par Alain Guilbert
Les « gars » seraient-ils plus « moumounes » que les filles? Quand j’ai commencé à écrire ces commentaires en marge des Jeux olympiques de Sotchi, j’avais mentionné que je pouvais être (un peu) « baveux » à l’occasion. Je ne l’ai pas vraiment été lors de mes premiers commentaires… mais je le serai sans doute un peu aujourd’hui.
On répète souvent que le fait pour un athlète de porter le drapeau du Canada lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques porte malheur. Nous savons tous que le fait d’être choisi par le Comité olympique canadien pour agir comme porte-drapeau est considéré comme un très grand honneur et les athlètes qui sont choisis pour le faire ont déjà fait leurs preuves sur la scène internationale et sont choisis justement parce qu’ils sont susceptibles d’inspirer les autres athlètes.
On a aussi souvent répété que le fait d’être porte-drapeau pour le Canada portait malheur à « l’heureux élu » ou « l’heureuse élue ». Je me suis donc rappelé des noms de plusieurs de nos récents porte-drapeau pour vérifier si cette croyance représentait une réalité ou faisait tout simplement partie d’une légende urbaine. Je vous cite donc quelques athlètes qui ont été choisis pour porter le drapeau au cours de récents Jeux olympiques :
– Kurt Browning, un patineur artistique, lors des Jeux de Lillehammer (1994);
– Jean-Luc Brassard, un skieur acrobatique, lors des Jeux de Nagano (1998);
– Catriona Le May Doan, une patineuse de vitesse longue piste, lors des Jeux de Salt Lake City (2002);
– Danielle Goyette, une membre de l’équipe de hockey féminine, lors des Jeux de Turin (2006);
– Clara Hugues, une patineuse de vitesse longue piste, lors des Jeux de Vancouver (2010);
– Simon Whitfield, un spécialiste du triathlon, lors des Jeux de Londres (2012);
– Hayley Wickenheiser, une membre de l’équipe de hockey féminine lors des quatre derniers Jeux olympiques d’hiver et encore cette année aux Jeux de Sotchi (2014).
Nous avons donc trois hommes et trois femmes choisis au hasard au cours des 20 dernières années, ainsi que l’élue de cette année. Le fait d’être porte-drapeau leur a-t-il porté malheur comme le veut la « croyance populaire »? Examinons ce qui s’est passé dans chaque cas.
Quand Kurt Browning a été choisi pour les Jeux de Lillehammer en 1994, ses exploits parlaient d’eux-mêmes. Non, il n’avait pas gagné de médaille olympique lors des Jeux précédents, mais il avait couronné 1er quatre fois et 2e, une fois, lors des cinq précédents championnats du monde. Il n’avait que terminé 6e dans sa discipline aux Jeux d’Albertville. Son résultat à Lillehammer : 5e… donc, pas de médaille.
Lors des Jeux de Nagano, c’est Jean-Luc Brassard qui avait été choisi comme porte-drapeau. Après avoir terminé 7e à Albertville, Jean-Luc avait obtenu une médaille d’or à Lillehammer avec son « fameux saut du cosaque » dans la descente en bosses. Jean-Luc avait terminé en 4e place à Nagano, juste en bas du podium, et il avait attribué sa « non-performance » à tous les « dérangements » que son rôle de porte-drapeau lui avait causés.
Pourtant, quatre années plus tard, lors des Jeux de Salt Lake City, c’est Catriona Le May Doan qui avait été choisie comme porte-drapeau, sans doute pour s’être emparée de la médaille d’or dans l’épreuve de 500 mètres en patinage de vitesse longue piste aux Jeux de Nagano. « Dérangements » ou « malheur » ne sont pas manifestés puisque Catriona a remporté une autre médaille d’or dans la même discipline où elle s’était imposée quatre années plus tôt. C’était la première fois de l’histoire qu’un Canadien ou une Canadienne remportait la médaille d’or dans la même épreuve individuelle lors de Jeux olympiques consécutifs.
Puis, ce fut au tour de Danielle Goyette, l’une des vedettes de l’équipe canadienne de hockey sur glace de remplir le rôle de porte-drapeau lors des Jeux de Turin en 2006. Danielle avait joué un rôle important dans la conquête de la médaille d’or canadienne à Salt Lake City en 2002. Et devinez quoi? Mais oui, l’équipe canadienne, avec Danielle Goyette dans un rôle principal, a encore remporté la médaille d’or.
À Vancouver, lors des Jeux de 2010, c’est Clara Hugues, la plus grande athlète canadienne de tous les temps (je vous ai expliqué pourquoi dans mon commentaire précédent!) qui avait été choisie comme porte-drapeau. Elle avait obtenu deux médailles à Turin : l’or dans le 5000 mètres de patinage de vitesse longue piste et l’argent dans l’épreuve de poursuite par équipe. Et bien sûr, Clara a remporté une autre médaille, celle-là de bronze, dans son épreuve favorite, le 5000 mètres de patinage de vitesse longue piste.
Plus récemment, à Londres, lors des Jeux d’été 2012, c’est Simon Whitfield, gagnant de la médaille d’or au triathlon lors des Jeux de Sydney 2000 et d’une médaille de bronze dans la même discipline aux Jeux de Pékin 2008 (en plus d’une 11e place aux Jeux d’Athènes 2004) qui avait été choisi comme porte-drapeau. Les choses n’ont vraiment pas bien été pour lui… alors qu’il a terminé en 15e place dans la 1re épreuve du triathlon, la natation, et qu’il s’est fracturé une épaule lors d’une chute à bicyclette dans la 2e épreuve du triathlon, ce qui, évidemment, l’a empêché de compléter la compétition.
Il reste Hayley Wickenheiser, la porte-drapeau des Jeux de Sotchi 2014…
En conclusion, croyez-vous vraiment que le fait de porter le drapeau lors des cérémonies d’ouverture des Jeux porte malheur aux athlètes canadiens? Comme vous l’avez sans doute constaté, porter le drapeau ne semble pas favoriser les gars… mais les filles performent tout aussi bien ou mieux encore qu’à leurs Jeux précédents. Dans ce contexte, nous pouvons croire qu’Hayley Wickenheiser comme porte-drapeau, l’équipe féminine va encore remporter la médaille d’or. Après tout, peut-être les gars sont-ils juste plus « moumounes » que les filles?
À la prochaine…