Pas évident de traîner son cercueil jusqu’à Osaka

C’est le titre d’un article en page 21 de l’édition du 8 mai du journal Le Carillon : « Un quinquagénaire traînera son cercueil jusqu’à Osaka ». J’en parle parce que mon entrevue avec ce bonhomme à l’esprit aventurier m’avait fasciné à l’époque. Elzéar Duquette, un Montréalais de 58 ans, avait quitté Montréal la semaine précédente et marchait une distance moyenne de 18 milles par jour. La Ville de Montréal avait accepté de défrayer les frais du bateau sur lequel il embarquerait une fois rendu Vancouver. Il comptait de rendre à Osaka à temps pour l’inauguration de l’Exposition universelle dans cette ville en mars 1970. Partout où il s’arrêtait, Elzéar Duquette attirait l’attention parce qu’il traînait un cercueil qu’il avait lui-même construit. C’est dans ce cercueil qu’il passait ses nuits. L’aventurier n’en était pas à sa première expérience du genre. En 1934, alors qu’il n’avait que 24 ans, il avait parcouru près de 8 500 milles, à pied, en traînant cette fois une roulotte de 700 livres. Ce voyage l’avait mené à travers le Canada et les États-Unis. Dans son périple vers Osaka, Duquette était accompagné de l’artiste-peintre et écrivain J.-Robert Gordon, qui rédigeait sa biographie et filmait ses péripéties. Je n’ai jamais vu le résultat de son travail.

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Le Carillon du 8 mai 1969 continue à nous parler de l’expansion industrielle de Hawkesbury. Il s’agit encore une fois d’une industrie liée au secteur du textile, mais de calibre supérieur. La compagnie Patchogue, Plymouth annonce la construction d’une usine de 130 000 pieds carrés au coût de 1 650 000 $ dans la partie sud-est du parc industriel, mais l’investissement serait de l’ordre de quatre millions de dollars si l’on tient compte de l’équipement qui devra y être installé. Cette entreprise est une filiale de la Pan American Petroleum Corporation, de Calgary, elle-même une composante de la puissante Standard Oil (Indiana). On y fabriquera des matériaux de base pour les tapis (c’est l’association avec le monde du textile). Ce seront 150 emplois nouveaux lors de l’ouverture de l’usine plus tard dans l’année. Patchogue, Plymouth exploite également des usines en Georgie, en Allemagne et en Angleterre. Je reviendrai sur cette entreprise, rebaptisée Amoco au fils des ans, parce qu’elle sera la cible de probablement la pire grève et la plus violente de l’histoire de Hawkesbury. L’usine fermera éventuellement ses portes. J’y reviendrai en temps opportun.

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Je ne me souviens plus des circonstances qui ont amené la publication de cette série d’annonces « par les organes d’information du Canada français », mais voici le texte que l’on pouvait y lire :

Nous parlons la langue de 150 millions d’hommes.
La langue française est le bien commun de la francophonie. Nous nous devons d’être francophones à part entière en ayant le souci le parler et d’écrire correctement notre langue. Ce qui est répréhensible, ce n’est pas de commettre des fautes en s’exprimant, c’est de négliger de se corriger. Parler avec correction, c’est s’affirmer.
Bien parler, c’est se respecter.

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Le contribuable trouve la facture du regroupement salée

Le regroupement scolaire n’a pas mis de temps à augmenter les coûts pour les contribuables. Il en question dans Le Carillon de ce mi-mai 1969. Moins de six mois après son entrée en existence, le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell signe une première convention collective avec ses enseignants. En résumé, le personnel enseignant obtient une majoration salariale de 17 p. cent. Des telles majorations se sont répétées partout en province alors que les associations d’enseignants consolidaient leurs assises au lendemain du regroupement scolaire du 1er janvier 1969. C’est ce qui explique sans doute pourquoi ce conseil, dans son premier budget, a annoncé qu’il prélèverait 20 p. cent de plus d’impôts des diverses municipalités du territoire. Yvon Lahaie, l’administrateur-trésorier du CECPR, avait expliqué que la hausse était justifiée « par les hausses des salaires des professeurs, les constructions d’écoles en cours, et un personnel administratif et éducationnel plus nombreux ». Assurément, on ne parlait plus du tout de la même chose, mais ce n’est qu’après plusieurs années que les avantages du regroupement pour les jeunes du territoire allaient se manifester. Mais la facture, elle, n’a jamais baissé.

