! Même si notre chambre avait une fenêtre qui « donnait » sur la rue, la chaleur y était toujours accablante… et malgré notre jeunesse et notre bonne forme physique, cette chaleur rendait notre sommeil très difficile.

Voilà ce qu’a été mon premier vrai contact avec Montréal. J’ai eu le plaisir d’y demeurer à deux autres reprises, soit de 1972 à 1976, puis de 1987 à 1997, mais j’y reviendrai plus tard avec d’autres textes de la présente série des « villes où j’ai vécu ».

Pourquoi je ne suis pas allé à l’Université de Montréal pour y faire mes études de droit? Voici… puisque je n’avais pas suffisamment d’argent pour étudier à plein temps à l’Université, je devais me trouver un travail même durant mes études. Quand je suis allé voir mon député Daniel Johnson pour le remercier de m’avoir donné un emploi d’été à Montréal, il m’a dit que je pourrais occuper également cet emploi pendant l’année scolaire, mais il me suggérait fortement de trouver « autre chose » puisque s’il lui arrivait de ne plus occuper son poste de ministre, cela signifiait que je perdrais cet emploi dit « politique » et que je me retrouverais devant rien. J’ai suivi son conseil et j’ai trouvé un emploi à La Tribunede Sherbrooke… ce qui m’a amené à m’inscrire à l’Université de Sherbrooke plutôt qu’à l’Université de Montréal. Pour cette raison, quand j’ai terminé mon emploi d’été à Montréal, je suis retourné chez moi, à Acton Vale, pour une semaine… puis j’ai préparé mes bagages pour Sherbrooke où je suis arrivé à la fin d’août 1959 pour entreprendre (encore) une nouvelle vie.

Et j’ai toujours été éternellement reconnaissant à Daniel Johnson pour son conseil puisque l’année suivante, soit en 1960, l’Union nationale subissait une cuisante défaite aux mains de Jean Lesage et son équipe du Tonnerre. Ce qui veut dire que je me serais retrouvé « Gros Jean comme devant » si j’avais misé sur l’emploi du ministère des Ressources hydrauliques… Et pire encore, je ne me serais sans doute jamais retrouvé à Sherbrooke, sûrement l’une des plus belles (dans tous les sens du mot) villes du Québec. Je vous en reparle dans mon prochain billet.

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Le succès de la chanteuse Monique Brunet

Bien avant le succès phénoménal de Véronic DiCaire, notre région avait eu une autre chanteuse populaire. Le Carillon du 20 juillet 1967 nous apprend que la chansonnière Monique Brunet, de Rockland, mais née à Embrun elle aussi, participera au Festival de la chanson française de Spa en Belgique. Elle avait soumis six de ses compositions pour obtenir le privilège d’y participer. Monique y remportera d’ailleurs le grand prix de 40 000 francs belges (environ 800 $ canadiens). Pendant son séjour en Belgique, elle a d’ailleurs enregistré pour la compagnie RCA-Victor, en plus de prestations à la télé et radio belge.

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Décidément, il y a des phénomènes bizarres à Hawkesbury et dans la région. Après le chat volant et autres bibittes, voilà une photo à la une du 27 juillet qui montre la trouvaille de Micheline Paquette et Ginette Chartrand dans un petit ruisseau près du Pleasant Rest Nursing Home de la route 34… une grenouille à cinq pattes… rien de moins. Le bas de vignette précise que la « bête » mesure trois pouces de la tête au bout de la patte… la cinquième il va sans dire!!!

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A little bit of Monica in my life,
A little bit of Erica by my side.
A little bit of Rita’s all I need,
A little bit of Tina’s all I see.
A little bit of Sandra in the sun,
A little bit of Mary all night long.
A little bit of Jessica here I am,
A little bit of you makes me your man!!!!!!!!
Mambo number five.

Vous vous souvenez forcément de cette chanson « Mambo number five », succès planétaire il y a quelques années. (C’est la chanson qui jouait dans une boutique en entrant au Mont St-Michel lors de notre visite.) L’édition du 27 juillet 1967 du journal
Le Carillon, en pages 8 et 9, m’a fait sourire pendant mes recherches. Des annonces des hôtels du coin moussent leurs danseuses respectives : Dodo au Seigneurie de Papineauville, Mista au Sportsman Inn de Pointe-au-Chêne, Lia au Long-Sault de Grenville, Rita au Monette de Papineauville et Louise au York de Calumet. Toutes la même fin de semaine du 28 au 30 juillet. Au Bridge Inn de Hawkesbury, il fallait se contenter de « Musique stéréo – T.V. en couleurs, de midi jusqu’à 1 heure du matin! »

Une campagne contre les jeunes et les cigarettes

L’édition du 13 juillet 1967 du journal Le Carillon fait état d’une « campagne contre les jeunes et la cigarette ». Comme vous voyez, la lutte au tabagisme n’est pas nouvelle. L’article cite le sous-chef de la Sûreté municipale, Rémi Lecôt, voulant que les autorités policières avaient décidé de faire respecter « sévèrement » la loi fédérale sur la protection des mineures régissant la vente des cigarettes aux jeunes de moins de 16 ans, l’âge minimum qu’il fallait avoir pour s’en procurer. En Ontario, vous ne pouviez boire que cinq ans plus tard!

