Le meurtre le plus sordide de l’histoire de Hawkesbury

C’était assurément le meurtre le plus sordide jamais commis à Hawkesbury. La femme du propriétaire du restaurant El Toro, rue Principale à Hawkesbury, avait trouvé son mari sans vie dans son établissement « après avoir appris que la voiture de son mari avait été impliquée dans un accident, à Grenville ». Quelques détails sont dans l’édition du 20 septembre 1980 du journal Le Carillon. Raymond Ménard « a succombé à une hémorragie interne, compliquée par un état de choc ». Il aurait été tué dans la nuit du 15 au 16 septembre. « La victime aurait été frappée à plusieurs reprises à la tête au moyen d’un objet indéterminé, et portait les traces de plusieurs coups de couteau à la figure et sur le corps. » Je vous épargne les détails sordides que nous n’avions pas publiés d’ailleurs. Mais si ma mémoire est fidèle, le journal Allo Police! l’avait fait, comme c’était son habitude. Ce meurtre avait été le sujet de conversation partout pendant assez longtemps. Le meurtrier avait été arrêté peu de temps après. À son procès, il sera condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Cela aurait dû être en 2005; je n’ai pu trouver de suivi.

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Au cours de l’été 2012, les Ontariens ont entendu leur gouvernement s’en prendre au remboursement des congés de maladie accumulés des enseignants de la province. S’il y a tellement de congés accumulés, on peut raisonnablement conclure que c’est parce que la grande majorité des enseignants ne les prennent pas tous ou n’en prennent pas assez. Dans l’édition du 20 septembre 1980, un article rapporte les propos du président du Conseil d’éducation de Prescott-Russell, Gérald Joly, à l’effet que « les professeurs prennent trop de congés de maladie ». Ainsi, « la moyenne de congés de maladie à travers le conseil s’est chiffrée à 9,36 en 1979-1980, ce qui représente une augmentation par rapport à la moyenne de 7,24 enregistrée en 1976-1977. (…) Ce sont les administrateurs du conseil qui se sont permis le plus grand nombre de congés de maladie, soit une moyenne de 15,4 par individu. Toutefois, cette statistique n’a pas soulevé l’ire des conseillers, qui ont attaché plus d’importance à la moyenne de 9,16 congés des professeurs. » Gérald Joly avait même souhaité « que les données du rapport soient publiées dans tous les journaux de la province pour mettre à jour les abus ». Le président avait ajouté qu’une « telle tactique pourrait modifier l’attitude des professeurs au cours des négociations salariales à venir ». La question des congés de maladie, ce n’est pas d’aujourd’hui.

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« Pendant neuf ans, depuis le 12 juin 1969 jusqu’au 28 juin 1978, Daniel McKale illustrait la page éditoriale du Carillon. Son souvenir est associé à tout jamais à notre journal. » C’est ainsi que j’annonçais la mort de McKale dans Le Carillon du 24 septembre 1980. McKale n’avait que 29 ans. « C’est encore étudiant à l’école polyvalente Lavigne de Lachute que Daniel, alors âgé de 18 ans, le fils de Tom McKale et Claire Cadieux, de Pointe-au-Chêne, entreprenait ce qui devait devenir une brillante carrière dans le monde de la caricature politique et du dessin humoristique. (…) Ces dessins sont dans bien des cas encore gravés dans la mémoire de nos lecteurs. Qui ne se souvient pas des aventures de la ‘grosse Germaine’; du ‘géant rouge’ qu’était Philibert Proulx; du ‘jeune bambin’ qu’était l’ex-maire Yvon Montpetit. La caricature du maire Laurent Cayen tentant de ‘frapper le jackpot’ avec Wintario pour le complexe a valu à Daniel un deuxième prix pour la meilleure caricature de tous les journaux communautaires canadiens en 1979 et le deuxième prix de caricature pour les journaux de l’Ontario en 1978. On se souviendra de ses ‘attaques’ persistantes contre la police et les postiers, surtout. On se rappelle le débrayage des postiers qui n’avaient pas aimé une de ses caricatures il y a plusieurs années. La fois suivante, il avait fait en sorte de ne pas les ‘viser’. Les anecdotes seraient trop nombreuses à raconter. Ici, au journal, on se rappelle une caractéristique qui évoque bien son souvenir. Chaque mardi, on se ‘battait’ pour aller chercher sa caricature à l’autobus. » À sa mort, il était toujours attaché au quotidien Le Droit. Il avait aussi été caricaturiste au quotidien Le Devoir.

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Pierre-Jean Tessier… le nouvel administrateur

« Le directeur actuel des loisirs et des parcs dans le canton de Gloucester occupera le poste d’administrateur en chef de la ville de Hawkesbury vers le début du mois d’octobre. Pierre-Jean Tessier, 35 ans, né à Hull à la fin de la dernière guerre mondiale, a été élevé dans le quartier de la basse-ville d’Ottawa. (…) En mai dernier, il a reçu son diplôme en administration municipale après avoir complété un cours de trois ans dans cette discipline à l’université Queen’s de Kingston. À Hawkesbury, il en sera à son premier poste d’administrateur. » Ce ne sera pas son dernier. Il restera à Hawkesbury pendant plusieurs années et il l’était encore quand je suis devenu membre du Conseil municipal de 1986 à 1988. L’article est dans Le Carillon du 23 août 1980.

Dans l’édition du 30 août, dans un entrefilet, nous pouvions lire que « quoi qu’il ne soit pas familier autre mesure avec la ville de Hawkesbury, le nouvel administrateur en garde certains souvenirs de son adolescence. En effet, M. Tessier venait à Hawkesbury, il y a une vingtaine d’années, alors qu’il était membre des cadets de l’Académie de la Salle, que ce groupe participait à des défilés locaux. » Pierre Tessier est présentement directeur général de la municipalité de Clarence-Rockland. Il avait occupé un poste identique pour la municipalité de Russell il y a quelques années. Il est aussi un des amis Facebook. En d’autres mots, nous n’avons jamais perdu contact.

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« À tous les résidents de Prescott-Russell je souhaite un heureux congé à l’occasion de la Fête du travail. » Le message est publié dans une section spéciale du journal du 30 août 1980 consacré à la Fête du travail et il provient du seul membre d’un conseil municipal de la région qui ait payé pour de la publicité à cette occasion… le sous-préfet du canton de Cumberland, Don Boudria. Il préparait le terrain évidemment…

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L’animateur local du collège Algonquin, Richard Hudon, avait des talents indiscutables d’organisateur. En conséquence, le syndicat des employés de l’usine d’Amoco Fabrics, au début de la grève, avait fait appel à ses services et ses conseils. Dans le journal du 10 septembre 1980, on apprend que le local 2-600 du Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique l’a avisé qu’il n’avait plus besoin de son aide et « qu’on ne désirait plus qu’il intervienne de quelque façon que ce soit dans le conflit de travail ». Dans la même édition, un autre texte mentionne que les deux parties en cause dans ce conflit ont convenu d’une rencontre afin de trouver une solution à cette grève qui perdure depuis le 12 mai. Aucune idée si les deux éléments étaient reliés.

