Sports d’été et sports d’hiver…

par Alain Guilbert

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le Canada faisait si piètre figure aux Jeux olympiques d’été, et généralement très bien, surtout récemment, lors des Jeux olympiques d’hiver? Votre première réponse sera sans doute parce que le Canada est un pays d’hiver… Vous avez partiellement raison, mais c’est sans doute un peu court comme réponse…

Vous devez d’abord comprendre la différence entre un sport d’été et un sport d’hiver. Selon les règles du Comité international olympique (CIO), pour qu’un sport d’été soit admis aux Jeux olympiques, il doit être régi par une Fédération internationale qui réunit au moins 75 Fédérations nationales d’autant de pays représentant au moins quatre continents et où ce sport est « largement » pratiqué… Quant à un sport d’hiver, il doit être régi par une Fédération internationale qui réunit au moins 25 Fédérations nationales d’autant de pays représentant au moins trois continents où le sport en question est aussi « largement » pratiqué.

La plupart des sports d’été sont pratiqués dans bien plus que 75 pays… alors que plusieurs sports d’hiver sont pratiqués dans à peine 25 pays…, et dans certains cas, probablement moins. Tout dépend de l’interprétation qu’on donne à l’expression « largement pratiqué ».

Historiquement, les Jeux d’hiver ne comprenaient que le ski alpin, le ski de fond, le saut à ski, le biathlon (une discipline plutôt militaire), le hockey sur glace, le curling, le patinage de vitesse (longue piste), le patinage artistique, le bobsleigh et la luge. Mais avec les années, on a ajouté de nouvelles disciplines… ce sont davantage les réseaux américains de télévision qui versaient des sommes faramineuses pour obtenir les droits de télédiffusion. Plus d’un milliard de $ pour les Jeux d’hiver seulement. Vous imaginez la croissance des droits quand vous comparez cette somme aux droits payés par le réseau ABC à Montréal pour les Jeux de 1976, soit 25 millions de $, ce qui représentait alors le plus important contrat de toute l’histoire. Aujourd’hui, 38 ans plus tard à peine, cette somme ressemble à des « peanuts ». En versant des droits désormais aussi élevés, les réseaux américains ont aussi eu leur mot à dire sur les disciplines au programme… des disciplines qui sont spectaculaires pour la télévision… et c’est ainsi que des disciplines comme le patinage de vitesse, courte piste, le ski acrobatique, les compétitions de planche à neige (snowboard), le « ski cross » où quatre planchistes ou quatre skieurs côte à côte sur la même piste ont fait leur apparition… Des sports qui étaient souvent au programme des X-Games, un événement surtout américain. Ces nouvelles disciplines étaient populaires aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Corée et dans quelques autres rares pays. Donc, cela n’a pas été étonnant de voir le nombre de médailles obtenues par le Canada croître à mesure que ces nouvelles disciplines faisaient leur apparition. Je vous assure que certaines de ces nouvelles disciplines ne sont pas « largement pratiquées dans 25 pays sur trois continents différents »… mais cela n’empêche pas le Canada (et même les Américains) de mieux performer que dans l’ancien système.

Tant mieux pour le Canada… mais attention… certaines de ces médailles ne sont pas très prestigieuses au niveau mondial… même si nous, Canadiens, en sommes très fiers…

Souvenirs d’il y a 20 ans… Lors des Jeux de Lillehammer en 1994, soit il y a exactement 20 ans, le Canada avait obtenu trois médailles d’or…. pouvez-vous nommer les gagnants de ces médailles? Il s’agit de Québécois… D’abord, Jean-Luc Brassard en ski acrobatique (bosses) et l’autre, eh oui, Myriam Bédard qui en avait obtenu deux au biathlon (7,5 km et 15 km).

