par Alain Guilbert
On était en milieu de la 3e période dans le match de hockey Canada-Lettonie, le compte était 1 à 1. « Incroyable » disaient les commentateurs qui n’en revenaient absolument pas. Ce match ne devait être qu’une simple formalité, les meilleurs joueurs de la Ligue nationale (oui, la crème de la crème – Sydney Crosby en tête) contre la Lettonie. Vous avez cru une seule seconde que la Lettonie pouvait tenir tête aux étoiles de la Ligue nationale? Mais non, tout à fait impossible. Pourtant à sept minutes de la fin, c’était encore 1 à 1. C’est à son 54e lancer du match que le Canada a finalement réussi à transpercer la carapace du gardien de la Lettonie pour se donner une « toute maigre » avance de 2 à 1. Et c’est ainsi que le match s’est terminé… un « maigre » but de plus que la Lettonie.
Depuis le début du tournoi, le Canada n’a obtenu que de « très courtes » victoires contre la Norvège, contre l’Autriche, contre la Finlande (en supplémentaire) et contre la Lettonie. Malgré tout, je crois encore aux chances du Canada de quitter Sotchi avec la médaille d’or. Mais comme disait Claude « le vieux Piton » Ruel à l’époque, il n’y en aura pas de facile. Il reste deux matches à jouer pour le Canada; ne nous faisons pas d’illusions, ils seront très serrés, même très, très serrés. La demi-finale opposera le Canada et les États-Unis, une grande rivalité, mais surtout une très bonne équipe. Je crois malgré tout que « nous » l’emporterons encore, mais vous aurez tous des sueurs (froides ou chaudes) tout au long du match… et ce sera par la peau des dents. Surveillez bien Jonathan Toews, Sydney Crosby et Carey Price. Le meilleur est à venir! Mais, ce pourrait aussi être une catastrophe; je ne parierais pas un gros montant sur le résultat de ce match… 1 $ ou 2 $ peut-être!
Plus tôt dans la journée, un autre match qui ne devait être qu’une formalité, la Russie contre la Finlande. Combien d’entre vous auriez parié sur les chances de la Finlande? Le match était joué en Russie devant une très grande majorité de partisans russes. La Russie n’avait qu’un objectif, rencontrer le Canada en grande finale pour la médaille d’or et faire oublier son échec aux mains des Canadiens lors des Jeux de Vancouver il y a quatre ans. Et pourtant, la Finlande s’est sauvée avec une victoire convaincante. S’il s’était agi d’une série quatre de sept, les Russes l’auraient probablement emporté plutôt facilement. Mais un seul match! N’importe quoi peut se produire et ce sont les Finlandais. Cette défaite est un drame en Russie, où les amateurs ne s’attendaient à rien de moins que la médaille d’or. Comme ce sera un drame au Canada si jamais « notre équipe » s’avouait vaincue face aux Américains… et si, pire encore, elle ne réussissait pas à s’emparer de la médaille de bronze lors du match de consolation entre les deux perdants des demi-finales.
Vous imaginez la dimension du drame que nous aurions vécu au Canada si notre équipe avait perdu aux mains de la Lettonie? Si cela s’était produit, j’ai l’impression que nos joueurs auraient été mieux de rester en Russie plutôt que de revenir à la maison.
Ce qui rend le sport en général si merveilleux, c’est que n’importe quel jour un « plus faible » peut l’emporter sur un plus « fort » qu’il s’agisse d’un sport individuel ou d’un sport par équipe. Tout comme moi, vous avez pu observer les déboires de nos patineurs de vitesse courte piste, ainsi que plusieurs de nos surfeurs et de nos skieurs. Depuis des années, les Charles Hamelin de ce monde, tout comme sa conjointe Marianne St-Gelais, ont remporté médaille après médaille dans toutes sortes de compétitions internationales. Nombreux étaient ceux qui prévoyaient trois ou même quatre médailles à Charles Hamelin et deux ou même trois à sa souriante conjointe. Mais les deux ont trébuché (dans tous les sens du mot) à deux reprises, et leurs plus beaux rêves se sont terminés en cauchemars.