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Enfin, un rappel que c’est à cette époque de septembre 1980 que les premiers ministres provinciaux et le Premier ministre Pierre Elliott Trudeau discutaient du rapatriement de la Constitution. Dans le journal du 10 septembre 1980, j’écrivais que « la conférence des premiers ministres à Ottawa en est à ses premières heures ». J’ajoutais qu’une « entente sur le rapatriement de la constitution est peu probable ».

Une véritable attaque contre l’hôtel de ville

C’était prévisible. Depuis quelques semaines, le climat de tension était devenu insoutenable autour de la grève chez Amoco Fabrics. S’ils se sentaient appuyés par certains citoyens, qui avaient manifesté leur générosité en contribuant à leur banque alimentaire et autres sollicitations, ils se sentaient oubliés par les autorités municipales et souhaitaient l’intervention du maire et des conseillers. La première page de l’édition du 30 juillet 1980 du journal Le Carillon est consacrée à la suite des choses. « Environ 300 sympathisants et grévistes de la compagnie Amoco Fabrics ont manifesté pour une deuxième fois en trois semaines devant l’hôtel de ville de Hawkesbury en soirée lundi. Cette fois, ils ne se sont pas contentés d’arracher quelques arbustes. Ils se sont attaqués aux vitres de l’édifice de même qu’à celles de la station de police, les brisant toutes à l’aide des projectiles qui leur tombaient sous la main. Les dommages sont évalués à quelques milliers de dollars. (…) Les agents de l’ordre ont procédé à deux arrestations avant que les esprits ne se calment vers 2 h 30 mardi matin. » Le curé de la paroisse St-Jude, l’abbé Peter Cody, était « intervenu personnellement pour demander à la foule mécontente de rentrer chez eux ». Le local des grévistes était d’ailleurs situé au sous-sol de l’église St-Jude.

Entre temps, comme le rapporte la même édition, « la compagnie Standard Oil Indiana songerait sérieusement à fermer définitivement sa filiale d’Amoco Fabrics de Hawkesbury. (…) En six ans, la compagnie a connu trois conflits de travail dont deux étaient illégaux et le dernier ponctué d’actes répréhensibles. » Cette menace était proférée alors qu’Amoco procédait à un projet d’expansion important. À suivre!

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Sa décision était inévitable. Le climat des dernières semaines, sinon des derniers mois, ne pouvait entraîner une conclusion différente. Quand le conseiller Claude Demers se mettait à harceler politiquement un employé municipal, cela menait inévitablement à son départ. Dans Le Carillon du 16 août 1980, on apprend que Gilles Lefort en a assez et remet sa démission. Il devient le quatrième directeur des loisirs en huit ans à démissionner et il s’était vidé le cœur. « Je ne suis certainement pas pour toujours manger de la merde sans me défendre. Demers… un gars peut en prendre une certaine dose, mais après un certain temps le vase déborde. (…) Je ne quitte pas Hawkesbury. J’ai l’intention de demeurer ici jusqu’aux élections du mois de novembre. Je veux renseigner les gens sur tous les mensonges qu’il a racontés à mon sujet depuis que je suis ici et j’ai des preuves à l’appui pour me défendre. Demers est beaucoup trop négatif pour la ville, il faut absolument que je fasse tout en mon possible pour l’enlever de là. » Et de répondre Demers : « Ça ne m’empêchera pas de dormir ce soir. »

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Maurice Théorêt était le shérif de Prescott-Russell, celui dont le rôle était d’exécuter les ordres de la cour. Le gouvernement ontarien lui avait confié la mission d’étudier l’état des services en langue française dans les tribunaux de l’Ontario. Dans sa chronique « De choses et d’autres » du 16 août 1980, le chef de l’information Charles Burroughs commente sa nomination ainsi : « En confiant au shérif Maurice Théorêt le soin de mener une enquête sur l’état des services en langue française dans les tribunaux de la province désignés bilingues, le directeur des cours de comtés et des cours suprêmes de l’Ontario n’aurait pu faire un meilleur choix. M. Théorêt, qui possède à fond le fonctionnement du système judiciaire, est également un ardent Canadiens-français et épris de justice comme pas un. Il n’a pas l’intention, comme il le confiait au Carillon récemment, de s’en laisser imposer par le système, et nul doute que le rapport qu’il produira éventuellement collera fidèlement à la réalité. »

Scott à la place de Léveillé

Jean Léveillé avait quitté avec fracas son poste de directeur général du Conseil des écoles catholiques de Prescott-Russell. Gaston Cadieux l’avait remplacé de façon temporaire et le CECPR lui avait cherché un remplaçant permanent. Leur choix est tombé sur Jean-Paul Scott, un enseignant de longue expérience originaire de Curran, au salaire de 52 500 $. C’était en 1980 ne l’oublions pas. Le Carillon du 9 juillet 1980 fait état de sa nomination. Scott, bien respecté de tous, occupera ce poste pendant plusieurs années.

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Comme le rapporte Le Carillon du 16 juillet 1980, les marchands locaux s’inquiètent de leur sécurité étant donné que les policiers sont accaparés par les secousses de violence attribuables à la grève chez Amoco Fabrics et ne peuvent donc effectuer leurs patrouilles régulières dans le quartier commercial. Ce qui n’empêche pas un millier de personnes de répondre à l’invitation des grévistes et de participer à une marche d’appui dans les rues de la ville. Les grévistes avaient mis en place leur propre service de sécurité pour l’occasion, de sorte que « la police omniprésente n’a eu qu’à détourner la circulation ». On retrouve le reportage dans la même édition du journal. Les grévistes attendaient deux fois plus de monde. Dans l’édition de la semaine suivante, il est question du « fossé qui se creuse entre le syndicat et la compagnie ». C’est que l’employeur avait décidé d’imposer des mesures disciplinaires à certains de ses employés et avait même entrepris des procédures judiciaires contre deux intervenants externes. Ça n’allait pas bien du tout chez Amoco.

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Quand on veut, on peut. « Jean Bélanger, père de famille et gérant de magasin par surcroît, (…) est à terminer un mots-croisés de 35 000 cases, qui lui permettra de surpasser par 10 000 l’actuel record. » Il souhaitait une homologation de son exploit dans le Livre des records Guinness. Le précédent record avait été établi par un Belge en 1940. « Jean Bélanger avait commencé son long cheminement en vue du record du monde au début de mars, lorsqu’il fut forcé à l’inactivité par une intervention chirurgicale aux jambes. » L’histoire est racontée dans le journal du 23 juillet 1980. Quelques mois plus tard, Le Carillon commencerait la publication, par sections, de ces mots-croisés records sur une période de plusieurs mois. La publication de la grille était une condition à l’homologation si ma mémoire est fidèle.

