La guerre est prise… papa et maman ne sont pas contents

La guerre prend dans plusieurs petites communautés de Prescott et de Russell en ce début de mai 1969. Qui dit regroupement scolaire dit également centralisation des écoles. Des parents, un peu partout, ne veulent pas en entendre parler. Les premiers à réagir sont les parents du très petit village de Fournier qui ne veulent rien savoir de la décision du Conseil des écoles catholiques de réunir les classes de 7e et 8e années à l’école du village voisin de St-Isidore-de-Prescott. Pas moins de 166 parents (quasiment le village au complet) signent une pétition dans laquelle il « se disent très satisfaits du système actuel et ajoutent que leur décision est finale ». La pétition conclut même que « les parents ne toléreront aucun changement ». À tout événement, « le CECPR a décidé de remettre toute la question de la centralisation à l’étude, afin de déterminer la meilleure méthode d’implantation ». Évidemment, cette centralisation a eu lieu et plusieurs petites écoles ont éventuellement fermé leurs portes. C’était, après tout, un des grands objectifs du regroupement.

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Un court article intéressant dans l’édition du 15 mai 1969 du journal Le Carillon. On y annonce la nomination de Fernand Lortie, d’Embrun, comme nouveau principal de l’École secondaire régionale de Hawkesbury. Il y remplaçait un autre homme d’Embrun, Royal Comtois, qui venait d’être nommé surintendant du nouveau Conseil d’éducation de Prescott et Russell. « Le nouveau principal de l’ESRH est marié et père de deux filles. » Une de ses filles se prénomme Andrée et deviendra beaucoup plus tard la première directrice générale de La Cité collégiale à Ottawa. Tel père, telle fille!

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« 10¢ de moins sur chaque carton… Mince alors! » titre l’annonce de trois colonnes pleine hauteur de page dans cette même édition du 15 mai. Il s’agit d’une publicité pour la cola diététique Tab, sans sucre. Mais ce n’est pas ça qui attire mon attention… c’est plutôt la fille qui tient le carton de six bouteilles de Tab. On la voit de dos… elle est nue (sauf pour la bobette)… et assurément mince! Nous sommes en 1969, en passant; les cinémas ont commencé à insister beaucoup sur les films dits « de fesses ».

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Le contribuable trouve la facture du regroupement salée

Le regroupement scolaire n’a pas mis de temps à augmenter les coûts pour les contribuables. Il en question dans Le Carillon de ce mi-mai 1969. Moins de six mois après son entrée en existence, le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell signe une première convention collective avec ses enseignants. En résumé, le personnel enseignant obtient une majoration salariale de 17 p. cent. Des telles majorations se sont répétées partout en province alors que les associations d’enseignants consolidaient leurs assises au lendemain du regroupement scolaire du 1er janvier 1969. C’est ce qui explique sans doute pourquoi ce conseil, dans son premier budget, a annoncé qu’il prélèverait 20 p. cent de plus d’impôts des diverses municipalités du territoire. Yvon Lahaie, l’administrateur-trésorier du CECPR, avait expliqué que la hausse était justifiée « par les hausses des salaires des professeurs, les constructions d’écoles en cours, et un personnel administratif et éducationnel plus nombreux ». Assurément, on ne parlait plus du tout de la même chose, mais ce n’est qu’après plusieurs années que les avantages du regroupement pour les jeunes du territoire allaient se manifester. Mais la facture, elle, n’a jamais baissé.

Entre elles, les 33 anciennes commissions scolaires du territoire avaient accumulé un déficit combiné de 167 062 $. Pour ce premier budget, le nouveau conseil avait opté pour un pourcentage fixe plutôt qu’une modification du taux d’imposition « parce que l’évaluation des municipalités n’est pas uniforme et que les facteurs égalisateurs fournis par le ministère ne sont pas justes ». De toute évidence, on n’était pas prêt à Toronto. Le prélevé municipal total passera ainsi de 565 656 $ à 678 787 $, mais les subventions provinciales seront de l’ordre de 3 438 000 $. Le premier budget prévoyait des dépenses de 4 218 254 $.

Au nouveau Conseil d’éducation de Prescott et Russell, c’est du pareil au même. Pour son premier budget de dépenses de 3 638 281 $ pour gérer les écoles secondaires du territoire, le CEPR prélèvera 22,5 p. cent de plus de taxes scolaires en 1969 des municipalités. Dans son cas, ce sont quatre commissions scolaires qui avaient été fusionnées. Ce budget ne comprenait pas les dépenses des écoles élémentaires publiques, qui seront connues plus tard.

Ajoutons que les augmentations des taxes scolaires partout en Ontario ont provoqué des remous dans tous les coins de la province, tant bien que le gouvernement provincial de John Robarts a dû intervenir et promettre une plus grande contribution de la province aux frais d’exploitation des conseils scolaires regroupés. Certaines municipalités avaient même menacé de ne pas prélever de tels impôts. Évidemment, qu’il s’agisse des taxes municipales, des taxes scolaires ou des impôts provinciaux, tout cet argent venait d’une seule et même source… le contribuable. Comme toujours d’ailleurs.