Le sous-chef Lecôt explique : « Les défauts engendrés par le fumage de cigarettes à l’âge précoce sont très nombreux; les tissus du cerveau peuvent être affectés et peuvent occasionner un ralentissement des facultés intellectuelles (la plupart des cas de faillites dans les dernières classes du primaire sont souvent des cas de jeunes fumeurs). Le fumage à bas âge entraîne également des accrocs dans les sentiments d’honnêteté des jeunes: l’on fume en cachette, l’on manque de cigarettes, où trouver l’argent nécessaire, l’on vol pour pouvoir se fournir en cigarettes… qui vole un œuf, vole un bœuf; vous pouvez tirer les conclusions vous-mêmes ». Voilà pour l’explication officielle de la police de l’époque. Le sous-chef Lecôt précisait même que « les policiers n’étaient pas pour se laisser influencer, parce qu’il fallait à tout prix enrayer ce fléau ».

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Comme dans l’édition du 13 juillet 1967, la plupart des municipalités de la région publiaient, sous forme d’annonce, leur bilan financier annuel. Ça c’était la transparence! Ainsi, le Village de St-Isidore-de-Prescott annonce un surplus budgétaire de 679,43 $ pour 1966, soit des revenus totaux de 48 616,28 $ par opposition à des dépenses totales de 47 936,85 $. De ce dernier montant 10 335,27 $ avaient été versés au Conseil des comtés unis et 17 711,55 $ aux commissions scolaires.

Contexte du temps

Vous pouviez louer un logis sur la rue William, de « deux chambres à coucher, cuisine, salon et chambre de bain » pour 40 $ par mois. – Un certain L. Charbonneau voulait vous vendre « 3 ponies de bonne qualité; 2 juments noires, $95 chacune; 1 étalon, 1 an, $65 ». – Carkner Office Supply vous offrait de vous louer une « dactylo » pour 7,50 $ par mois ou 18 $ pour trois mois. – Le magasin R. Farmer vendait en spécial des costumes de bain pour fillettes pour 97 cents l’unité. – Pour les femmes, c’est Ray Bilodeau, à sa boutique Au Salon Blanc, qui offrait ses costumes de bain entre 6 $ et 16 $. – Au Lapointe IGA de Hawkesbury, la douzaine d’oranges vous revient à 59 cents.

Les élections municipales et scolaires seront aux trois ans

Dans l’édition du 15 juin 1967 du journal Le Carillon, on apprend que « dorénavant à Hawkesbury les électeurs voteront à tous les trois ans ». C’est que jusque-là, les élections municipales et scolaires se déroulaient à tous les deux ans. « Par les années passées, le Conseil, à sa première année, devait parfois réparer les erreurs du Conseil précédent et s’adapter à leur nouveau poste; l’année suivante, il fallait faire attention aux décisions et projets, afin de ne pas trop impliquer le Conseil qui serait élu pour l’année suivante ». Voilà pour la démocratie du temps.

En d’autres mots, il ne se passait pas grand-chose. « Avec la nouvelle procédure, le champ d’action des administrateurs municipaux sera passablement accru et l’administration en sera également meilleure. » Plus tard, la durée des mandats municipaux et scolaires est passée à quatre ans, ce qui laisse deux années aux élus pour agir au lieu d’une seule, et le contrôle des mandats est devenu une juridiction provinciale.

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Une annonce anodine pour l’époque en page 31 de l’édition du 22 juin 1967. « expo67 la cigarette des hommes… que les femmes désirent. Le tabac de Virginie à son meilleur. » Elles désirent quoi au juste les femmes… cette cigarette ou « des hommes »? J’imagine que seule l’agence de publicité le savait!

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Deux photos côte-à-côte à la une de l’édition du 29 juin : le Couvent du Sacré-Cœur dont la démolition avait commencée le 23 juin, et une partie de la nouvelle école Paul VI qui allait accueillir ses premiers élèves quelques mois plus tard. Le couvent était là depuis un demi-siècle. Ma femme y avait commencé sa carrière de 35 ans en enseignement.

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Dans l’édition du 6 juillet 1967, on apprend que la ville de Hawkesbury pourrait être dotée de logements à prix modiques. Le concept était relativement nouveau et la Société centrale d’hypothèques et de logements facilitait la construction de tels logements. Les trois paliers de gouvernement les finançaient. Il s’agissait de construire des logements pour les familles dont les moyens financiers sont restreints. L’autre but était « d’éliminer les secteurs des taudis, qui détruisent sensiblement la beauté d’une ville ». L’article fait référence spécifiquement aux sections « surtout dans l’est et dans l’ouest, qui seraient soulagés de ces taudis ». Les loyers étaient en fonction des revenus des familles locataires. C’est vrai qu’à cette époque, dans certains vieux quartiers de Hawkesbury, les logements étaient réellement misérables. Plusieurs années plus tard, alors que j’étais conseiller municipal, j’ai représenté le Conseil au conseil d’administration de ces logements.