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« La Grande Virée, qui se voulait le premier grand Festival du spectacle au Québec, a connu un succès phénoménal en fin de semaine alors que des foules estimées à plus de 60 000 personnes ont envahi la ville de Lachute et son parc d’exposition pour applaudir les nombreux artistes invités. Plus de 400 artistes, sur cinq scènes, pendant quatre jours, c’était un ambitieux programme et les efforts des promoteurs ont été amplement récompensés. » C’est ce qu’on peut lire dans le journal du 23 juillet 1980. Et quels artistes avaient donné un spectacle? Entre autres, Jean Lapointe, Pierre Labelle, Plume, Edith Butler, Richard Séguin, Diane Tell, Paul Brunelle, Ti-Blanc Richard, Julie Duguay, Bobby Hachey, Gilles Valiquette, Corbeau, Jim Corcoran, Stephen Faulkner et ainsi de suite. Ah oui, j’oubliais. Qui était le directeur général de cette Grande Virée? Un certain Gilbert Rozon… dont la réputation n’est plus à faire. Il avait éprouvé des difficultés, auparavant, à faire accepter son projet par les autorités municipales de Lachute.

Un prix lié à l’environnement remis à la CIP…

Vous vous en souvenez sûrement. J’avais parlé des problèmes juridiques auxquels avaient fait face l’usine locale de la CIP en matière de normes environnementales. Le juge Louis-P. Cécile avait même entendu une cause à cet effet. Il est donc surprenant de lire, dans l’édition du 2 juillet 1980 du journal Le Carillon, que « l’Institut de chimie du Canada a décerné à la Compagnie internationale de papier du Canada, en 1980, le trophée qu’il remet chaque année à la compagnie qui contribue de façon significative à l’amélioration de l’environnement. Ce trophée a été remis à la CIP pour sa mise au point d’un nouveau procédé de fabrication de la pâte qui réduit l’indice de pollution de 80% comparé aux procédés de fabrication chimiques. » Ce trophée avait été mérité, en fait, par le groupe des Recherches CIP Ltée, dont les laboratoires étaient à Hawkesbury. « Le nouveau procédé permet d’utiliser le bois à plus de 90% et la résistance de la pâte s’apparente à celle des pâtes chimiques. Ce haut rendement a aussi pour corollaire une diminution importante des coûts de production puisque la production d’une tonne de papier journal exige moins de bois. Le nouveau procédé, présentement utilisé à l’usine de papier journal de la CIP à Gatineau, connaît beaucoup de succès et la CIP entend le mettre en place, sous peu, à l’usine de la Compagnie internationale de papier du Nouveau-Brunswick, filiale de la CIP, à Dalhousie. » À Hawkesbury, la CIP produisait de la pâte à dissoudre et le nouveau procédé ne s’appliquait pas à son exploitation. Dommage!

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« L’unijambiste Terry Fox, qui poursuit depuis plus de trois mois son Marathon de l’espoir, a fait son entrée en Ontario samedi matin, lorsqu’il a été reçu officiellement par la ville de Hawkesbury dans le parc de la Confédération. » C’est ce qu’on peut lire dans un reportage d’une pleine page dans le journal Le Carillon du 2 juillet 1980. « Fox, ce jeune homme de 21 ans qui a perdu une jambe au cancer, il y a trois ans, poursuit actuellement sa course de 8000 kilomètres à travers le pays, Originaire de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, il a commencé son périple il y a trois mois à Terre-Neuve, et entend être de retour à Vancouver en novembre. » En fait, il avait plongé sa jambe artificielle dans l’océan Atlantique le 12 avril 1980 et son périple devait prendre fin tristement quelques semaines plus tard près de Thunder Bay. Son passage au Québec avait quasiment passé inaperçu, mais après son entrée en Ontario, les grands médias nationaux l’ont suivi à la trace, jusqu’à la fin. Évidemment, le reste de l’histoire est connu et Terry Fox demeure encore aujourd’hui un héros national, un modèle. Son nom sert toujours à recueillir des fonds pour la lutte contre le cancer et à attirer l’attention sur cette terrible maladie. Son rêve se continue même s’il n’est plus là pour le poursuivre.

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La grève d’Amoco Fabrics se prolonge depuis près de deux mois et le climat malsain s’envenime. Le Journal des travailleurs d’Hawkesbury et la région est distribué au grand public et la guerre des mots prend le dessus. Ses concepteurs ne sont pas seulement des grévistes d’Amoco. La direction de l’usine se sent même obligée de réagir publiquement afin de corriger certaines « erreurs » véhiculées par le petit journal. Et l’histoire se poursuit…

Le Hawkesbury Centre est inauguré

Le journal Le Carillon y consacre évidemment de nombreuses pages publicitaires le 14 juin 1980. Le nouveau centre commercial Hawkesbury Centre, de l’entrepreneur Ghislain Séguin, ouvre officiellement ses postes au centre-ville bien que certains des locataires (dont Loblaws et Farmer) y avaient déjà leurs activités depuis un certain temps. Ce centre est toujours là, bien que plusieurs de ses locataires d’origine aient fermé leurs portes ou simplement déménagé ailleurs en ville.

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J’aimais bien le nom de cette petite entreprise : La Plume et l’encre. C’était l’aboutissement d’un rêve de femmes chefs de foyer de la région de Casselman. Il en est question dans le journal du 25 juin 1980. Lucille Thibert, Nicole Desnoyers-Racine, Francine Gibeault-Fournier, Raymonde Charette, Yvette Normand et Aline Beauvais avaient quatre grands objectifs en fondant cette petite imprimerie : « créer de l’emploi localement pour les femmes; leur fournir un apprentissage dans la gestion de la petite entreprise; permettre aux femmes d’apprendre par l’expérience un métier relatif à l’imprimerie et enfin, offrir un service essentiel à la communauté ». Elles avaient installé leur entreprise dans « un petit local situé à l’arrière du presbytère de l’église de la paroisse de Casselman ». Elles ne s’étaient pas lancées aveuglément dans une telle aventure puisqu’elles avaient « d’abord suivi différents cours du collège Algonquin relativement à la gestion de la petite entreprise, à la publicité, au montage, à l’impression et à la publicité ». Et leur salaire consisterait en « un certain pourcentage des cachets reçus à la suite des travaux d’impression ». Je ne me souviens plus de ce qu’il était advenu de ce projet.

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La Villa Poplar ou la maison Macdonell, comme elle était connue, retenait toujours l’attention à cause de son caractère historique. Je me souviens de m’y être rendu vers la fin des années 60 afin d’y réaliser un reportage sur la nécessité de la protéger. La vieille maison était située tout près du barrage hydroélectrique de Carillon, à Pointe-Fortune, et son état était lamentable. Mais son état l’était encore davantage à l’été de 1980, même si elle avait été acquise par le gouvernement ontarien dix ans auparavant. Le Carillon du 28 juin 1980 parle d’une journée porte ouverte pour permettre au public de la visiter et on rappelle un brin d’histoire :

« La maison de John ‘Le Prêtre’ Macdonell, la Villa Poplar est un hommage rendu aux réalisations et aux rêves de ce magnat de la traite des fourrures de la Compagnie du Nord-Ouest. La villa est une des plus anciennes maisons historiques de toute la région et faisait déjà partie d’un domaine de 1400 acres sur lequel régnait John Macdonell.