Le Canada avait aussi remporté la médaille lors du tournoi olympique de hockey. À cette époque, les joueurs de la Ligue Nationale ne participaient pas encore aux Jeux. Pouvez-vous nommer ceux (ou quelques-uns de ceux) qui ont porté les couleurs canadiennes lors de ce tournoi? J’en doute fortement; voici leurs noms : Corey Hirsch, Paul Kariya, Mark Astley, Adrian Aucoin, Dwayne Norris, Jean-Yves Roy, Derek Mayer, Greg Johnson, Chris Kontos, Brad Werenka, Brian Savage, David Harlock, Ken Lovsin, Wally Schreiber, Manny Lagace, Todd Hlushko, Todd Warriner, Allain Roy, Fabian Joseph, Greg Parks, Chris Therien, Brad Schlegel et Petr Nedvèd. À part du nom de Paul Kariya, admettez que peu vous sont familiers. Pourtant l’un des joueurs qui a évolué aux Jeux de 1994 et dont le nom apparaît dans cette liste participera, 20 ans plus, à l’âge de 42 ans, au Jeux de Sotchi. De qui s’agit-il? Il s’agit de Petr Nedvèd, un grand Tchécoslovaque qui avait fui son pays pour venir jouer au Canada… un geste qu’il n’a jamais regretté. Cette année toutefois, il ne portera pas les couleurs du Canada, mais bien les couleurs tchèques. La fin de la guerre froide a permis à de nombreux « fuyards » de l’époque de rétablir des relations normales avec leur pays d’origine.

Pour en revenir à Jean-Luc Brassard et à Myriam Bédard, permettez-moi deux anecdotes à leur sujet…

Plusieurs sports ont considérablement évolué depuis les 20 dernières années. Je pense entre au ski acrobatique, particulièrement à l’épreuve des bosses. Quand Jean-Luc a gagné sa médaille d’or à Lillehammer, il avait réalisé le saut le plus spectaculaire qui se faisait à l’époque, le saut du « cosaque ». Aujourd’hui, les bosseurs accomplissent des vrilles, et même des sauts périlleux allant jusqu’à deux révolutions complètes. Le saut du « cosaque » de Jean-Luc ne lui permettrait même pas de se qualifier pour les finales. Vous avez sans doute noté les sauts des sœurs Dufour-Lapointe samedi, de même que ceux d’Alexandre Bilodeau et Michael Kingsbury plus tôt aujourd’hui. Tout un changement par rapport à 1994.

Quant à Myriam Bédard, je l’ai rencontrée via son agent quelques années après ses deux médailles d’or. Son agent représentait également Jean-Luc Brassard et Nicolas Fontaine. À cette époque, Myriam se plaignait de ne pas être reconnue à sa juste valeur. La rumeur voulait que Donovan Bailey, qui avait remporté la médaille d’or au 100 mètres lors des Jeux d’été à Atlanta en 1996, ainsi que la médaille d’or au relais 4 x 100 mètres en compagnie entre autres de Bruny Surin, avait reçu 100 000 $ pour aller prononcer une conférence au Texas. Quand je vous ai parlé de la valeur des médailles dans mes commentaires d’il y a quelques jours, je disais que certaines médailles valaient plus que d’autres. Je pensais spécifiquement à la valeur de la médaille d’or au 100 mètres masculin, l’épreuve reine des Jeux d’été par rapport, disons, aux médailles d’or de Myriam Bédard au biathlon, un sport pratiqué dans quelques pays à peine. Myriam obtenait entre 2 000 $ et 3 000 $ pour une conférence ou une apparition publique… et cela ne se produisait pas très souvent. Imaginez la différence de valeur entre les deux médailles de Donovan Bailey et les deux de Myriam. Voilà pourquoi je soutiens que certaines médailles valent plus que d’autres.

Note de dernière minute : Alex Bilodeau et Michael Kingsbury viennent de remporter l’or et l’argent en ski acrobatique (bosses). Cet exploit arrive deux jours après celui des sœurs Dufour-Lapointe; ce qui signifie qu’en date d’aujourd’hui le Canada récolte quatre médailles (deux en or et deux en argent) dans la même discipline. La plupart de ceux qui me lisent savent que j’ai été associé au ski acrobatique pendant une dizaine d’années au moins. Je suis vraiment ému! Alexandre Bilodeau en est à sa 2e médaille consécutive (Vancouver et Sotchi), une première dans l’histoire de ce sport. Je l’ai vu arriver dans l’équipe canadienne il y a 10 ans environ. Il était déjà très bon… et il est devenu encore meilleur au cours des années.

À la prochaine…

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