Si la décennie des années 60 avait annoncé un réveil de la classe politique locale et l’avènement d’un progrès industriel et commercial intéressant, la décennie des années 70 était plutôt porteuse de turbulences sociales, économiques et politiques. C’était le même portrait sur la scène nationale et, particulièrement, chez les Québécois.
La saga du complexe sportif de Hawkesbury, la multitude de grèves, les changements politiques au Québec; les luttes acharnées pour les droits des Franco-Ontariens; la fermeture d’écoles et la construction de nouvelles; l’échec d’un effort de restructuration des assises municipales régionales, les chicanes constantes et parfois verbalement violentes à la table du Conseil municipal de Hawkesbury; la crise mondiale du pétrole; l’affaire Saputo; sans oublier, bien sûr, la conversion au système métrique. Voilà un survol de turbulences qui ont caractérisé les années 70.
Le nouvel hôtel de ville et le complexe sportif
L’hôtel de ville avait été inauguré au début de la décennie et se voulait le symbole du nouveau dynamisme municipal. Au cours des années suivantes, les élus municipaux allaient se débattre souvent avec des questions d’éthique. Des experts-conseils étudieraient les problèmes et proposeraient des solutions. Leurs rapports ont fini sur des tablettes, bien que certains éléments aient été adoptés, dont la nomination d’un administrateur en chef. Auparavant, le Conseil avait embauché un premier directeur des loisirs. Un peu plus tard, on embauchera un premier ingénieur municipal. Chaque nomination n’a pas été facile.
En fait, les directeurs des loisirs se succéderaient à un rythme fou à Hawkesbury. Les élus, surtout ceux qui étaient là depuis longtemps, continuaient à s’ingérer dans la gestion des loisirs. Même les citoyens qui participaient à la gestion des loisirs ne vivaient que frustrations. La population exprimait son insatisfaction, surtout lorsqu’elle a décidé de confier la barre à un jeune nouveau venu en politique, Yvon Montpetit. À la même élection, le conseiller Claude Demers faisait son entrée.
Les travailleurs de la CIP étaient responsables de l’élection de leurs collègues de travail Philibert Proulx et Claude Demers et ils renouvelaient leurs mandats d’une élection à l’autre. Ces deux-là étaient les principales sources de conflits à la table du Conseil. Leurs idées bien arrêtées ralentissaient énormément tous les efforts que la Ligue du réveil civique et les hommes-clés avaient tenté d’amorcer la décennie précédente. Les élus ne progressaient pas au même rythme que leur ville et leur région. Proulx et Demers dominaient la scène politique des années 70 avec leur négativisme et leurs attaques personnelles à l’emporte-pièce.
Quant au maire Montpetit, la fréquence de ses grandes idées essoufflait les observateurs. Ses grands projets auraient transformé la ville de Hawkesbury et la région immédiate, mais il avait éprouvé des difficultés à convaincre les autres de les adopter. Il avait été associé bien malgré lui au conseiller Demers. Il n’a duré qu’un mandat. Mais ses idées ont continué à refaire surface, surtout celles sur le renouveau administratif. Les germes d’un complexe sportif et récréatif ont été semés pendant son mandat.
Le complexe sportif
Le débat autour de la construction d’un nouveau complexe sportif a été amorcé en 1972. Tous savaient que le vieux Centre Mémorial devait être remplacé un jour. Mais des élus et des éléments de la population tenaient à cet aréna. Vers le milieu de la décennie, les autorités provinciales, comme elles l’avaient fait dans plusieurs municipalités ontariennes, ont décrété que le Centre était dangereux et qu’il fallait ou bien le réparer ou bien le remplacer. Les partisans de son maintien et de sa réparation ne lâchaient pas prise et faisaient tout en leur pouvoir pour bloquer un nouveau complexe sportif et récréatif. Mais la population elle-même, qui s’était prononcée par référendum, favorisait un nouveau complexe et après des années de débats et de contredébats, le nouveau complexe sera inauguré à la dernière année de la décennie.
Les luttes pour la francophonie
Les années 70 ont été celles des grandes luttes pour les droits fondamentaux des Franco-Ontariens. Ces luttes étaient constantes partout en province, particulièrement dans le cas des écoles secondaires de langue française. Les protagonistes avaient de la difficulté à obtenir l’appui des autorités scolaires francophones de Prescott-Russell qui favorisaient plutôt des écoles bilingues, surtout dans les comtés unis. Les élus régionaux ne voulaient pas offusquer les concitoyens anglophones et préconisaient le bilinguisme sur toute autre forme d’éducation. Dans la province, des gens sont allés en prison pour faire respecter leurs droits, notamment pour le bilinguisme sur les permis de conduire et autres documents juridiques. En fait, il y avait des pressions pour obtenir des services de justice en français. Ils obtiendraient progressivement gain de cause parce que le gouvernement de Bill Davis de l’époque avait commencé à faire preuve de compréhension et autorisaient des services bilingues ou en français au compte-gouttes. Par la fin des années 70, les droits des Franco-Ontariens étaient respectés de plus en plus, mais il y avait encore un très long chemin à parcourir.