Ce serait facile de nommer des dizaines d’athlètes qui ont n’ont pas « performé » au niveau où nous l’espérions. Pourquoi? Bien difficile à dire. Comme je vous ai expliqué le principe de la pyramide dans des commentaires précédents, vous savez qu’il y a d’énormes différences entre être le meilleur de son village, puis de sa région, puis de sa province, puis de son pays… puis du monde entier.
On peut atteindre de très grands sommets dans des coupes du monde. Ce sont une série d’épreuves, une dizaine par année dans de nombreux sports; si vous êtes le meilleur dans l’ensemble de ces épreuves, même si vous en perdez quelques-unes, vous êtes couronné champion de la coupe du monde. Nombreux sont ceux qui confondent un champion de la Coupe du monde avec un champion du monde. Un championnat du monde n’a lieu qu’une fois par année, ou dans certains sports, une fois par deux années. Lorsqu’on est champion du monde, on l’est pour toujours. Et les Jeux olympiques, eux, n’arrivent qu’une seule fois par quatre ans. La télévision du monde entier est présente sur place; des milliers de journalistes sont aussi présents; les feux de la rampe sont à un maximum comme les athlètes ne les ont jamais vus.
Quand je m’occupais du ski acrobatique, il y avait deux ou trois journalistes qui assistaient à une épreuve de Coupe du monde à Mont-Gabriel (dans les Laurentides) ou à Apex Mountain quelque part entre l’Alberta et la Colombie-Britannique. La télévision consistait seulement aux images que l’organisation transmettait aux réseaux de télévision. Le tout se déroulait comme un pique-nique de famille. Et soudain, tous les quatre ans, voilà les Jeux olympiques. Tous les journalistes que vous n’avez jamais vus à l’une de vos compétitions nationales ou même internationales, tous les réseaux de télévision que vous n’avez jamais vus non plus, et dont vous n’avez jamais entendu parler, sont là. Ils veulent tous vous rencontrer, rencontrer votre père, votre mère, votre sœur, votre frère (surtout s’il souffre d’une déficience physique), votre instructeur, vos amis proches, vos grands-parents même. Des gens dont vous n’avez jamais entendu parler de votre vie vous appellent et vous harcèlent pour obtenir des billets permettant d’assister à vos compétitions, des entreprises dont vous n’avez pas non plus entendu parler sont après vous pour tenter d’obtenir vos services pour moins que rien et vous devez à travers tout ce « micmac » incroyable offrir la meilleure performance de votre vie. Pas surprenant que plusieurs de nos athlètes croulent sous la pression. Il faut vraiment être « fort » pour ne pas se laisser influencer par cette atmosphère de folie autour de vous.
À l’époque du baron Pierre de Coubertin, celui qui a recréé les Jeux modernes en 1896, on disait que « l’important n’était pas de gagner… mais de participer ». Il y a bien longtemps qu’on n’en est plus là. Si vous gagnez une médaille olympique, vous êtes un héros… si vous la ratez par quelques dixièmes de secondes ou de points, vous êtes un zéro! Notre « gros » Marcel Aubut, lui, président du Comité olympique du Canada, dit que « la seule chose qui compte, c’est de gagner ». En disant une niaiserie de ce genre, il n’aide pas les athlètes; au contraire, il leur nuit en mettant sur eux et elles plus de pression qu’ils ou elles ont déjà à supporter. Dans la plupart des cas, le financement qu’ils obtiennent pour subvenir aux coûts d’entraînement et de voyages pour les différentes compétitions nationales et internationales est directement relié à leur performance aux Jeux olympiques.
À quelques jours de la fin des Jeux, je dis déjà un immense Bravo! à tous nos athlètes – médailles au cou ou pas!
À la prochaine…