Entre elles, les 33 anciennes commissions scolaires du territoire avaient accumulé un déficit combiné de 167 062 $. Pour ce premier budget, le nouveau conseil avait opté pour un pourcentage fixe plutôt qu’une modification du taux d’imposition « parce que l’évaluation des municipalités n’est pas uniforme et que les facteurs égalisateurs fournis par le ministère ne sont pas justes ». De toute évidence, on n’était pas prêt à Toronto. Le prélevé municipal total passera ainsi de 565 656 $ à 678 787 $, mais les subventions provinciales seront de l’ordre de 3 438 000 $. Le premier budget prévoyait des dépenses de 4 218 254 $.

Au nouveau Conseil d’éducation de Prescott et Russell, c’est du pareil au même. Pour son premier budget de dépenses de 3 638 281 $ pour gérer les écoles secondaires du territoire, le CEPR prélèvera 22,5 p. cent de plus de taxes scolaires en 1969 des municipalités. Dans son cas, ce sont quatre commissions scolaires qui avaient été fusionnées. Ce budget ne comprenait pas les dépenses des écoles élémentaires publiques, qui seront connues plus tard.

Ajoutons que les augmentations des taxes scolaires partout en Ontario ont provoqué des remous dans tous les coins de la province, tant bien que le gouvernement provincial de John Robarts a dû intervenir et promettre une plus grande contribution de la province aux frais d’exploitation des conseils scolaires regroupés. Certaines municipalités avaient même menacé de ne pas prélever de tels impôts. Évidemment, qu’il s’agisse des taxes municipales, des taxes scolaires ou des impôts provinciaux, tout cet argent venait d’une seule et même source… le contribuable. Comme toujours d’ailleurs.

Un camp de nudistes près de St-Eugène

Nous sommes toujours en 1968 et Le Carillon du 31 octobre, loin dans les pages intérieures, annonce qu’un « camp de nudistes » s’établira dans le canton de Hawkesbury-Est, près de St-Eugène, « à deux pas de la frontière du Québec ». C’est que de tels camps n’étaient pas bienvenus chez nos voisins… pas encore en tout cas. Le camp sera un véritable petit village. Le promoteur Paul André, de Montréal, avait expliqué que « le village sera pourvu d’une place publique. C’est là que sera situé le centre récréatif, une immense bâtisse de 100 pieds par 50 pieds, une piscine de grandeur olympique et des jeux en plein air, tels que ballon-volant, badminton, fers à cheval, ainsi qu’un parc pour enfants ».

L’alcool ne sera pas vendu au restaurant. « Les membres seront soumis aux règlements de l’Association des nudistes d’Amérique : interdiction de consommer des boissons alcooliques, de blasphémer, de détériorer le bien d’autrui et de voler. De plus, seuls les couples mariés ou les familles seront acceptés. » J’y reviendrai parce qu’en 1970, comme tout bon journaliste l’aurait fait, je m’y suis rendu pour un reportage. Le camp est toujours là et un autre avait ouvert ses portes près de Casselman il y a de nombreuses années.

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Rien à voir avec les nudistes, mais l’édition du 7 novembre 1968 fait référence au fait que la région de Hawkesbury serait « sérieusement considérée comme emplacement du futur jardin zoologique que la Société zoologique de Montréal compte établir prochainement dans le district compris entre la métropole et la capitale canadienne ». Ce projet ne s’est malheureusement jamais matérialisé. Le jardin zoologique de 1000 acres aurait été d’une superficie semblable à celle de la Ferme expérimentale à Ottawa. Ç’aurait fait un bon complément au Parc aquatique Calypso.

