Pas évident de traîner son cercueil jusqu’à Osaka

C’est le titre d’un article en page 21 de l’édition du 8 mai du journal Le Carillon : « Un quinquagénaire traînera son cercueil jusqu’à Osaka ». J’en parle parce que mon entrevue avec ce bonhomme à l’esprit aventurier m’avait fasciné à l’époque. Elzéar Duquette, un Montréalais de 58 ans, avait quitté Montréal la semaine précédente et marchait une distance moyenne de 18 milles par jour. La Ville de Montréal avait accepté de défrayer les frais du bateau sur lequel il embarquerait une fois rendu Vancouver. Il comptait de rendre à Osaka à temps pour l’inauguration de l’Exposition universelle dans cette ville en mars 1970. Partout où il s’arrêtait, Elzéar Duquette attirait l’attention parce qu’il traînait un cercueil qu’il avait lui-même construit. C’est dans ce cercueil qu’il passait ses nuits. L’aventurier n’en était pas à sa première expérience du genre. En 1934, alors qu’il n’avait que 24 ans, il avait parcouru près de 8 500 milles, à pied, en traînant cette fois une roulotte de 700 livres. Ce voyage l’avait mené à travers le Canada et les États-Unis. Dans son périple vers Osaka, Duquette était accompagné de l’artiste-peintre et écrivain J.-Robert Gordon, qui rédigeait sa biographie et filmait ses péripéties. Je n’ai jamais vu le résultat de son travail.

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Le Carillon du 8 mai 1969 continue à nous parler de l’expansion industrielle de Hawkesbury. Il s’agit encore une fois d’une industrie liée au secteur du textile, mais de calibre supérieur. La compagnie Patchogue, Plymouth annonce la construction d’une usine de 130 000 pieds carrés au coût de 1 650 000 $ dans la partie sud-est du parc industriel, mais l’investissement serait de l’ordre de quatre millions de dollars si l’on tient compte de l’équipement qui devra y être installé. Cette entreprise est une filiale de la Pan American Petroleum Corporation, de Calgary, elle-même une composante de la puissante Standard Oil (Indiana). On y fabriquera des matériaux de base pour les tapis (c’est l’association avec le monde du textile). Ce seront 150 emplois nouveaux lors de l’ouverture de l’usine plus tard dans l’année. Patchogue, Plymouth exploite également des usines en Georgie, en Allemagne et en Angleterre. Je reviendrai sur cette entreprise, rebaptisée Amoco au fils des ans, parce qu’elle sera la cible de probablement la pire grève et la plus violente de l’histoire de Hawkesbury. L’usine fermera éventuellement ses portes. J’y reviendrai en temps opportun.

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Je ne me souviens plus des circonstances qui ont amené la publication de cette série d’annonces « par les organes d’information du Canada français », mais voici le texte que l’on pouvait y lire :

Nous parlons la langue de 150 millions d’hommes.
La langue française est le bien commun de la francophonie. Nous nous devons d’être francophones à part entière en ayant le souci le parler et d’écrire correctement notre langue. Ce qui est répréhensible, ce n’est pas de commettre des fautes en s’exprimant, c’est de négliger de se corriger. Parler avec correction, c’est s’affirmer.
Bien parler, c’est se respecter.

Un gouvernement régional serait la solution idéale

Le regroupement sous toutes ses formes est au centre de nombreux débats en cette fin des années 60. Après celui des administrations scolaires et des unités sanitaires, voilà que le Conseil de développement de l’Est ontarien affirme que « l’implantation d’un gouvernement régional groupant les comtés de Prescott, Russell, Stormont, Dundas et Glengarry, sera la seule solution aux problèmes qui existent présentement dans l’Est ontarien ». Il y a un article à cet effet dans Le Carillon du 7 novembre 1968.

Un représentant du CDEO, l’ingénieur Rae Grinnell, avait insisté qu’il « nous faut surtout de véritables chefs, c’est-à-dire des hommes qui savent penser au regard de la vie dans 20 ans » pour réaliser un tel projet. L’économiste Paul Schrauwen, de Cornwall, avait même prédit que « la ville de Hawkesbury deviendra un ‘Hawkesbury métropolitain’ dans vingt ans et que les villages de Vankleek Hill, L’Orignal et Chute-à-Blondeau feront partie intégrante de cette agglomération urbaine ».

Évidemment, les deux se sont trompés royalement, bien que cette idée de fusions et de regroupements allait refaire surface plus tard dans le Rapport Sunderland. J’y reviendrai parce que j’ai été un ardent promoteur des conclusions de ce rapport.

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Dans ses « Pleins feux sur l’Ontario » de l’édition du 7 novembre 1968, Marcel Desjardins parle d’une nouvelle mode à Toronto : le français. Desjardins fait référence aux décisions de John Robarts pour accroître la présence du français dans sa province et au fait que le premier ministre avait craint « le ressac de l’élément WASP où les Conservateurs recrutent une bonne partie de leur appui depuis de nombreuses années. Au contraire. »

Desjardins ajoute que « cette année, le français est à la mode dans la région métropolitaine de Toronto ». Il fait ensuite référence aux médias locaux et à la grande popularité des cours du soir destinés aux adultes qui souhaitent apprendre le français. En parlant de la lutte constitutionnelle que mène le Québec de plus en plus fortement, Desjardins insiste que « sans un Québec fort, où le français pourra s’épanouir partout, au travail comme dans les écoles et les universités, il vaudrait mieux mettre bas les armes. Les Canadiens français de l’Ontario doivent tirer d’évidentes leçons de la présente évolution. Les Franco-Ontariens ne doivent pas craindre d’utiliser le français, de s’afficher en français, de faire passer leur langue d’abord, surtout là où ils sont en majorité, comme à Hawkesbury ». Il fait allusion à de nombreux commerçants de Hawkesbury qui préfèrent s’afficher en anglais. En 2011, cette question n’a toujours pas été comprise dans Prescott et Russell, à quelques exceptions près.