par Alain Guilbert
(Le 12 avril me rappelle un ami très cher… il aurait célébré cette année son 79e anniversaire de naissance. Mais le sort en a décidé autrement… il est décédé subitement au début de mai 1995, à l’âge de 63 ans. Son nom : Roger Auger, un Granbyen pure laine que l’on surnommait affectueusement «Lefty», même s’il s’agissait du surnom que son père avait rendu célèbre. Sa compagne et l’un de ses fils m’avaient demandé de dire quelques mots à son sujet lors de ses funérailles. Souvent, je pense encore à lui, spécialement lors de son anniversaire de naissance et aussi lors de l’anniversaire de son décès. Roger était profondément aimé et apprécié des personnes qui l’entouraient : un être impossible à oublier. Pour que nous nous souvenions de lui une fois de plus, je vous présente le texte que j’avais écrit… et que j’avais lu lors de ses funérailles, le 9 mai 1995.)
Salut Roger,
Vendredi dernier, en fin d’après-midi, j’ai tenté de te rejoindre comme je le faisais presque tous les vendredis durant le trajet Montréal-Magog. Mais ce fut en vain. J’avais un conseil à te demander. Quand j’ai appris en début de soirée que tu étais parti sans même nous dire bonjour, il me semble que nous avions encore des tonnes de choses à nous dire. Aujourd’hui, avec un peu de recul, je ne sais plus vraiment où commencer, où finir…
D’abord, sur ta façon de nous quitter… Tu l’as fait si brutalement. Mais, nous le savons tous, c’est comme cela que tu voulais partir: soudainement, instantanément, sans souffrir, surtout sans être malade, sans être diminué physiquement. Cela, jamais tu ne l’aurais accepté, jamais tu n’aurais voulu attirer ne serait-ce que le moindre soupçon de pitié.
Même si on n’est jamais totalement prêt à partir pour l’autre côté, tu l’étais probablement plus que nous tous. C’est toi qui nous avais souvent expliqué la théorie de la chandelle… On peut la faire brûler lentement, disais-tu, en ne lui laissant qu’une toute petite mèche. On peut la faire brûler beaucoup plus vite en l’allumant par les deux bouts. Dans l’un et l’autre cas, la quantité de cire brûlée est exactement la même. Seul le temps pour la brûler est différent. À la vitesse où tu as vécu et à la façon dont tu as rempli ta vie, j’ai la conviction qu’il ne devait plus te rester de cire. C’est peut-être même une faveur que tu nous a faite de rester auprès de nous tout ce temps.
Ta vie a été si remplie que sans doute personne ne pourra jamais accomplir autant de choses que tu en as accomplies, même en vivant 20 ans plus longtemps que toi. Vouloir seulement résumer tes principales activités et réalisations prendrait des heures et ne te rendrait probablement pas justice.
Je m’en tiendrai donc à une seule et unique dimension de ta personne, celle qui nous relie tous à toi, chacun et chacune d’entre nous qui sommes réunis autour de toi aujourd’hui. Cette dimension, c’est l’AMOUR, l’amour que tu portais à ta ville, l’amour que tu portais à tes amis et l’amour que tu portais à ta famille.
L’amour que tu portais à ta ville et par extension à tes concitoyens
Si quelqu’un a déjà eu le mot GRANBY gravé dans son cœur, c’est bien toi. Il y a quelques années, lorsque tu avais décidé de faire une incursion en politique municipale, quelques amis avaient tenté de t’en dissuader. Mais tu avais balayé nos objections en disant : «Granby a été bonne pour moi, je lui dois cela. Je veux remettre à mes concitoyens une partie de ce que j’ai reçu.» Dans le fond, tu n’avais rien à remettre, parce que tes succès en affaires, acquis à force de travail et encore de travail, avaient déjà largement profité au développement économique de Granby. Mais quand on aime, on veut toujours donner!
Après quatre années fort occupées à faire avancer les dossiers auxquels tu croyais, tu pouvais rentrer chez toi la tête bien haute. Non seulement tu avais remboursé une dette que tu n’avais pas, non seulement tu avais rendu service à ta ville, mais tu avais également gravé ton nom, et surtout ton prénom, pour toujours dans l’histoire de Granby. Pour toi, c’était important. Tu nous l’avais souvent dit que «Lefty» Auger, ce n’était pas toi, mais ton père, et que tu souhaitais un jour être reconnu pour tes mérites et non pour ceux de ton père, qui lui aussi, en son temps, avait largement mérité de sa ville. En quittant l’hôtel de ville, tu pouvais désormais dire doublement MISSION ACCOMPLIE, Roger!!!