Fils de ‘Spanish John’, ‘Le Prêtre’ est né en Écosse en 1768 et il devint rapidement célèbre pour ses tribulations militaires à travers toute l’Europe, et surtout pour l’appui qu’il apporta à ‘Bonnie Prince Charlie’. Il fut celui qui, avec trois de ses cousins, conduisit les pionniers de Glengarry d’Écosse vers l’Amérique, où ils subirent à titre de Loyalistes la Révolution américaine avant de venir s’installer dans l’actuel comté de Glengarry.

Membre du King’s Royal Regiment, il se joignit plus tard à la Compagnie du Nord-Ouest où il devint associé. Il servit dans différents postes de traite de la compagnie et devint éventuellement membre du prestigieux Beaver Club. Il fut également capitaine au sein du Corps of Canadian Voyageurs durant la guerre de 1812 contre les États-Unis.

À sa retraite, après avoir fait fortune dans le commerce des fourrures, il s’établit à Pointe-Fortune dans un vaste domaine qui comprenait une ferme, une meunerie, une scierie, une forge, un magasin général, un poste de traite de fourrures. Colonel de la Milice de Prescott, il fut l’un des deux premiers juges du district d’Ottawa. Il épousa Magdelaine Poitras, une Métis qui lui donna six fils et deux filles. Il s’éteignit en 1850. (…)

La maison Macdonell présente plusieurs particularités intéressantes, notamment le grand salon et la salle à dîner, une salle de bal située au deuxième étage, des chambres à coucher conçues pour loger une famille complète, une cuisine dans le sous-sol et la ‘salle indienne’ où la famille Macdonell vivait tout comme les Indiens Cree. »

Voilà pour un autre brin d’histoire. Je me demande ce qui est arrivé depuis ce temps.

Les années 80, les grèves et la CIP ferme

La décennie des années 80 avait commencé par une série de grèves dès la première année. Ces grèves ont créé un climat incertain au sein de la main-d’œuvre locale et n’ont pas inspiré les investisseurs à choisir Hawkesbury pour y établir leurs usines. Mais 1982 est l’année qu’il faut retenir.

Le conflit violent chez Amoco

La pire grève avait été incontestablement celle qui avait secoué Amoco Fabrics (anciennement Patchogue-Plymouth) pendant de longs mois. L’arrêt de travail d’avril à septembre avait connu son moment le plus honteux lorsque des manifestants (grévistes et autres sympathisants) avaient « attaqué » l’hôtel de ville. Les autorités municipales, et encore moins les contribuables de Hawkesbury n’avaient pourtant rien à voir avec les querelles intestines chez Amoco. Un triste chapitre de l’histoire locale.

Mais d’autres grèves ou menaces de grève avaient dérangé la CIP, l’administration municipale de Hawkesbury, Mercedes Textile, Canadian Refractories et le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell. Cela n’augurerait rien de bon pour la stabilité économique de la région au cours de la décennie. Dès 1981, il y avait eu des mises à pied importantes chez Amoco, Ivaco, Fiberworld, Canadian Refractories et plusieurs autres petites entreprises manufacturières locales.

Sur la scène nationale, la longue grève postale de 1981 avait précédé la transformation du ministère des Postes en société d’État cet automne-là. Et chaque fois qu’il y avait grève, la population et les entreprises de Hawkesbury et la région étaient immanquablement touchées. Une des intentions était justement d’améliorer les relations ouvrières et de mettre fin aux fréquentes grèves, mais ce n’était qu’un beau souhait.

En 1980, le Parti québécois de René Lévesque avait tenu son premier référendum sur la « souveraineté-association », un euphémisme pour décrire la séparation du Québec de la Confédération canadienne. Mais le clan fédéraliste avait eu gain de cause. Les Québécois avaient pourtant redonné un mandat à ce même gouvernement l’année suivante. Mais les péquistes n’accepteraient pas facilement le rejet de leur option indépendantiste et ils reviendraient à la charge plus tard.

Un héros national s’arrête chez nous

Malgré ces débuts de décennie sur une note pessimiste, l’espoir se manifestait en juin 1980 par le passage à Hawkesbury et dans la région du jeune unijambiste Terry Fox qui voulait traverser le pays pour attirer l’attention des Canadiens sur le cancer. Ayant été pratiquement ignoré au Québec, on affirmait à l’époque que c’était à Hawkesbury, en rentrant en Ontario, que son exploit avait conquis le cœur des Canadiens.

C’est vers la même époque que le gouvernement ontarien du conservateur Bill Davis avait confirmé l’ouverture d’un collège d’agriculture à Alfred. Il faudra quelque temps pour concrétiser le tout, mais le souhait de tant d’agriculteurs régionaux, depuis si longtemps, se matérialiserait enfin.

Jamais tant d’incendies majeurs en une seule année

L’année 1980 avait été marquée par une série d’au moins 25 incendies majeurs un peu partout sur le territoire desservi par le journal Le Carillon. Il y avait eu le feu de la Résidence Mon Chez-Nous à Casselman où trois personnes ont perdu la vie. Les pompiers avaient combattu des brasiers à Chute-à-Blondeau, dans Cassburn, aux restaurants Monic de Fournier, Plaza et Blue Corner d’Alfred, Riverview à Hawkesbury, l’hôtel Union de Plantagenet et le feu de St-André-Est, sur la rue Principale à Lachute, sans compter ceux de résidences dans Cassburn, à L’Orignal, près d’Alfred, dans Ritchance et à St-Albert, sur la rue William et sur le boulevard Cartier à Hawkesbury, à la Coop et chez D’Aoust Lumber à Embrun. Il y avait eu l’explosion au garage Del-Mar de Grenville, sans oublier la tragédie de la route 34 au début de 1980 et l’accident d’autobus sur l’autoroute 417 à la fin de l’année.

La fin des ères Bélanger-Ethier et l’avènement de l’ère Boudria

Cette bonne nouvelle n’avait pas empêché la défaite du conservateur Albert Bélanger aux mains du libéral Don Boudria en 1981. Boudria est devenu rapidement une épine pour les conservateurs.

Boudria ne resterait pas longtemps à Toronto. Il avait préféré faire le saut dans l’arène fédérale pour se rapprocher de sa famille. En 1984, il avait remplacé le libéral Denis Ethier, un député de longue date qui avait succédé à son frère Viateur à la Chambre des communes. Ethier avait été nommé président de l’Office canadien des provendes par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, peu de temps avant la démission de celui-ci.