La nécrologie nous réserve (parfois) de mauvaises surprises

par Alain Guilbert

Depuis quelques années, je vérifie systématiquement les pages nécrologiques dans les différents journaux que je lis. Pourquoi? Parce qu’à mon âge, il m’arrive régulièrement d’y trouver les noms (et les photos) de personnes que je connais. Parfois, ce sont des nouvelles auxquelles je m’attendais… Parfois, ce sont des surprises, je dirais même de très mauvaises surprises.

Cette semaine, par exemple, en consultant la liste des décès dans La Presse, j’ai été totalement stupéfié en y apercevant la photo et le nom d’un ami de très longue date, Charles Meunier.

J’ai rencontré Charles pour la première fois de ma vie en 1974 alors que j’occupais le poste de directeur de l’information au Comité organisateur des Jeux olympiques (COJO) de Montréal 1976. Je devais procéder à la réorganisation du service d’information et j’étais à la recherche de candidats possibles pour intégrer mon équipe. J’avais reçu de nombreux curriculum vitae provenant de personnes qui, sans être particulièrement spécialisées dans les disciplines olympiques, exprimaient leur intérêt de participer à cette merveilleuse aventure que sont les Jeux. L’un des CV qui avait plus spécialement attiré mon attention était celui de Charles Meunier que je ne connaissais « ni d’Ève, ni d’Adam ».

Je le convoque donc en entrevue et je passe au moins une heure à l’interroger sur ses expériences précédentes, sur ses réalisations, sur ses objectifs. La routine, quoi! Et je suis fortement impressionné par ce qui m’apparaît être un communicateur de grande classe. Il correspond parfaitement au profil des personnes avec qui j’ai envie de travailler. Je lui exprime donc mon intérêt à l’embaucher dans les meilleurs délais et lui, de son côté, me semble très enthousiaste à l’idée de se joindre à mon équipe.

Il y a toutefois un hic… Pour ceux qui se souviennent des Jeux de Munich en 1972, vous savez que cet événement grandiose avait été assombri par un attentat terroriste dirigé contre les athlètes israéliens. Cette tragédie avait amené les responsables du Comité organisateur de Montréal, de même que les autorités politiques canadiennes, à mettre en place un dispositif de sécurité sans précédent pour assurer la sécurité des athlètes et autres invités des Jeux de Montréal. Un Comité de sécurité, dirigé par un officier supérieur de la police de Montréal, Guy Toupin, et comptant dans ses rangs des représentants non seulement de la police de Montréal, mais aussi de la Gendarmerie royale du Canada et de la Sûreté du Québec, avait été mis en place. Les forces armées canadiennes avaient aussi été mises à contribution dans cette opération.

Nous avions été bien prévenus que le dossier de toute personne que nous souhaitions embaucher au COJO devait être soumis à ce comité pour approbation. On nous avait dit clairement qu’il fallait un délai d’une semaine à ce comité pour vérifier le passé d’un candidat à un emploi, et de ne procéder à aucune embauche avant l’expiration de ce délai. Si nous n’avions rien entendu ou reçu de la part de la Sécurité après une semaine, cela signifiait que notre candidat était accepté automatiquement et que nous pouvions retenir ses services.

Donc, 10 jours après avoir soumis le dossier de Charles Meunier au Service de sécurité et n’ayant reçu aucune nouvelle de sa part, j’appelle mon candidat et lui dit qu’il a obtenu l’emploi convoité, ce que je lui confirme formellement dans une lettre qui précise sa date d’entrée de même que ses conditions de travail monétaires et autres. Je suis heureux… Il est heureux… Sauf que trois jours après lui avoir posté la lettre confirmant son emploi, je suis convoqué au Service de sécurité qui me dit que je ne peux embaucher Charles Meunier. Évidemment, je veux savoir pourquoi, surtout que le délai d’une semaine est expiré depuis longtemps, et on me dit qu’il compte parmi ses amis des felquistes connus comme Pierre Vallières et Jacques Larue-Langlois.