Un hommage éditorial à John Robarts

Dans l’édition du journal Le Carillon du 1er août 1968, l’éditorialiste Jean-Robert Danis (ancien journaliste du journal qui était revenu au bercail après quelques années au journal Le Droit, frère du directeur du journal, Bernard, et beau-frère du journaliste Marcel Desjardins, futur vice-président de La Presse) rend hommage à John Robarts et sa décision de reconnaître la langue française à l’Assemblée législative de l’Ontario.

Danis écrit que « le gouvernement Robarts mérite d’être félicité pour son dernier geste. Sans tambour, ni trompette, il a, sans doute, fait beaucoup plus que le gouvernement central, au cours des dernières années, pour assurer la survie de la Confédération canadienne, en contribuant à améliorer le sort des Franco-Ontariens ». L’éditorialiste ajoute que « dans le domaine de l’éducation seulement, le régime Robarts a établi une meilleure répartition des subventions gouvernementales entre les écoles publiques et les écoles séparées, assurant ainsi justice aux Franco-Ontariens. (…) Ces mesures dans l’éducation combinées aux diverses positions adoptées par le gouvernement Robarts lors de la Conférence sur la Confédération de demain dans la Ville Reine, en novembre dernier, et lors de la conférence fédérale-provinciale sur la Constitution à Ottawa, en février, permettent aux Franco-Ontariens d’envisager avec optimisme leur avenir dans la plus riche et la plus peuplée des provinces canadiennes ».

En passant, Jean-Robert est décédé il y a quelques années après s’être étouffé avec un morceau de carapace de homard dans un restaurant de Hawkesbury; il ne s’en était pas remis. Jean-Robert avait quitté Le Carillon pour lancer son propre journal, L’Express, racheté plus tard par les Éditions André-Paquette. Bernard est décédé lui aussi depuis très longtemps, tandis que Marcel est malheureusement lui aussi disparu bien avant son temps, il y a quelques années à peine.

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Dans l’édition du 15 août 1968, les Manufactures LaSalle annoncent l’ouverture de leur nouveau magasin à Hawkesbury. LaSalle, qui avait un petit magasin sur la rue Bertha, avait décidé de déménager dans des locaux plus imposants à cause de leur popularité sur la scène locale. LaSalle aménagera dans un nouvel édifice construit pour loger l’épicerie Rozon. L’ancien local allait devenir le siège administratif du nouveau Conseil de l’éducation de Prescott-Russell qui allait naître le 1er janvier 1969. J’y reviendrai.

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En passant, les photos des danseuses en vedette dans les divers hôtels du coin sont de plus en plus censurées par des barres noires. La danse exotique était devenue la danse érotique. Vers cette période, la Sûreté municipale de Hawkesbury avait créé des problèmes pour un hôtelier de Lachute qui avait distribué des annonces pour ses danseuses dans la ville; cet hôtelier voulait éviter la « censure » des journaux régionaux. La Sûreté avait jugé les circulaires pornographiques.

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Dans l’édition du 29 août, c’est Astro Industries Ltd qui annonce son arrivée prochaine à Hawkesbury, dans le parc industriel bien entendu. Ce sera une filiale de la compagnie Knitted Outaward Mills. L’entreprise se spécialiste dans la texturation de filés synthétiques pour utilisation dans le tricot et le tissage. Une trentaine de nouveaux emplois. Une nouvelle industrie de plus. Vous remarquerez que les nouvelles industries semblent toutes être du secteur du textile… moins payant pour les employés. Plusieurs de ces industries plieront éventuellement bagages pour le ciel mexicain ou l’Asie. Elles avaient bien entendu perdu les avantages liés à la désignation de « zone défavorisée », qui n’avait pas été éternelle bien sûr. Plus il y avait de nouvelles industries, moins défavorisée était la zone.

Le curé et son vicaire seront désormais salariés

« Le clergé sera désormais salarié » selon un article de l’édition du 18 janvier 1968 du journal Le Carillon. L’archevêque Joseph-Aurèle Plourde avait annoncé de nouvelles mesures sur l’administration des paroisses et la rémunération des prêtres dans son diocèse d’Ottawa. Ainsi, les recettes des quêtes restent dans la paroisse et ces quêtes n’auront lieu qu’une seule fois par messe, « soit à l’offertoire ». Auparavant, il y en avait deux et parfois trois. Ce décret de Plourde établit également le concept des offrandes dans une enveloppe.