L’année 1984 avait été très intéressante sur la scène politique régionale. Pas moins de 5000 partisans libéraux s’étaient massés dans le nouveau complexe sportif de Hawkesbury pour choisir Don Boudria au détriment de l’ancien maire de Hawkesbury Philibert Proulx, que plusieurs observateurs jugeaient le successeur inévitable d’Ethier. Mais les conservateurs ne s’étaient pas laissé damer le pion et réunissaient plus de 3000 partisans à l’aréna de Rockland pour choisir le maire du canton de Russell, Gaston Patenaude, comme leur porte-étendard.

Mais le peuple déciderait d’inverser les rôles en Ontario et à Ottawa. Boudria, qui avait été dans l’opposition à Queen’s Park, se retrouve encore une fois dans cet état à Ottawa parce que les Canadiens avaient confié les rênes du pays à l’équipe conservatrice de Brian Mulroney. Entre temps, à Queen’s Park, les Ontariens avaient confié la barre de leur gouvernement au libéral David Peterson.

1984 est aussi l’année où le pape Jean-Paul II était passé tout près et s’était arrêté à Ottawa.

Décembre 1982

C’est le mois de cette décennie qui restera à jamais marquée dans l’histoire de Hawkesbury. La Compagnie internationale de papier du Canada avait délégué un de ses vice-présidents à l’usine de Hawkesbury pour annoncer à la direction que leur usine n’était plus rentable et que la CIP n’y investirait pas les millions nécessaires pour la moderniser et respecter les lois environnementales que la province de l’Ontario leur imposait depuis quelques années. Les portes de l’usine fermeraient le 1er décembre 1982… pour toujours. Des employés avaient profité d’une retraite anticipée dédommagée. Les autres avaient bénéficié de soutien professionnel afin de trouver de nouveaux emplois. D’autres étaient assez jeunes pour entrevoir un bon avenir ailleurs. En conséquence, les effets néfastes de la fermeture de la CIP que tant d’observateurs avaient anticipés ne se sont jamais véritablement concrétisés, mais la fermeture a quand même eu des répercussions défavorables. L’usine avait été démolie en 1985.

Le centre de recherches de la CIP, qui était voisin de l’usine de pâtes et papiers, allait lui aussi fermer ses portes quelques années plus tard. Dans ce dernier cas, toutefois, l’édifice serait rénové et adapté à d’autres usages commerciaux et résidentiels.

Le monde hospitalier

Le bouleversement dans la gestion des services hospitaliers de Hawkesbury et la région s’était amorcé au cours de la décennie précédente. Mais c’est en 1982 que la réalité de la réorganisation devient évidente. La Clinique Smith, une institution de la rue Principale reconnue pour ses services à la population anglophone, mais préférée par beaucoup de francophones à cause de la popularité de ses médecins, est fusionnée avec l’Hôpital général de Hawkesbury qui se prépare alors à aménager dans de nouveaux locaux. La fusion de la clinique avait créé quelques soubresauts culturels au sein de la population, mais cela aura été de très courte durée.

Les droits des Franco-Ontariens

Les nombreuses luttes des Franco-Ontariens au cours des années 70 pour obtenir des droits fondamentaux, surtout dans les milieux éducatifs et juridiques, allaient être récompensées par l’adoption, en 1986, de la Loi 8 qui accordait un statut quasiment officiel au français en Ontario. Les observateurs de la scène franco-ontarienne avaient toutefois fait remarquer que cette loi historique n’enchâssait pourtant pas les droits linguistiques des Franco-Ontariens dans la Constitution canadienne. Ce qui fait que la situation des Franco-Ontariens restait précaire et sujette aux bons vouloirs du gouvernement du moment.

Deux accidents dans l’espace et sur terre

C’était en 1986. Au début de l’année, la navette spatiale Challenger explose peu de temps après son décollage. Les yeux du monde entier sont rivés au petit écran. La technologie n’est pas sans problème. En Russie, quelques mois plus tard, une fuite au réacteur nucléaire de Tchernobyl remet en doute la sécurité de toutes les centrales nucléaires du monde entier. Tout le monde en parle à Hawkesbury, dans Prescott-Russell, comme ailleurs autour du monde.

La rue Principale se transforme

À Hawkesbury, la fermeture de la CIP n’avait pourtant pas ralenti les initiatives commerciales et l’incendie qui avait ravagé le complexe Hawkesbury Centre en 1987 permettrait simplement aux propriétaires de reconstruire, d’améliorer et de faire renaître de ses cendres ce centre commercial en plein centre-ville.

L’éveil de l’intolérance

La décennie avait été marquée par la tragédie de la Polytechnique de Montréal en 1989. Un tueur fou avait manifesté son intolérance de la pire manière possible, en tuant de jeunes étudiantes de cette grande institution montréalaise. Les soubresauts se sont fait ressentir dans toute la région au point où l’éditorialiste du journal Le Carillon de l’époque, Yves Rouleau, y consacrait entièrement son éditorial de fin d’année.

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Les années 70, une décennie de turbulences

Si la décennie des années 60 avait annoncé un réveil de la classe politique locale et l’avènement d’un progrès industriel et commercial intéressant, la décennie des années 70 était plutôt porteuse de turbulences sociales, économiques et politiques. C’était le même portrait sur la scène nationale et, particulièrement, chez les Québécois.

La saga du complexe sportif de Hawkesbury, la multitude de grèves, les changements politiques au Québec; les luttes acharnées pour les droits des Franco-Ontariens; la fermeture d’écoles et la construction de nouvelles; l’échec d’un effort de restructuration des assises municipales régionales, les chicanes constantes et parfois verbalement violentes à la table du Conseil municipal de Hawkesbury; la crise mondiale du pétrole; l’affaire Saputo; sans oublier, bien sûr, la conversion au système métrique. Voilà un survol de turbulences qui ont caractérisé les années 70.

Le nouvel hôtel de ville et le complexe sportif

L’hôtel de ville avait été inauguré au début de la décennie et se voulait le symbole du nouveau dynamisme municipal. Au cours des années suivantes, les élus municipaux allaient se débattre souvent avec des questions d’éthique. Des experts-conseils étudieraient les problèmes et proposeraient des solutions. Leurs rapports ont fini sur des tablettes, bien que certains éléments aient été adoptés, dont la nomination d’un administrateur en chef. Auparavant, le Conseil avait embauché un premier directeur des loisirs. Un peu plus tard, on embauchera un premier ingénieur municipal. Chaque nomination n’a pas été facile.

En fait, les directeurs des loisirs se succéderaient à un rythme fou à Hawkesbury. Les élus, surtout ceux qui étaient là depuis longtemps, continuaient à s’ingérer dans la gestion des loisirs. Même les citoyens qui participaient à la gestion des loisirs ne vivaient que frustrations. La population exprimait son insatisfaction, surtout lorsqu’elle a décidé de confier la barre à un jeune nouveau venu en politique, Yvon Montpetit. À la même élection, le conseiller Claude Demers faisait son entrée.