Je suis extrêmement déçu de cette décision que je tente de faire renverser, mais en vain, J’ai beau dire qu’être l’ami d’un felquiste ne fait pas de lui un felquiste… et autres arguments du genre, mais je reçois un NON catégorique. Il ne me reste plus qu’à prévenir Charles de cette décision hors de mon contrôle. Je prends mon courage à deux mains et je l’appelle. Bien sûr, il est révolté de la décision du Service de sécurité. Il menace de dévoiler toute cette histoire sur la place publique (c’est-à-dire dans les médias) et même d’intenter des poursuites contre le COJO. Je demeure calme et lui dit que je suis aussi frustré qu’il peut l’être lui-même. Je lui dis qu’il peut faire appel aux médias, ce qui lui vaudra un jour ou deux de « gloire » et qu’il peut intenter une poursuite judiciaire qu’il gagnera sans doute, mais qui ne lui donnera pas d’emploi pour autant et qui pourrait même lui fermer la porte d’autres employeurs potentiels. J’ajoute que si je ne peux l’embaucher à plein temps je pourrai sans problème lui confier des mandats à la pige (ce que m’avait confirmé le Service de sécurité) et qu’on pourrait ainsi transformer une situation « perdante » en une situation « quasi gagnante », ce qu’il finit par accepter.

Et c’est comme cela que nous avons commencé à travailler ensemble… et que nous sommes devenus amis. Bien sûr, il n’a pas fait autant d’argent que s’il avait été un employé à plein temps du COJO, mais je lui ai confié plusieurs mandats passablement lucratifs. Et plusieurs années après les Jeux olympiques, quand j’ai créé une division de relations publiques au sein du Groupe Everest, et que je n’avais pas de rédacteurs à plein temps à mon service, j’ai repris contact avec lui et j’ai continué à lui confier de nombreux mandats.

Il était un communicateur exceptionnel, l’un des meilleurs que j’aie rencontrés au cours de ma longue carrière dans les médias et dans les communications. Il maîtrisait la langue française à la perfection. Il écrivait merveilleusement bien, sans jamais commettre de fautes. Il était parfois lent à remettre ses textes… mais j’avais trouvé un truc pour bien paraître auprès de mes clients. Si je lui confiais un mandat de rédaction le premier du mois et que j’avais besoin de ses textes le 20 du mois, je lui disais que mon heure de tombée était le 10 du mois. Bien sûr, les textes n’étaient jamais terminés pour le 10 du mois, mais en lui poussant un peu dans le dos avec des appels téléphoniques quotidiens, j’avais toujours mes textes pour la date désirée. Je ne lui ai jamais avoué que mes délais étaient plus étendus que ceux que je lui donnais.

Au cours des années, nous nous sommes toujours revus avec plaisir. Il a dirigé les communications de nombreuses organisations dans les domaines de la culture et de la santé, et s’en est toujours très bien tiré. Il faisait partie de cette « race » de communicateurs qui sont de plus en plus difficiles à trouver. Depuis quelques années, soit depuis le moment de ma retraite, j’ai été moins en contact avec lui, mais je pensais souvent à lui. Je ne savais pas qu’il était malade… voilà pourquoi j’ai été tellement stupéfié d’apprendre son décès dans les pages de La Presse. Cher Charles, des « comme toi », il n’y en pas beaucoup. Tu nous manqueras!

Une guerre a des répercussions partout

Dans l’édition du journal Le Carillon du 8 juin 1967, les lecteurs apprennent que « le premier conflit israélo-arabe dans le monde a obligé de nombreux Canadiens, tant civils que militaires, à se réfugier dans un pays plus sûr ». L’article fait référence à Angéline Legault-Rochon, de Sarsfield, « qui dut quitter son mari, officier de sécurité au service civil de l’Organisation des Nations Unies à Jérusalem ». Tout avait commencé quand le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait refusé l’accès aux pétroliers israéliens dans le golfe d’Aquaba, la Jordanie, l’Égypte et quelques autres pays. Nasser avait obligé tous les Canadiens et les Américains à quitter Jérusalem dans les quarante-huit heures. Les conflits dans cette région du monde n’ont jamais réellement cessé.

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Dans la même édition, un bas de vignette mentionne que « Gilles Gratton, fils de M, et Mme Eugène Gratton, de Casselman, a reçu son diplôme récemment de l’école de médecine vétérinaire de l’Université de Guelph ». Gilles Gratton, d’Embrun, a reçu le Prix Richelieu de la Francophonie 2010 ainsi que la médaille du Président du Richelieu International. Il s’agit des deux plus grandes distinctions de l’organisme voué à la jeunesse et à la Francophonie.

Au cours de sa longue carrière de vétérinaire à Embrun, de 1967 à 1996, Gilles a toujours été tenace dans la défense des services en français. Il a joué un rôle important lors de la fondation du premier collège francophone d’agriculture en Ontario, le Collège d’Alfred. Gilles a également participé à la relance du Banquet de la Francophonie de Prescott et Russell en 2007.

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Je vous en ai parlé dans un billet précédent (celui du 24 mars). Ainsi, la manchette du journal Le Carillon du 15 juin 1967 reflète l’aboutissement de longs mois de démarches de la part de divers niveaux, depuis les gens d’affaires locaux jusqu’au député fédéral Viateur Éthier, en passant par le Conseil municipal. Le ministre canadien de l’Industrie, James Drury, annonce que la ville de Hawkesbury et sa région immédiate a officiellement été proclamée « zone défavorisée ». C’est ce que le Conseil municipal souhaitait, surtout depuis l’élection des membres de la Ligue du réveil civique. Ils avaient toujours jugé que le progrès de la ville dépendait d’une telle désignation à cause des avantages fiscaux pour les entreprises qui en découleraient.