Mais la francophonie comprenait également le Québec. Ce qui se passait dans la province voisine influençait le sort des francophones de l’Ontario, forcément. Au début de 1970, René Lévesque devient une figure dominante de la politique québécoise et canadienne. Il prêche une doctrine de séparation ou d’association. Ses débats remettent en cause le sort de tous les Franco-Canadiens. Les fédéralistes et les souverainistes sortent leurs munitions. Hawkesbury et la région subiront les contrecoups de l’avènement du Front de libération du Québec (qui n’a rien à voir avec Lévesque) et de la crise d’octobre 1970 qui s’ensuivra, un moment marquant de notre histoire. En 1976, l’année des Jeux olympiques à Montréal, René Lévesque est porté au pouvoir au Québec.
Les turbulences ouvrières
À Hawkesbury et dans la région, Ivaco Rolling Mills et Eastern Steelcasting dominaient le développement industriel de la première moitié des années 70. Malheureusement, plusieurs grèves allaient les paralyser et donneraient le ton aux autres industries locales. De longues grèves ont nui également à Patchogue-Plymouth (qui deviendrait Amoco), à Fiberworld, à Texturon Yarns, sans oublier des firmes de construction (Ouimet et Sinclair) et l’Unité sanitaire de l’Est ontarien. L’instabilité ouvrière allait nuire à l’attrait de nouvelles industries. Entre temps, l’inauguration de l’autoroute 417 et la construction de l’aéroport international à Mirabel n’apportaient pas les avantages économiques auxquels la population s’attendait.
La restructuration municipale et les soubresauts scolaires
Le regroupement des conseils scolaires de 1969 avait été précurseur d’un mouvement provincial visant la restructuration des conseils municipaux. Le gouvernement préférait laisser les élus régionaux se réorganiser de leur propre chef. Dans Prescott et Russell, le Conseil des comtés unis avait manifesté une bonne volonté et avait confié à Goldyn Sunderland le soin d’étudier la question et de formuler des recommandations. Ses conclusions allaient être trop radicales pour des élus préoccupés par le maintien du statu quo et de leurs acquis. Le volumineux rapport finirait sur les tablettes du siège social de L’Orignal.
Le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell retient l’attention des contribuables à quelques reprises. Les élus et administrateurs veulent moderniser leurs opérations, ce qui sous-entend des fermetures d’écoles et la construction de nouvelles. Il ne leur faut pas trop de temps pour constater que leurs multiples locaux de Hawkesbury ne répondent plus au besoin. Leur directeur général propose de nouveaux locaux grandioses, mais le public est mécontent, surtout que l’ancien Foyer Prescott-Russell est vacant à L’Orignal. Le CECPR y déménage. Entre temps, ce même directeur général est l’objet d’attaques répétées d’un petit groupe de conseillers scolaires qui finiront par obtenir sa tête. Le conflit, pourtant personnel, avait monopolisé les médias pendant plusieurs mois.
Un pot-pourri d’autres événements
Les années 70 ont retenu l’attention à plusieurs autres points de vue. Le Cinéma Laurentien de Grenville est passé aux mains d’un nouveau propriétaire, Yvon Myner. Ce cinéma existait depuis mars 1950, donc pas tellement plus jeune que Le Carillon.
La crise du pétrole du premier tiers de la décennie crée de nombreuses turbulences économiques. Le gouvernement fédéral décrète un gel de salaires à un certain moment et crée une commission antiinflation. En même temps, il impose la conversion au système métrique.
L’année 1972 marque la naissance des clubs d’âge d’or et du programme Nouveaux-Horizons. – L’administration de l’hôpital général de Hawkesbury passe entre les mains de laïcs. – Denis Ethier remplace son frère Viateur comme député libéral de Glengarry-Prescott-Russell et sera réélu à quelques reprises jusqu’à la décennie suivante. – Le scandale de la viande avariée a des répercussions dans la région en juin 1975. – Le projet d’une route pour contourner la ville de Hawkesbury par ses frontières nord fait l’objet de débats sans jamais être réglé.
Une autre situation désagréable aura marqué les années 70 à Hawkesbury. Une fromagerie de Montréal, Saputo, veut prendre de l’expansion et aimerait bien installer une nouvelle usine à Hawkesbury. Mais un concurrent du comté voisin, Ault Foods, de Winchester, ne veut rien savoir et convainc même son député d’intervenir. Son député est plus influent que celui représentant Hawkesbury. Saputo s’installera ailleurs. Le débat aura duré plusieurs mois.
À suivre demain… les années 80