Les travailleurs de la CIP étaient responsables de l’élection de leurs collègues de travail Philibert Proulx et Claude Demers et ils renouvelaient leurs mandats d’une élection à l’autre. Ces deux-là étaient les principales sources de conflits à la table du Conseil. Leurs idées bien arrêtées ralentissaient énormément tous les efforts que la Ligue du réveil civique et les hommes-clés avaient tenté d’amorcer la décennie précédente. Les élus ne progressaient pas au même rythme que leur ville et leur région. Proulx et Demers dominaient la scène politique des années 70 avec leur négativisme et leurs attaques personnelles à l’emporte-pièce.

Quant au maire Montpetit, la fréquence de ses grandes idées essoufflait les observateurs. Ses grands projets auraient transformé la ville de Hawkesbury et la région immédiate, mais il avait éprouvé des difficultés à convaincre les autres de les adopter. Il avait été associé bien malgré lui au conseiller Demers. Il n’a duré qu’un mandat. Mais ses idées ont continué à refaire surface, surtout celles sur le renouveau administratif. Les germes d’un complexe sportif et récréatif ont été semés pendant son mandat.

Le complexe sportif

Le débat autour de la construction d’un nouveau complexe sportif a été amorcé en 1972. Tous savaient que le vieux Centre Mémorial devait être remplacé un jour. Mais des élus et des éléments de la population tenaient à cet aréna. Vers le milieu de la décennie, les autorités provinciales, comme elles l’avaient fait dans plusieurs municipalités ontariennes, ont décrété que le Centre était dangereux et qu’il fallait ou bien le réparer ou bien le remplacer. Les partisans de son maintien et de sa réparation ne lâchaient pas prise et faisaient tout en leur pouvoir pour bloquer un nouveau complexe sportif et récréatif. Mais la population elle-même, qui s’était prononcée par référendum, favorisait un nouveau complexe et après des années de débats et de contredébats, le nouveau complexe sera inauguré à la dernière année de la décennie.

Les luttes pour la francophonie

Les années 70 ont été celles des grandes luttes pour les droits fondamentaux des Franco-Ontariens. Ces luttes étaient constantes partout en province, particulièrement dans le cas des écoles secondaires de langue française. Les protagonistes avaient de la difficulté à obtenir l’appui des autorités scolaires francophones de Prescott-Russell qui favorisaient plutôt des écoles bilingues, surtout dans les comtés unis. Les élus régionaux ne voulaient pas offusquer les concitoyens anglophones et préconisaient le bilinguisme sur toute autre forme d’éducation. Dans la province, des gens sont allés en prison pour faire respecter leurs droits, notamment pour le bilinguisme sur les permis de conduire et autres documents juridiques. En fait, il y avait des pressions pour obtenir des services de justice en français. Ils obtiendraient progressivement gain de cause parce que le gouvernement de Bill Davis de l’époque avait commencé à faire preuve de compréhension et autorisaient des services bilingues ou en français au compte-gouttes. Par la fin des années 70, les droits des Franco-Ontariens étaient respectés de plus en plus, mais il y avait encore un très long chemin à parcourir.

Mais la francophonie comprenait également le Québec. Ce qui se passait dans la province voisine influençait le sort des francophones de l’Ontario, forcément. Au début de 1970, René Lévesque devient une figure dominante de la politique québécoise et canadienne. Il prêche une doctrine de séparation ou d’association. Ses débats remettent en cause le sort de tous les Franco-Canadiens. Les fédéralistes et les souverainistes sortent leurs munitions. Hawkesbury et la région subiront les contrecoups de l’avènement du Front de libération du Québec (qui n’a rien à voir avec Lévesque) et de la crise d’octobre 1970 qui s’ensuivra, un moment marquant de notre histoire. En 1976, l’année des Jeux olympiques à Montréal, René Lévesque est porté au pouvoir au Québec.

Les turbulences ouvrières

À Hawkesbury et dans la région, Ivaco Rolling Mills et Eastern Steelcasting dominaient le développement industriel de la première moitié des années 70. Malheureusement, plusieurs grèves allaient les paralyser et donneraient le ton aux autres industries locales. De longues grèves ont nui également à Patchogue-Plymouth (qui deviendrait Amoco), à Fiberworld, à Texturon Yarns, sans oublier des firmes de construction (Ouimet et Sinclair) et l’Unité sanitaire de l’Est ontarien. L’instabilité ouvrière allait nuire à l’attrait de nouvelles industries. Entre temps, l’inauguration de l’autoroute 417 et la construction de l’aéroport international à Mirabel n’apportaient pas les avantages économiques auxquels la population s’attendait.

La restructuration municipale et les soubresauts scolaires

Le regroupement des conseils scolaires de 1969 avait été précurseur d’un mouvement provincial visant la restructuration des conseils municipaux. Le gouvernement préférait laisser les élus régionaux se réorganiser de leur propre chef. Dans Prescott et Russell, le Conseil des comtés unis avait manifesté une bonne volonté et avait confié à Goldyn Sunderland le soin d’étudier la question et de formuler des recommandations. Ses conclusions allaient être trop radicales pour des élus préoccupés par le maintien du statu quo et de leurs acquis. Le volumineux rapport finirait sur les tablettes du siège social de L’Orignal.

Le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell retient l’attention des contribuables à quelques reprises. Les élus et administrateurs veulent moderniser leurs opérations, ce qui sous-entend des fermetures d’écoles et la construction de nouvelles. Il ne leur faut pas trop de temps pour constater que leurs multiples locaux de Hawkesbury ne répondent plus au besoin. Leur directeur général propose de nouveaux locaux grandioses, mais le public est mécontent, surtout que l’ancien Foyer Prescott-Russell est vacant à L’Orignal. Le CECPR y déménage. Entre temps, ce même directeur général est l’objet d’attaques répétées d’un petit groupe de conseillers scolaires qui finiront par obtenir sa tête. Le conflit, pourtant personnel, avait monopolisé les médias pendant plusieurs mois.

Un pot-pourri d’autres événements

Les années 70 ont retenu l’attention à plusieurs autres points de vue. Le Cinéma Laurentien de Grenville est passé aux mains d’un nouveau propriétaire, Yvon Myner. Ce cinéma existait depuis mars 1950, donc pas tellement plus jeune que Le Carillon.

La crise du pétrole du premier tiers de la décennie crée de nombreuses turbulences économiques. Le gouvernement fédéral décrète un gel de salaires à un certain moment et crée une commission antiinflation. En même temps, il impose la conversion au système métrique.

L’année 1972 marque la naissance des clubs d’âge d’or et du programme Nouveaux-Horizons. – L’administration de l’hôpital général de Hawkesbury passe entre les mains de laïcs. – Denis Ethier remplace son frère Viateur comme député libéral de Glengarry-Prescott-Russell et sera réélu à quelques reprises jusqu’à la décennie suivante. – Le scandale de la viande avariée a des répercussions dans la région en juin 1975. – Le projet d’une route pour contourner la ville de Hawkesbury par ses frontières nord fait l’objet de débats sans jamais être réglé.