En fait, aussitôt dit aussitôt fait. Le Conseil veut doter la ville d’un parc industriel le plus rapidement possible, ce qui permettrait d’offrir aux industries intéressées à s’installer à Hawkesbury un choix de terrains sur-le-champ. La ferme Cameron, au sud de la ville, est choisie et « la ville pourrait acheter ladite ferme pour le somme de 70 000 $, sans intérêts, et payable à raison de 10 000 $ annuellement ». La ferme représente une superficie de 225 acres. Essayez d’acheter un tel terrain pour cette somme aujourd’hui.

Les villes où j’ai vécu : Ste-Geneviève de Pierrefonds

(Depuis sa naissance, Alain a habité dans une dizaine de villes différentes, dont certaines à plus d’une reprise. Bien sûr, ses souvenirs et ses impressions de chacun de ces endroits sont relatives à l’âge qu’il avait à l’époque et aux activités auxquelles il s’était livré…ainsi que des souvenirs qu’il en a gardés. Voici donc le troisième article de cette série. Vous les retrouverez dans l’onglet « Les villes où j’ai vécu » sous les «Grands thèmes » de mon blogue. Bonne lecture.)

par Alain Guilbert

Après avoir obtenu mon baccalauréat ès arts en mai 1958 au Séminaire de St-Hyacinthe, il fallait bien choisir une vocation. Pendant un grand moment, à cette période, et particulièrement à la suite d’une retraite fermée de trois jours vers la fin de ma dernière année d’études classiques, j’ai sincèrement cru être appelé à devenir prêtre. Après avoir longuement hésité entre le Grand Séminaire de St-Hyacinthe, où on formait les prêtres séculiers, j’ai finalement opté pour la Congrégation de Sainte-Croix, une communauté « moderne » (fondée au XIXesiècle), qui était à l’origine de la célèbre université Notre-Dame dans l’Indiana (États-Unis) et aussi très bien reconnue au Québec pour son Collège Sainte-Croix, rue Sherbrooke Est à Montréal, son collège St-Laurent, à ville St-Laurent, l’un des meilleurs au pays, et aussi son œuvre de l’Oratoire St-Joseph. La différence entre devenir un prêtre séculier et un père de Sainte-Croix, c’est qu’il fallait faire une année de noviciat avant d’entreprendre quatre années d’études théologiques.

C’est ainsi qu’un bon jour du mois d’août 1958, à peine âgé de 18 ans, je me suis retrouvé à Ste-Geneviève de Pierrefonds, une municipalité située dans la banlieue ouest de Montréal dont j’ignorais même l’existence, mais où se trouvaient regroupés le noviciat et le scolasticat de la Congrégation de Sainte-Croix. Le monastère qui m’a accueilli pendant huit mois (la durée de mon séjour) se trouvait le long du boulevard Gouin (la voie de circulation la plus au nord de l’île de Montréal), en bordure de la rivière des Prairies, juste en face de l’Île Bizard, et à quelques pas à peine du pont qui y donnait (et y donne encore) accès. Autre point de repère, le monastère était à peine à un kilomètre du célèbre Parc Belmont. Cet édifice (le Monastère, et non le Parc Belmont), alors la propriété de la Congrégation de Sainte-Croix, existe encore, mais il a été transformé en cégep (anglophone, je crois) il y a bien des années.

Un peu comme pour mes années de pensionnat à St-Hyacinthe, où j’ai passé près de 98 % de mon séjour de sept ans à l’intérieur des limites du séminaire, le même phénomène s’est produit au noviciat des pères de Sainte-Croix où la presque totalité de mon séjour s’est déroulée à l’intérieur des limites de la propriété. Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec la notion de noviciat, disons qu’il s’agit d’une année consacrée à la prière, à la réflexion, à la méditation, à des lectures (toutes reliées d’une façon ou de l’autre à la religion) afin de vérifier si nous avions vraiment la vocation pour devenir prêtre, ou « père », si vous le préférez. Voici à quoi ressemblait une journée typique : lever à
6 heures, messe vers 6 h 30, suivie de 30 minutes de méditation, puis petit-déjeuner. Par la suite, vers 8 heures, chacun vaquait aux tâches qui lui avaient été assignées : par exemple, pour mes trois premiers mois, j’étais sacristain; ceux qui n’avaient pas de tâches précises et les autres, lorsque leurs tâches étaient terminées, participaient à la fabrication des lampions et des lampes de sept jours que les pèlerins faisaient brûler à l’Oratoire
St-Joseph en échange d’une obole. Par la suite, il y avait une longue conférence spirituelle animée par le père « maître » des novices, laquelle était suivie du dîner. Après une récréation bien méritée, il y avait une heure ou deux pour la lecture et la réflexion personnelle, le tout suivi d’une autre conférence spirituelle et d’une autre période de méditation. Enfin, en soirée, il y avait le souper, suivi d’une seconde récréation et d’une dernière période de lecture ou de réflexion. À travers ce programme, nous nous rendions à la chapelle à plusieurs reprises pour chanter les psaumes de l’office religieux, à différentes heures de la journée, en commençant tôt le matin par les laudes, en poursuivant durant la journée par prime, tierce, sexte, none, puis vêpres et complies. Tôt les dimanches matins, on y ajoutait les matines. Je chantais tellement mal, même des choses aussi simples que les psaumes, qu’on m’avait demandé de me limiter à faire du « lipsync » (faire bouger mes lèvres sans faire de bruit).

