Un ami a qualifié ma mère d’authentique poète et m’a demandé si elle le savait. Une sacrée bonne question pour laquelle je n’ai pas de véritable réponse!
Comme je l’ai raconté dans mes premières entrées de blogue, ma mère ne s’était jamais sentie « vieille » avant d’atteindre ses 80 ans. Le choc brutal s’est produit une nuit, à la salle d’urgence de l’hôpital Saint-Cœur-de-Marie de Hawkesbury. Je l’accompagnais, comme je l’avais fait de nombreuses fois au fil des années, parce qu’elle avait éprouvé des malaises. À l’hôpital, le médecin de service l’examine. Il me convoque dans le corridor et me déclare brutalement : « Ta mère fait une overdose! »
Ma mère a 80 ans. Elle ne s’est jamais droguée; j’en ai la certitude. Le médecin m’explique que les médicaments qu’elle prend ont interagi. Ma mère est de la génération qui écoute religieusement ses médecins et quand un lui prescrit un médicament, elle le prend; même si un autre, lors d’un de ses nombreux passages à la salle d’urgence, lui en a aussi prescrit. J’en parlerai à son médecin, qui est aussi mon médecin personnel.
Ma tâche est de lui expliquer qu’elle doit cesser immédiatement de prendre ses médicaments, de retourner voir son médecin personnel et de reprendre un dosage plus contrôlé. Elle me dit : « Jean-Maurice, je crois que je deviens vieille. » Je m’en souviens toujours. Et je lui réponds : « Non, Man, tu es vieille; reviens-en! » J’imagine que ma déclaration a fait tout un effet.
Quoi qu’il en soit, quelques semaines plus tard, je m’aperçois qu’elle a commencé à écrire de la poésie. Je ne savais pas que ma mère pouvait en écrire. Je savais qu’elle aimait écrire, de tout, partout, dans les marges blanches de ses livres de recettes ou de ses « scrapbooks » (avant la mode courante du « scrapbooking »). À ce moment-là, je suis rédacteur en chef du journal local et je lui propose d’en publier, soit dans le journal, dans la chronique hebdomadaire que je rédigeais. Il n’en était pas question. J’ai longtemps insisté sans succès et j’ai arrêté. Elle en a pondus pendant un peu plus de deux ans.
Elle écrivait de toute évidence pour son seul plaisir. Elle ne se considérait assurément pas comme une poète. Après sa mort, à l’âge de 90 ans, nous avons découvert qu’elle avait composé des dizaines et des dizaines de poèmes entre 1984 et 1986. Ce sont ceux-là que je reproduis dans mon blogue depuis quelques semaines et que je continuerai à faire au cours des prochains mois. Je sais que vous appréciez ses talents et les images qu’elle rend par les mots.
Vous aurez remarqué les thèmes dont elle traite : le vieillissement, la nature, son quotidien, ses souvenirs, son regard sur la vie qui l’entourait à cette époque ou qu’elle avait vécue avant de traverser les deux Grandes Guerres et les grandes inventions du monde moderne. J’avoue que j’en découvre de nouveaux et que je redécouvre les autres.
Ma mère la poète? Si elle ne le savait pas, nous, aujourd’hui, savons autrement.
Je suis sure que grand-mère écrivait pour le plaisir car elle adorait écrire. Peut-être qu’elle voulait laisser ainsi un souvenir à chacun d’entre nous et à notre façon découvrir ses joies, ses peines, ses inquiétudes. Pour ma part, je la considère comme étant une poète.
Une chose est certaine, elle avait des choses à dire ! Un peu nostalgique peut-être et ça lui a donner le goût de mettre « son histoire » sur papier. Ta déclaration a fait tout un effet, en effet !