Une autre situation désagréable aura marqué les années 70 à Hawkesbury. Une fromagerie de Montréal, Saputo, veut prendre de l’expansion et aimerait bien installer une nouvelle usine à Hawkesbury. Mais un concurrent du comté voisin, Ault Foods, de Winchester, ne veut rien savoir et convainc même son député d’intervenir. Son député est plus influent que celui représentant Hawkesbury. Saputo s’installera ailleurs. Le débat aura duré plusieurs mois.

À suivre demain… les années 80

Le réveil politique à Hawkesbury et dans la région

J’ai rédigé récemment une série de trois articles qui ont été publiés dans l’édition spéciale 65e anniversaire du journal Le Carillon de Hawkesbury… la source de mes retours sur hier évidemment et là où j’ai travaillé de 1965 à 1987. Cette édition spéciale a été publiée le mercredi 12 septembre 2012. Je les publie en rafale aujourd’hui, mercredi et jeudi.

La ville de Hawkesbury amorçait le début de son deuxième centenaire en 1960 et il était donc tout à fait normal de constater, en rétrospective, que cette décennie serait caractérisée par un réveil politique important. La population était encore sous le choc de l’annonce de la construction du futur barrage hydroélectrique de Carillon. Marcel Desjardins écrivait en éditorial au début de 1960 que « l’avenir est aux audacieux ». Desjardins avait affirmé que c’était « le commencement d’une ère nouvelle pour Hawkesbury, mais il faudra continuer de travailler ferme pour en faire un centre encore plus d’important, car d’ici dix ans l’avenir de notre ville sera décidé ». Il avait vu juste.

Ce réveil devait d’abord passer par un assainissement de l’administration municipale d’autant plus que la ville avait été sous la tutelle du gouvernement provincial dans la décennie précédente. La population commençait à douter tant de la compétence de ses élus que des employés municipaux. Le Carillon, dès 1961, n’avait pas hésité à soulever la question. Le débat se prolongera pendant quelques années et ce n’est qu’au milieu des années 60 que les changements commenceront à poindre.

Pendant ce temps, la population d’un quartier complet de la ville, celui du Chenail, allait être expropriée et déplacée. Si l’attrait de l’argent les fascinait au début, la réalité ne tarderait pas à les rattraper. La construction du barrage n’avait pas été la manne attendue. « Seulement une minime proportion de la main-d’œuvre locale a été employée à l’érection du barrage » rappelait Michel Hotte dans son éditorial de décembre 1962. Hotte ajoutait que « la solution est donc d’établir des industries chez nous; la main-d’œuvre de l’extérieur viendra vite combler ce à quoi nous ne pouvons suffire ». Son message n’était pas tombé dans les oreilles de sourds. Une partie de la population, particulièrement le milieu des affaires, n’était pas convaincue que les élus en place pouvaient « faire le lien entre le présent à l’avenir ».

Les années 60, entre parenthèses, ont aussi été importantes pour le journal Le Carillon. Sa transformation, en mars 1964, du grand format par procédé d’impression « letterpress » (pour reprendre le jargon technique de l’époque) en format tabloïd par procédé d’impression « offset », était un pas immense pour un petit journal communautaire franco-ontarien. Il fallait le faire. Le journal entrait dans l’ère moderne et cette transformation majeure encouragerait la direction à moderniser ses techniques de production, son apparence, son contenu, ses politiques. Les lecteurs en bénéficieraient pendant longtemps.

Le réveil civique

À l’été de 1965, après des mois de démarches en coulisse, plusieurs hommes d’affaires jettent les bases d’un parti politique municipal, le premier de l’histoire de Hawkesbury. « Il faut que ça change » est le slogan de la Ligue du réveil civique. La Ligue prendrait le contrôle du Conseil municipal en y faisant élire des hommes d’affaires soucieux de l’avenir de la ville et de son développement industriel entre autres. Leurs démarches, au cours des années suivantes, attireraient à Hawkesbury plusieurs nouvelles industries. Jusque-là, les travailleurs locaux ne pouvaient qu’espérer obtenir un emploi à l’usine de la Compagnie internationale de papier du Canada, une filiale de l’International Paper Company, et à son centre de recherches. Les meilleurs salaires se trouvaient à ces deux endroits et les pratiques de l’époque faisaient en sorte que la relève était assurée par les enfants des employés syndiqués. C’était la réalité de l’époque.

Les « Hommes-clés », un autre groupe politique municipal, allaient intervenir en 1967 et faire élire à leur tour d’autres citoyens intéressés par l’avenir de la ville. C’est que deux années plus tôt, des « anciens » avaient été réélus sans problème et entravaient en quelque sorte le progrès que les nouveaux élus de l’époque voulaient implanter. À l’époque, il est important de le souligner, la plupart des élus étaient des employés de la CIP. C’est à cette usine que le centre d’influence politique se situait. Les employés appuyaient leurs confrères de travail. Cette situation perdurerait pendant encore longtemps cependant; jusqu’à ce que cette usine ferme ses portes d’ailleurs.

Le Carillon et son président fondateur, André Paquette, ont joué un rôle de premier plan dans la fondation et la promotion tant de la Ligue du réveil civique que des Hommes clés. André Paquette avait été la source de motivation auprès de nombreux hommes d’affaires pour qu’ils se lancent dans l’arène municipale et qu’ils s’occupent justement de « leurs affaires ». L’équipe éditoriale du journal avait également appuyé solidement les deux mouvements et leurs objectifs.

La réalité de l’époque était aussi celle de la Guerre froide et, conséquemment, d’organismes tels l’Organisation des mesures d’urgence de Prescott-Russell, par exemple. Au niveau national, les autorités fédérales avaient créé la Régime de pensions du Canada (en 1965) afin d’offrir un meilleur espoir d’avenir aux travailleurs canadiens. Les Frères des écoles chrétiennes et les Sœurs grises de la croix, qui étaient à la source de l’enseignement primaire de plusieurs générations de jeunes de Hawkesbury, allaient devenir victimes de la Révolution tranquille et de la prise en mains de l’administration scolaire sur une plus grande échelle.

En 1966, le débat sur la question des écoles secondaires françaises en Ontario s’accentuait, surtout dans le sud et le nord de la province, mais aussi dans Prescott et Russell par ricochet. Une grande partie de la population, par contre, favorisait des écoles bilingues et les décisions politiques reflétaient cette opinion. Le débat se poursuivra pendant plusieurs années et ne sera pas entièrement réglé à la fin de la décennie suivante. À cette époque, Louis-Pierre Cécile, de Hawkesbury, est le député de Prescott-Russell à Queen’s Park et il occupera divers ministères dans le cabinet de John Robarts. À sa retraite, il sera nommé juge de la Cour provinciale, division criminelle, et il siégera à la cour de L’Orignal.