Inutile de dire que nos journées complètes se passaient en silence, sauf pour les deux périodes de récréation. Même les repas se prenaient en silence pendant que chacun des novices, à tour de rôle (nous nous remplacions chaque semaine), faisait la lecture à haute voix d’un livre à caractère religieux à l’intention de ses collègues. Pendant mon séjour, je me rappelle que nous avions passé à travers (ou presque) « l’Histoire de l’Église » par Daniel-Rops, une œuvre de sept ou huit « briques » de plus de 500 pages chacune. Au moins, c’était très intéressant.

Je ne sais pas si nous pouvons appeler cela des « congés », mais nous avions du temps libre les mercredis et les dimanches en après-midi pour nous livrer à des activités sportives ou à des excursions. Bien sûr, ces excursions consistaient en de longues marches, quelques fois le long du boulevard Gouin, mais la plupart du temps sur l’île Bizard qui n’était pas encore passée entre les mains des promoteurs immobiliers et qui n’était alors habitée que par quelques producteurs agricoles. La campagne à la porte de Montréal, quoi! Cette île était tout simplement magnifique. Lors des grandes fêtes religieuses, comme Noël, Pâques et quelques autres, nous pouvions profiter de sorties très spéciales : en effet, nous nous rendions (en autobus) à l’Oratoire St-Joseph pour y participer aux superbes cérémonies que la Congrégation de Sainte-Croix préparait pour les fidèles et les pèlerins. Nous pouvions en même temps y voir brûler des centaines de lampions et de lampes que nous avions fabriquées de nos mains. Quelles belles sorties.

Pour les sports, c’était un peu limité puisque nous n’étions qu’une douzaine de novices, ce qui ne nous permettait pas vraiment de faire deux équipes de balle (softball ou baseball), mais nous pouvions techniquement former une équipe de hockey. La plupart du temps nous jouions entre nous (les novices), mais très occasionnellement nous pouvions affronter les scolastiques (nos aînés). Nous n’étions pas vraiment en mesure de leur livrer de trop chaudes luttes, mais au moins cela nous faisait faire de l’exercice et nous procurait une saine détente. Le plus bizarre, c’est que nous devions toujours nous « vouvoyer » par respect mutuel. Cela n’était pas trop difficile dans nos activités quotidiennes et même lors de nos excursions, mais disons que ce n’était pas évident lors des compétitions sportives. J’avais de la difficulté à crier : « Allez-y Bernard » ou encore « Envoyez Adélard ». J’avais trouvé un truc : j’utilisais l’anglais où le « tu » et le « vous » sont confondus. C’était bien plus simple de dire « Let’s Go Bernard » ou « Com’on Adélard ». Cela faisait plus sportif, du moins je le crois.

Au Séminaire de St-Hyacinthe, j’avais commencé à fumer quand j’ai atteint la classe de Versification. Mais au monastère, c’était bien sûr interdit. À l’hiver, en arrière du monastère, il y avait une longue pente qui descendait jusqu’à la rivière des Prairies. Nous y avions installé un genre de rampe surélevée qui nous permettait de nous laisser descendre en skis et de nous rendre loin sur la rivière. Un jour, j’ai pris une spectaculaire culbute au cours de laquelle je me suis accroché le nez avec mon bâton de ski. Visite chez le médecin et deux points de suture… et une occasion en or de fumer… Quand je suis retourné voir le médecin pour enlever les points, je lui ai demandé s’il pouvait n’en enlever qu’un seul à la fois, ce qui me permettrait de revenir une autre fois… et me donnerait une autre occasion de fumer… Le médecin a été supercompréhensif… Il m’a enlevé les deux points au même moment, mais m’a donné trois autres rendez-vous pour vérifier si la cicatrice guérissait bien… trois occasions de fumer… Un vrai bon médecin!

Malgré les bons soins du médecin et l’amitié sincère de mes collègues novices, j’ai réalisé au bout de huit mois que je n’étais pas destiné à devenir un prêtre ou un « père ». Par un beau matin d’avril 1959, j’ai enlevé ma soutane, fait ma valise et suis rentré chez moi à Acton Vale… où ma mère m’a accueilli les bras grands ouverts! Ma vraie vie d’adulte allait alors commencer.