L’amour que tu portais à tes amis
L’amitié est sûrement l’une des plus grandes richesses de la vie; parce que l’amitié est issue du libre choix d’êtres humains de se témoigner entre eux, sans contrainte aucune, respect, affection et souvent même amour. Le Petit Prince de St-Exupéry disait : « L’amitié, c’est créer des liens »… des liens qui avec le temps deviennent si nombreux et si résistants qu’ils ne peuvent plus jamais se briser. Si donc l’amitié est l’une des plus grandes richesses de la vie, tu étais extrêmement riche, Roger. Nous sommes tous là pour en témoigner.
Cette amitié que nous te portions, tu nous la rendais très bien. Tu avais l’habitude de nous dire que tu n’avais pas fréquenté l’université, mais seulement l’école de la vie. Peut-être, mais tu y avais obtenu un doctorat en sagesse et en gros bon sens. Et ce gros bon sens, ce jugement sûr, à toute épreuve, qui était le tien, cette expérience qui faisait de toi un «sage», tu n’as jamais hésité à nous en faire profiter. Nous sommes plusieurs ici à n’avoir jamais pris une décision importante sans d’abord avoir demandé ton avis, sans d’abord avoir recherché tes conseils. Combien d’erreurs tu nous as évitées! Merci, Roger.
L’amour que tu portais à ta famille, à tes enfants, à tes petits enfants, à Yolande
Même si ta ville et tes amis tenaient une grande place dans ta vie, il n’y a jamais eu un doute que tes enfants ont toujours occupé la première place dans ton cœur. Tu ne leur as pas toujours dit… et tes relations avec eux ont parfois été tumultueuses. Il t’a fallu du temps pour accepter que Sylvain, David, Stéphane, Viviane et Mélanie ne seraient jamais des répliques de toi, mais qu’ils et qu’elles seraient eux-mêmes et elles-mêmes. L’important, ce n’est pas le temps que tu as mis pour te rendre là, mais bien de t’être rendu là. Ils et elles savent aujourd’hui que l’amour que tu éprouvais à leur endroit n’a jamais fait défaut. Tu devenais tellement lumineux, si cela est possible, lorsque Jennifer, Benjamin et Marie-Maude, ton prolongement et celui de tes enfants, étaient aussi avec toi. Un mot également de Yolande, douce et généreuse Yolande, qui t’as apporté le calme, la paix et le bonheur au cours de ces deux trop brèves années où vous avez été l’un près de l’autre. D’ailleurs, jamais tu n’avais semblé aussi heureux de toute ta vie.
Roger, tu étais de cette génération d’hommes à qui personne n’a appris à exprimer verbalement ses sentiments. Tu étais de ceux qui ne savent que les prouver par leurs gestes, par leurs actions. L’amour que tu as toujours porté à ta ville, à tes amis et à ta famille n’avait probablement pas besoin d’être dit… il a toujours été tellement évident.
Roger, tu ne seras plus là physiquement pour partager nos joies, nos peines, nos succès, nos échecs, nos bons moments, nos moments difficiles, nos interminables discussions où nous refaisions le monde à notre façon, nos « partys », nos matches de golf, nos parties de billard, nos excursions de pêche. Tu ne seras plus là physiquement pour nous faire profiter de ton expérience, de ta sagesse, de ta joie de vivre.
Mais si tu n’y es pas physiquement, tu y seras quand même toujours parce que du seul fait que nous avons eu le privilège et le bonheur de te connaître, de t’aimer, de partager avec toi, de parcourir en ta compagnie un bout de chemin sur la route de la vie, nous sommes tous et toutes, chacun et chacune qui t’accompagnons aujourd’hui, meilleurs et plus grands que si tu n’avais pas existé.
Tu es parti trop vite, bien trop vite. Mais quand nous nous retrouverons ensemble entre amis, tu le sais, tu seras encore là. Nous nous rappellerons la promesse que tu nous as si souvent faite, à savoir que si tu arrivais de l’autre côté avant nous autres, tu préparerais nos voyages de pêche et que tu nous trouverais de magnifiques lacs secrets pour le jour où nous irons te rejoindre. Mais de grâce, je t’en prie, sois prudent: ne tombe pas à l’eau, ne tombe pas dans un ravin avec le tout-terrain et ne casse pas nos lignes.
Salut Roger! À un de ces jours!!!
Très bel hommage que vous lui avez rendu monsieur Guilbert. Je suis certaine que monsieur Auger était un homme formidable. Tout s’apprend et tout s’enseigne à l’école de la vie !
Merci Alain !