« La dîme ou support paroissial à verser annuellement doit être l’équivalent d’une journée de travail pour toute personne gagnant un salaire et de $5.00 pour les personnes retraitées qui le peuvent. » Le prêtre touchera un salaire mensuel de 185 $ s’il a moins de dix ans de sacerdoce et 225 $ s’il a 20 ans ou plus d’expérience. Les prêtres sont évidemment logés et nourris dans le presbytère paroissial. « Le traitement de base de l’Archevêque est de $300 par mois et celui des évêques auxiliaires de $250. » Une autre époque quoi! Et il ne manquait pas de prêtres. À la paroisse St-Alphonse-de-Liguori, par exemple, il y avait un curé et deux vicaires en 1968… pour une même paroisse.

À propos d’un projet de loi déposé aux Communes sur l’avortement et l’homosexualité, Mgr Plourde en avait profité pour rappeler à ses ouailles que « c’est toujours à la loi de Dieu que la conscience des citoyens doit se conformer ». Ce projet de loi faisait jaser partout au pays bien entendu. Autre signe des temps que ces interventions archiépiscopales.

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Une annonce intéressante dans l’édition du 4 janvier parlant du nouveau restaurant Chez Michel sur la rue James à Hawkesbury. Je ne me souviens pas de ce restaurant. Quoi qu’il en soit, ce sont les prix de l’époque qui retiennent mon attention : deux œufs, bacon, rôties et café pour 70 cents; un demi-poulet barbecue, 1,25 $; un sandwich club, 1 $; un « small steak », 1,20 $; une omelette au jambon, 85 cents. Et chaque jour, il y a un « spécial » à 99 cents. Vous ne laisseriez même pas ces mêmes montants en pourboires aujourd’hui.

Un programme d’austérité à l’usine de la CIP

L’usine Montebello Metal est la première entreprise locale à profiter de la nouvelle désignation de « zone défavorisée ». Viateur Ethier annonce que l’entreprise construira une nouvelle fonderie à son usine, ce qui devrait ajouter 35 emplois aux 140 existants. L’investissement sera de 250 000 $. C’est à la une de l’édition du 14 décembre 1967 du journal Le Carillon. Montebello Metal, au fil des ans, allait connaître plusieurs étapes de croissance.

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Sous cet article, un autre plutôt moins encourageant. La direction de la CIP a annoncé un programme d’austérité à son usine locale, attribuable à « l’augmentation constante du cout de production et l’instabilité du marché des pâtes au bisulfite ». Quelque 40 employés sont touchés par ces mesures; l’usine en compte 616 en tout. L’usine de 69 ans subit la concurrence de « nouveaux procédés technologiques de fabrication dans le domaine des pâtes kraft qui ont permis à ces produits d’empiéter sur les marché des pâtes au bisulfite ». Retenez cette explication parce qu’elle reviendra 15 ans plus tard.

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Mauvaise nouvelle pour les buveurs dans l’édition du 28 décembre 1967. Il en coûtera plus cher pour nuire à l’économie (revoir blogue sur les Lacordaire du 3 mai) à compter du
1er janvier 1968. Ainsi, la Régie des alcools de l’Ontario annonce que le prix d’une bouteille de spiritueux augmentera en moyenne de 46 cents, alors que la caisse de 24 bouteilles de bière coûtera dorénavant 4,79 $. Le prix d’une bouteille de Scotch passera de 6,23 $ à
6,65 $ et de 7,28 $ à 7,75 $. Quant au vin, le prix de la bouteille, selon la sorte, passera de 95 cents à 1 $, de 1,51 $ à 1,60 $, de 2,42 $ à 2,55 $ et de 3,61 $ à 3,75 $. Le prix était stable depuis janvier 1965. Évidemment, on ne parle plus du tout de la même fourchette de prix 40 ans plus tard!