Les fermetures d’usine, ce n’est pas d’aujourd’hui

Dans son édition du 18 mai 1967, Le Carillon parle du coup dur qui frappe le petit village de Calumet, au Québec, à quelques milles de Grenville. La Compagnie internationale de papier (la CIP) annonce qu’elle ferme sa scierie de Calumet. La décision touche les 130 employés de cette scierie vieille de 55 ans. Le pin blanc, principale source d’approvisionnement pour cette scierie, n’existe plus en quantité suffisante dans la région.

En fait, l’histoire de la scierie remonte à bien plus que 55 ans. Alex Baptist avait érigé la première scierie en 1888. Après une débâcle en 1889, Sir George Perley, d’Ottawa, en a fait l’acquisition. (Je ne sais pas s’il s’agit du Perley qui a laissé son nom à l’ancien pont qui reliait Hawkesbury à Grenville.) En juillet 1911, la scierie est détruite par les flammes, mais reconstruite peu de temps après. Perley la vend ensuite à la Riordon Pulp and Paper Company, qui fait faillite. La CIP l’achète en 1925. Pendant ses belles années, la scierie produisait 30 millions de pieds de planche chaque année. Il en faut des arbres! Calumet ne s’est jamais remise de cette fermeture, bien que le village soit toujours là bien sûr.

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Dans Le Carillon du 1er juin 1967, l’Hydro de Hawkesbury écrit que « Pour quelques sous par jour, une laveuse automatique moderne vous libérera de la corvée du lavage de vaisselle, Elle lave et rince automatiquement votre vaisselle. Achetez-en une immédiatement. » En 2011, l’Hydro-Ontario, elle, vous rappelle que la laveuse automatique exige beaucoup d’énergie et qu’il est préférable de ne l’utiliser que tard le soir ou même la nuit. Autre temps, autre message.

Un des pires incendies de l’histoire de Hawkesbury

Quatre pages dans l’édition du 27 avril 1967 du journal Le Carillontraitent d’un des pires incendies de l’histoire de Hawkesbury. Une partie du secteur commercial de la rue Principale s’envole en flammes. Pas moins de 56 personnes, qui occupaient des logements à l’étage des commerces, « attendent du secours ». Plusieurs hommes d’affaires se donnent d’ailleurs la main pour organiser une grande campagne de sollicitation de fonds et venir en aide aux neuf familles délogées et trois personnes seules. On comptait 36 enfants dans ces familles (dont une avec huit, une autre avec sept, une autre avec six, deux avec cinq). Aucune famille n’était assurée. L’effort communautaire qui suivrait avait été extraordinaire. La une du journal est consacrée à ces efforts, alors que la description de l’incendie est reléguée aux pages suivantes.

Quant aux commerces touchés, l’incendie du 20 avril avait réduit en cendres Dalfen’s, Bond Clothes et la Pharmacie Dumont et avait endommagé sérieusement l’hôtel
King Edward. Le vent avait transporté des tisons jusqu’à une rue plus au sud, mettant même le feu au toit d’une résidence privée. Les fenêtres des édifices du côté sud de la rue Principale avaient éclaté sous l’effet de la chaleur intense du brasier (dont celles du bureau de poste). Au journal, nous avions eu peur. Notre atelier et nos bureaux étaient situés dans une rue transversale et le mur arrière donnait sur les édifices en flammes. Il n’y avait pas eu de dommage dans notre cas.

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Cette nouvelle relègue au deuxième plan le choix d’Albert Bélanger, un homme d’affaires de Sarsfield, comme candidat conservateur aux prochaines élections provinciales. On sait que le député Cécile avait démissionné et qu’il avait été assermenté juge de la cour provinciale. Bélanger avait été préféré à d’autres candidats solides et très connus, plus connus en fait que Bélanger : Lomer Carrière, de Hawkesbury (justement copropriétaire de l’hôtel King Edward brûlé), Albert Cadieux et Jean-Guy Durocher, eux aussi de Hawkesbury, Gérard Chartrand, de Lefaivre, et Ernest Brisson, de Casselman. Il avait fallu cinq tours de scrutin parmi les 228 délégués pour en arriver au choix final. Bélanger aurait gagné de justesse selon le reportage. Je reviendrai sur ce député au cours des prochains mois.

L’aide juridique fait son entrée en Ontario

Dans l’édition du journal Le Carillon du 6 avril 1967, une pleine page de publicité (ou presque) vante les mérites du nouveau régime d’aide légale de l’Ontario, en vigueur depuis le 29 mars.

L’aide juridique, comme on l’appelait, avait été conçue pour aider les personnes qui n’avaient pas les moyens de payer les honoraires des avocats. « L’incapacité de payer son avocat est un des derniers obstacles à la justice selon la loi. Mais ce problème n’existe plus en Ontario. » C’est la Law Society of Upper Canada qui avait été mandatée pour gérer ce nouveau système provincial qui « garantit qu’aucun citoyen de l’Ontario ne sera privé de ses droits légaux à cause de l’insuffisance de ses moyens ». Dans la région, c’était
Me Roch Lalande qui gérait ce nouveau service. MeLalande deviendra plus tard juge de la Cour provinciale, division de la famille, à L’Orignal.

