par Alain Guilbert
Depuis le début des 22es Jeux olympiques d’hiver à Sotchi (Russie), on a beaucoup parlé des performances souvent exceptionnelles des athlètes canadiens et québécois, mais on a beaucoup moins parlé des performances non moins exceptionnelles de plusieurs entreprises québécoises.
Voyons en quelques-unes :
– La mise en scène des cérémonies d’ouverture et de clôture (celle-ci reste à venir) a été réalisée par Finzi Pasca, une entreprise installée en Suisse, mais dont plus de la moitié des employés et des artistes sont québécois.
– La production de plusieurs « effets spéciaux » avait été confiée à Pixmob, une autre entreprise québécoise, qui a d’ailleurs contribué au spectacle de mi-temps du XXVIIIe Super Bowl présenté quelques jours avant le début des Jeux de Sotchi. Pixmob a réussi à transformer en écran géant la foule de 80 000 personnes, à East Rutherford (près de New York), avec l’aide de tuques lumineuses dont on avait coiffé tous les spectateurs. C’est quasi impossible de connaître comment l’entreprise a réussi un tel exploit. Parmi les effets spéciaux, soulignons aussi que les « grosses roues », les îles flottantes, le train et autres qu’on a pu admirer pendant la cérémonie d’ouverture sont la création de Show Canada, une entreprise de Laval, qui avait aussi contribué aux Jeux de Vancouver et de Londres.
– Les 62 dameuses de neige qui nivellent les pentes de Sotchi ont été fabriquées par Prinoth, une entreprise de Granby, au coût de 10 millions $.
– Les 3000 chandails et paires de bas qui seront portés par toutes les équipes d’hommes et de femmes participant au tournoi olympique de hockey ont été fabriqués à l’usine de vêtements SP, elle aussi située à Granby.
– Les projections vidéo de la cérémonie d’ouverture (et aussi de clôture) sont réalisées par Solotech, de Montréal, qui utilise entre autres 150 projecteurs de 20 mégawatts chacun. Ce sont les troisièmes Jeux olympiques auxquels cette entreprise contribue, soit Atlanta et Vancouver avant Sotchi. Quant à la troupe les 7 doigts de la main, elle a aussi joué un rôle dans la cérémonie d’ouverture et sera aussi de la cérémonie de clôture. Auparavant, la troupe avait participé aux Jeux de Turin et de Vancouver.
– En plus du matériel produit ou fourni par nos entreprises, il a fallu noliser quatre avions de format « jumbo » pour transporter 250 conteneurs de matériel en Russie à partir de Montréal : coût de l’opération… 55 millions $.
Bien sûr, ces exploits commerciaux viennent s’ajouter aux exploits de nos athlètes québécois depuis le début des compétitions. Ces succès suscitent bien des questions chez plusieurs de « nos amis anglophones » qui se demandent bien quel est « le secret » des Québécois. Le quotidien The Gazette, pour un, avait peut-être déjà découvert ce secret. En effet, dans son édition du 5 octobre dernier, le quotidien de Montréal écrivait en première page : « … In Québec, bilingualism is rarely just the ability to communicate. The bilingual brain is faster and more flexible than someone who knows only one language according to researchers ». Peut-être que le « bilinguisme » permet aux athlètes de patiner, de skier ou de glisser plus vite. Sait-on jamais?
(Un merci spécial à Jean Lemieux, que j’ai connu à l’époque où je travaillais au Groupe Transcontinental. C’est lui a compilé le bilan des contributions québécoises aux Jeux de Sotchi. À l’époque, il agissait comme fournisseur de la plupart des presses que l’on trouvait dans les imprimeries de Transcontinental.)
En bref….
Revenons quelque peu sur la médaille d’argent de Denny Morrison lors de l’épreuve de 1000 mètres en patinage de vitesse sur longue piste. Tout le monde connaît maintenant le geste exceptionnel de Gilmore Junio qui a donné sa place à Morrison pour cette course. J’ai entendu beaucoup de personnes (même des journalistes sportifs – ?) avouer ignorer qu’un athlète pouvait se faire remplacer par un autre athlète aux Jeux olympiques. Bien sûr, la réponse est oui – mais pas se faire remplacer par n’importe qui.
Dans le présent cas, Denny Morrison avait raté sa qualification lors de la course de 1000 mètres visant à choisir l’équipe canadienne qui participerait aux Jeux olympiques. Il avait toutefois réussi la qualification pour la course de 1500 mètres. Et, détail important, il avait été choisi comme « relève » pour le 1000 mètres au cas où un autre patineur se désisterait pour cause de blessure ou autre. Et c’est exactement ce qui s’est produit; Junio a réalisé la veille de la course que Morrison patinait mieux que lui, alors, il lui a offert sa place. Mais Morrison était la seule personne au monde qui pouvait remplacer Junio parce qu’il avait été désigné comme « relève » pour cette épreuve. Donc, un ou une athlète peut demander à un ou une autre athlète de le remplacer, mais à la seule condition que le remplaçant ait déjà été désigné comme « relève ». Dans le présent cas, voilà pourquoi personne d’autre que Morrison n’aurait pu remplacer Junio – ce qui n’enlève absolument rien à la grandeur du geste de Junio, surtout maintenant que Morrison a une superbe médaille d’argent accrochée au cou.
Et quelques mots au sujet des performances canadiennes aujourd’hui qui nous montrent bien que « ce n’est pas tous les jours FÊTE ».
En effet, les « médailles presque gagnées d’avance » se sont toutes envolées les unes après les autres. L’équipe canadienne de relais au 5000 mètres de patinage de vitesse sur courte piste dont le rêve de médaille d’or a pris fin dans le mur de la patinoire. La « gloire de St-Félicien » au Lac St-Jean, Marianne St-Gelais, qui n’a pu se qualifier pour la finale du 500 mètres en patinage de vitesse sur courte piste… (Il s’agissait là de deux médailles qu’on croyait déjà acquises, ce qui prouve encore une fois qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.) Trois Canadiennes à une « éternité » derrière les premières lors du 15 kilomètres en ski de fond. Somme toute, une journée à oublier.
Et tout ce qui précède ne tient pas compte de la très courte victoire de l’équipe canadienne contre la Norvège au hockey. Contre qui? La Norvège, un pays qui ne compte aucun joueur dans la très célèbre LNH – 3 à 1 – alors qu’on s’attendait à quelque chose comme 10 ou 12 à 0 ou à 1. Eh oui, Carey Price a été victime d’une rondelle déviée. Le seul élément positif de cette courte victoire, c’est que l’équipe canadienne ne pêchera probablement pas par excès de confiance face à son prochain adversaire et qu’elle pourrait n’aller qu’en s’améliorant. Espérons-le! Mais le défi des « grandes patinoires » demeure toujours présent.
Et pour terminer sur une note positive – la très belle performance de Patrick Chan en patinage artistique en fin de journée. Il se retrouvera possiblement (même probablement) avec une médaille d’or autour du cou éventuellement. Il est dans une position extrêmement favorable pour réussir l’exploit.
À la prochaine…