Une attaque réussie contre les « hommes-clefs »

Les élections municipales et scolaires du 6 décembre 1967 à Hawkesbury avaient soulevé un intérêt inhabituel, notamment à cause du grand nombre de candidats en lice : deux à la mairie, deux à la préfecture, onze aux six postes de conseillers, huit aux six postes de conseillers scolaires séparés et sept aux trois postes de conseillers scolaires publics. Pour la première fois aussi, ce serait un mandat de trois ans au lieu de deux.

Ainsi, l’édition du journal Le Carillon du lendemain proclame la victoire incontestable du maire sortant Victor Bruneau. Les 75 p. cent de l’électorat qui se sont prévalus de leur droit de vote lui ont accordé une majorité écrasante sur son adversaire Albert Cadieux, lui-même ancien maire et homme d’affaires bien connu de Hawkesbury. Fait intéressant pour démontrer l’influence des travailleurs de la CIP sur la direction municipale, Bruneau était un employé de cette usine alors que Cadieux était un « riche » homme d’affaires et développeur immobilier.

Aux postes de conseillers, l’incomparable Philibert Proulx devançait tout le peloton avec 1444 votes, Albert Giroux (le même que l’affaire Giroux dont je parlais dans mon billet du 14 mars) et Claude Drouin obtenaient respectivement 1278 et 1257 votes. Le public avait refait confiance à Giroux… preuve que l’électeur est difficile à comprendre… comme encore aujourd’hui d’ailleurs. Pour les six autres, la différence était mince… entre 1199 et 1103 votes chacun. Les trois élus étaient Gérard Joly, Germain Tessier et Yvon Bertrand. Fait à noter, Proulx avait livré une attaque en règle contre le groupe des « hommes-clefs » qui se présentait sous cette bannière. Deux des « hommes-clefs » n’avaient pas été élus. Ce regroupement était un peu le pendant de la Ligue du réveil civique de l’élection précédente (blogue du 8 mars) et qui s’était démantelée après avoir réussi à faire élire la majorité de ses candidats. Proulx, Drouin et Joly sont des employés de la CIP.

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Dans l’édition du 7 décembre 1967 du journal Le Carillon, on apprend que le coloré
Réal Caouette, député de Rouyn-Noranda et chef du Crédit social fédéral, est conférencier au Club Richelieu de Rockland. Caouette est décédé le 16 décembre 1976, la première année d’un gouvernement du Parti québécois.

En référence aux séparatistes dont il déplorait l’attitude, Caouette souligne qu’il « y avait eu plusieurs améliorations à l’égard des Canadiens français mais qu’il restait encore beaucoup à accomplir et que la séparation n’est sûrement pas le moyen à prendre », rappelant que « l’union fait la force ». Il ne s’en fait plus des personnages comme Caouette… ou comme Camille Samson, son compatriote de Rouyn-Noranda et chef du Ralliement créditiste au Québec.

Les conservateurs retiennent Prescott-Russell

L’édition du 19 octobre 1967 du journal Le Carillon titre en gros que « Bélanger conserve Prescott & Russell »… en encre bleue! Albert Bélanger, qui en était à sa première tentative comme candidat progressiste-conservateur, l’avait emporté par une majorité de 3 266 votes sur son adversaire libéral Serge Lalonde. Quelque 65,6 % des électeurs s’étaient prévalus de leur droit de vote, ce qui était nettement inférieur aux 71 % de l’élection précédente de 1963. Cette fois-là, Louis Cécile n’avait récolté qu’une majorité de 1 320 voix sur le libéral René Bertrand. Dans le comté voisin de Glengarry, le conservateur Osie Villeneuve est réélu. Ce comté regroupe les villages voisins de Chute-à-Blondeau, St-Eugène et Vankleek Hill, qui faisaient déjà partie du comté de Prescott. Retenez ce nom d’Osie Villeneuve; j’y reviendrai sous un jour défavorable dans le cadre de ce « Retour sur hier ».