La publicité précisait que la personne avait le choix de son avocat, « puis on prend une décision quant à la partie des frais que, le cas échéant, vous pourrez acquitter ». La publicité s’empressait d’ajouter que « ni le tribunal ni le public ne savent que vous bénéficiez d’une aide légale. C’est un secret entre vous et votre avocat. » Finalement, l’annonce décrivait le régime comme « la solution la plus progressive au monde, face au problème de l’aide légale », après tout, l’Ontario était la « province d’avenir » comme le clamait son slogan de l’époque. Aujourd’hui, c’est un service tenu pour acquis dont on n’entend presque jamais parler.

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Une simple photo en page 4 de l’édition du 13 avril 1967 du journal Le Carillon.
Fred Geizendanner, propriétaire de la compagnie Montebello Metal, remet un chèque
de 4 982,40 $ à Marcel Gélineau, le président de l’Association d’investissement industriel de Hawkesbury, pour l’achat d’un terrain d’environ quatre acres à Hawkesbury. Montebello Metal allait s’y installer et progresser avec les années. C’était le point de départ de la croissance industrielle de Hawkesbury, autre que la CIP.

Fred Geizendanner était un industriel très sympathique et très impliqué dans la communauté. Il était membre du club Rotary et avait répondu généreusement à l’appel qu’avait lancé l’Association locale d’aide aux déficients mentaux pour permettre aux personnes affligées de ce handicap d’intégrer le marché du travail. C’était toute une nouveauté à l’époque et je me souviens de m’être rendu à son usine pour faire un reportage sur ses premiers employés déficients intellectuels. Il leur confiait des tâches répétitives parce que ces employés excellaient à ce type de tâches. Montebello Metal était spécialisée dans la fabrication de tubes pliants (pâtes dentifrices, crèmes et même tubes à cigares).

Montebello Metal est toujours là au coin de la rue Cameron et Aberdeen.

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Toujours dans l’édition du 13 avril, un court article pour annoncer qu’Huguette Burroughs, de L’Orignal, avait remporté les grandes compétitions provinciales du concours de français pour les écoles secondaires de l’Ontario. Chez les garçons, Denis Pommainville, de Limoges. Toute une histoire pour ces deux-là.

Huguette était alors correspondante du journal Le Carillon à l’École secondaire régionale de Hawkesbury. Elle signait une chronique hebdomadaire sur les faits et gestes dans cette école. Elle est devenue par la suite correspondante pour le village de L’Orignal. Plus tard, elle est passée au journalisme radiophonique et est devenue sans doute la personnalité francophone la plus connue de Cornwall. Lors de ses funérailles à Cornwall il y a quelques années, l’église était bondée. La dernière fois que je l’ai vue, c’était au mariage de sa nièce sur un bateau à Gatineau. Huguette était une femme extraordinaire qu’un handicap (cécité partielle) n’avait jamais arrêtée. Son frère Charles était journaliste au Carillon avec moi. En fait, nous avons travaillé ensemble plus de 20 ans au journal et quelques années à Postes Canada par la suite. Il a pris sa retraite du journal Le Droit il y a quelques années.

Quant à Denis Pommainville, il est devenu extrêmement connu. Criminaliste tant en Ontario qu’au Québec, il a été actif en politique municipale dans son patelin pendant de très nombreuses années. En fait, peu d’adversaires osaient se présenter contre lui et il a été réélu maire de Cambridge/La Nation à plusieurs reprises. C’est lui qui a piloté le dossier du Parc aquatique Calypso dans sa municipalité et qui est rapidement devenu une attraction touristique majeure à sa première année d’exploitation en 2010. Denis n’a pas sollicité un autre mandat lors des élections municipales de novembre 2010 et a pris sa retraite comme avocat.

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Dans l’édition du 20 avril, on apprend que Campeau Construction, d’Ottawa, établira deux chaînes de montage de sa filiale Allied Building Supplies (ABS) à Alfred : une pour les laveuses à vaisselle Blanchard (un appareil qu’on installait sur le dessus de l’armoire à côté de l’évier) et une pour les cloisons mobiles Divisorwall. Campeau installait la laveuse Blanchard dans toutes les nouvelles maisons qu’il construisait Ottawa. Quant aux cloisons, exclusives à Campeau, elles avaient été utilisées dans son projet Continental Towers et Place de Ville à Ottawa et au Château Maisonneuve à Montréal, entre autres. Robert Campeau avait épousé une fille d’Alfred, la fille de M. et Mme Philippe Cadieux. Son beau-frère Alban Cadieux était d’ailleurs président d’ABS. Plusieurs membres de la haute direction de Campeau et d’ABS étaient originaires d’Alfred.