Une région défavorisée

L’année 1967, celle du centenaire de la Confédération canadienne, est importante pour Hawkesbury et la région immédiate. Depuis leur élection, les conseillers municipaux, surtout ceux de la bannière de la Ligue du réveil civique, avaient jugé qu’il fallait absolument que la ville soit déclarée « zone défavorisée » par le gouvernement fédéral afin que l’on puisse profiter des subventions spéciales consenties aux entreprises manufacturières qui s’installaient dans les communautés de telles zones. Les pressions constantes de la communauté des affaires et du député libéral de l’époque, Viateur Ethier, ont donné des résultats favorables. Le développement industriel n’a pas tardé à se manifester et les Duplate Canada, Amoco Fabrics et plusieurs petites entreprises manufacturières s’établiront à Hawkesbury et créeront des centaines d’emplois. L’arrivée de la société Ivaco dans le canton de Longueuil était aussi attribuable à ces avantages fiscaux.

À cette époque, Albert Bélanger, un fromager de Sarsfield, devient député conservateur à Queen’s Park. Il conservera ce poste jusqu’au début des années 80. Une de ses premières tâches a été de se faire le porte-parole de tous ceux qui réclamaient l’aménagement d’un parc provincial à proximité du nouveau barrage de Carillon, afin d’attirer le tourisme dans l’est du comté de Prescott. Il gagnera cette cause à la longue.

En 1968, la situation économique n’est pas facile, comme la déclaration de « zone défavorisée » l’avait confirmée l’année précédente. En Ontario, par exemple, le salaire minimum était alors de 1,30 l’heure.

La centralisation

C’est aussi cette année-là que le phénomène de la centralisation des institutions publiques s’amorce. L’Unité sanitaire de l’Est ontarien devient la première à évoluer ainsi. Les trop nombreux petits conseils scolaires locaux de Prescott-Russell apprennent qu’ils disparaîtront le 1er janvier 1969 pour être remplacés par deux grands conseils scolaires à l’échelle des comtés : le Conseil des écoles catholiques et le Conseil d’éducation. Ce dernier comporte également un volet pour gérer les écoles publiques, qui sont alors exclusivement de langue anglaise. C’était aussi le prélude de la future centralisation municipale et de l’avènement des gouvernements régionaux.

La route transcanadienne 17 a la triste réputation d’être mortelle, surtout dans l’ouest des comtés unis, mais les tragédies routières sont monnaie courante partout. Il se passe rarement un mois, sinon une semaine, sans que Le Carillon fasse état d’un accident routier mortel sur la 17. Les pressions s’accentuent et la construction d’une autoroute (qui sera connue sous le nom d’autoroute 417) devient une priorité. Elle sera concrétisée quelques années plus tard.

À Hawkesbury, signe incontestable que les changements souhaités en 1960 se matérialisent, les autorités municipales avaient décidé qu’un nouvel hôtel de ville était une nécessité et en assurent la réalisation. Les conseillers de l’époque voulaient que ce nouveau siège administratif devienne le symbole du nouveau dynamisme de leur ville. Un peu dans le même contexte, le projet ambitieux d’une Route du Nord pour contourner la rue Principale anime les débats déjà en cette fin de décennie. La population devra patienter deux autres décennies avant d’en voir la réalisation. Le mauvais état du pont interprovincial Perley inquiétait les citoyens. Là aussi, la population devra attendre longtemps.

À la fin de la décennie, tout était en place pour entrevoir le réveil économique de la ville et de la région.

À venir demain… les années 70

L’histoire d’un long voyage sans fin

« Le camp du NON a récolté 59,4 % du suffrage exprimé contre 40,6 % pour le OUI. » Les résultats du référendum du 20 mai 1980 sont évidemment rapportés dans l’édition du 21 mai du journal Le Carillon. Dans l’édition du 28 mai, j’écris un conte à propos d’un groupe de dix couples d’amis qui effectuaient un voyage depuis longtemps et que tout à coup, un des couples avaient parlé de quitter le groupe et de faire cavalier seul vers une destination différente. Les couples se sont mis à discuter pour voir s’il n’y avait pas moyen d’ajuster le voyage que tout le monde s’y plaise. Et je terminais en écrivant que « l’histoire ne dit pas si les couples ont réellement rajusté leur façon d’agir et s’ils ont complété le voyage tous ensemble ». Nous savons tous que l’histoire est loin d’être terminée comme on a pu le constater lors de la récente campagne électorale au Québec.

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Il fallait le faire. « Le tour du Canada, sans quitter la cour de son école, tel que l’exploit accompli par les étudiants de l’École secondaire Plantagenet, qui a pris fin mardi dans un grand soupir de soulagement et la satisfaction du devoir accompli. » L’exploit est raconté dans le journal du 31 mai 1980. « ‘Partis’ de Plantagenet, la plupart des élèves de l’école qui ont pris part à ce marathon, se sont ensuite dirigés vers Ottawa pour se rendre successivement à North Bay, Hearst, Thunder Bay, Winnipeg, Regina, Calgary, Vancouver, Prince George, Fort Nelson, Whitehorse, Dawson, Aklavik, Coppermine, Chersterfield, Frobisher Bay, Fort Chimo, Goose Bay, St-Jean de Terre-Neuve, Sydney, Moncton, Québec et Montréal, avant de finalement revenir à Plantagenet. Il s’agit d’un circuit de 14 150 kilomètres (8 845 milles) qui a nécessité l’équivalent de pas moins de 38 920 tours de pistes. » Le projet avait duré un peu plus de deux semaines… du sur place.

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Hawkesbury respirait mieux. Les employés d’Amoco Fabrics étaient en grève depuis de nombreuses semaines et il était question d’une grève à la CIP locale. Comme nous l’apprend le journal du 7 juin 1980, le Syndicat canadien des travailleurs du papier a décidé de cibler la compagnie Abitibi-Price pour ses négociations de 1980 au lieu de la CIP.

Mais entre-temps, les employés municipaux de Hawkesbury, membres du Syndicat canadien de la fonction publique, donnaient un mandat de grève à leurs représentants syndicaux. Ça n’allait pas bien dans les relations ouvrières locales.

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La rumeur avait fait beaucoup jaser à Hawkesbury. Rozon Discount Foods était une institution locale à l’époque et c’est pourquoi son propriétaire, Marcel Rozon (dont le père Noé avait fondé le magasin), s’empresse de nier que Loeb Limitée veut acquérir son entreprise. Par contre, un porte-parole de Loeb, division d’Ottawea, avait indiqué que « la fusion entre le marché d’alimentation IGA Lapointe de Hawkesbury et celui de Rozon Discount Food Ltd est hypothétique pour l’instant ». Marcel Rozon resterait propriétaire de son épicerie pendant encore très longtemps.