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Décidément, la montée du séparatisme au Québec fait jaser. À la une de l’édition du 9 novembre 1967 du journal Le Carillon, l’éditeur se sent obligé d’expliquer pourquoi le journal ne parle des nouvelles industries qui compteraient s’établir à Hawkesbury. « Comme nous avons à cœur la prospérité de notre ville et notre région, et que notre seul but n’est pas seulement de vendre des journaux, nous attendons d’être sûrs avant d’en informer notre population. »

Pourquoi intervenait-il ainsi? « Les pressions se sont faites encore plus fortes depuis que la télévision montréalaise de même que les publications La Presse et Sept Jours ont annoncé que des industriels qui devaient s’établir dans le Québec avaient changé d’avis à cause du malaise séparatiste intensifié récemment dans la province voisine, projetaient de s’établir dans Hawkesbury. » Les autorités municipales craignaient les spéculateurs et que d’autres municipalités tentent d’attirer les industriels chez eux si leurs noms étaient divulgués. Des arguments semblables allaient être invoqués après l’élection du gouvernement de René Lévesque, en 1976.

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L’édition du 16 novembre du journal Le Carillon présente une demi-page de publicité curieuse. Le Cimetière St-Alphonse a ouvert une « nouvelle subdivision ». Un « grand lot 13 x 18 capacité 8 » se vend 225 $, alors qu’un « demi-lot 13 x 12 capacité 4 » se vend 150 $. Une « fosse simple capacité 3 x 8 » coûte 30 $. Tous ces prix comprennent l’entretien perpétuel. « Avez-vous songé à vous procurer un lot dès maintenant? » poursuit la publicité. Bonne question! Quarante-quatre ans plus tard, quel est le prix d’un lot d’un cimetière?

Une nouvelle loi ontarienne sur les autobus scolaires

Nous tenons souvent des petites choses pour acquises tellement nous y sommes devenus habitués. Ainsi, dans l’édition du journal Le Carillon du 7 septembre 1967, une photo fournie par le ministère des Transports de l’Ontario rappelle l’existence d’une nouvelle loi à propos des autobus scolaires : il faut arrêter dans les deux sens lorsque les feux de l’autobus clignotent. « Cette loi est en vigueur partout où la limite de vitesse maximum est supérieure à 35 milles à l’heure. La seule exception à cette règle : la circulation n’arrête pas de l’avant lorsque les voies de la route sont séparées par une barrière de quelque sorte. » Bien sûr, le système métrique n’a pas encore été imposé aux Canadiens. 

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Une nouvelle intéressante à la une de l’édition du 14 septembre 1967 qui fait état de la visite du chef libéral ontarien Robert Nixon à Hawkesbury dans le cadre des élections provinciales. Un paragraphe précise que « le candidat Serge Lalonde était également accompagné dans sa tournée du président de sa campagne, M. Noël Berthiaume, de Hawkesbury ». Noël Berthiaume est décédé il y a plusieurs années, mais il a laissé un héritage politique et d’implication sociale à sa famille, qui a pris la relève. Ainsi, son fils aîné René est maire de la ville de Hawkesbury depuis décembre dernier. Au scrutin fédéral de 2006, René a aussi tenté de devenir le successeur de Don Boudria comme député libéral de Glengarry-Prescott-Russell. Il a failli de près… par à peine 203 votes. Mais l’électeur canadien avait préféré donner la leçon de leur vie aux libéraux de Paul Martin au lendemain du fameux scandale des commandites. Ils ne s’en sont jamais remis d’ailleurs. Quant à Serge, il est toujours bien vivant. Je l’ai revu le 25 avril, lors de la rencontre des candidats au scrutin du 2 mai dans Glengarry-Prescott-Russell à l’aréna de St-Isidore. J’ajoute qu’il a aussi travaillé au service de publicité des Éditions André-Paquette, alors que j’étais rédacteur en chef du journal Le Carillon. Aujourd’hui, Serge est d’ailleurs propriétaire de son imprimerie à Plantagenet, sa communauté de toujours. Et toujours profondément libéral, bien entendu.

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Dans la même édition du 14 septembre, une nouvelle chronique signée par Georges Martin et qui traite de nouvelles de Rockland. Georges Martin, sympathique bonhomme, était le maire de sa ville. Georges avait remarqué que nous avions perdu notre correspondant local et avait déploré l’absence de nouvelles de sa communauté. Il écrit d’ailleurs : « Comme le dit un certain proverbe ‘Si tu t’ouvres la boîte, quelqu’un va y mettre le pied dedans’ ». Je n’ai jamais entendu ce proverbe, mais quoi qu’il en soit, nous lui avions offert le poste (les correspondants étaient payés selon le nombre de pouces de colonne publiés). Georges était un type impliqué dans à peu près toutes les activités de sa communauté, culturelles ou sportives. Comme correspondant, et malgré qu’il ait été maire, Georges faisait preuve d’une grande transparence dans les renseignements qu’il transmettait au journal. Pas sûr qu’un maire, aujourd’hui, pourrait faire de même.

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Dans l’édition du 21 septembre 1967 du journal Le Carillon, un court article annonce que la firme d’architectes Lithwick Lambert Sim et Johnston avait été retenue pour réaliser les plans du futur Hôpital pédiatrique de l’Est de l’Ontario. « Le nouvel hôpital desservira la ville d’Ottawa et ses dix comtés environnants, dont Prescott et Russell. » Il s’agissait bien sûr de ce qui allait devenir le réputé Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO). La construction devait commencer en 1969.

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En entrefilet dans cette même édition, le Conseil municipal de Rockland et la compagnie Synrock Cablevision conviennent d’une entente afin de doter cette ville d’un service de télévision par câble. Nous sommes bien loin de la télé par satellite, de Netflix et de l’omniprésent Internet.

Un des pires incendies de l’histoire de Hawkesbury

Quatre pages dans l’édition du 27 avril 1967 du journal Le Carillontraitent d’un des pires incendies de l’histoire de Hawkesbury. Une partie du secteur commercial de la rue Principale s’envole en flammes. Pas moins de 56 personnes, qui occupaient des logements à l’étage des commerces, « attendent du secours ». Plusieurs hommes d’affaires se donnent d’ailleurs la main pour organiser une grande campagne de sollicitation de fonds et venir en aide aux neuf familles délogées et trois personnes seules. On comptait 36 enfants dans ces familles (dont une avec huit, une autre avec sept, une autre avec six, deux avec cinq). Aucune famille n’était assurée. L’effort communautaire qui suivrait avait été extraordinaire. La une du journal est consacrée à ces efforts, alors que la description de l’incendie est reléguée aux pages suivantes.

Quant aux commerces touchés, l’incendie du 20 avril avait réduit en cendres Dalfen’s, Bond Clothes et la Pharmacie Dumont et avait endommagé sérieusement l’hôtel
King Edward. Le vent avait transporté des tisons jusqu’à une rue plus au sud, mettant même le feu au toit d’une résidence privée. Les fenêtres des édifices du côté sud de la rue Principale avaient éclaté sous l’effet de la chaleur intense du brasier (dont celles du bureau de poste). Au journal, nous avions eu peur. Notre atelier et nos bureaux étaient situés dans une rue transversale et le mur arrière donnait sur les édifices en flammes. Il n’y avait pas eu de dommage dans notre cas.

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Cette nouvelle relègue au deuxième plan le choix d’Albert Bélanger, un homme d’affaires de Sarsfield, comme candidat conservateur aux prochaines élections provinciales. On sait que le député Cécile avait démissionné et qu’il avait été assermenté juge de la cour provinciale. Bélanger avait été préféré à d’autres candidats solides et très connus, plus connus en fait que Bélanger : Lomer Carrière, de Hawkesbury (justement copropriétaire de l’hôtel King Edward brûlé), Albert Cadieux et Jean-Guy Durocher, eux aussi de Hawkesbury, Gérard Chartrand, de Lefaivre, et Ernest Brisson, de Casselman. Il avait fallu cinq tours de scrutin parmi les 228 délégués pour en arriver au choix final. Bélanger aurait gagné de justesse selon le reportage. Je reviendrai sur ce député au cours des prochains mois.