Est-il « nouveau » ou désuet?

par Alain Guilbert

Mon texte sur les vins, particulièrement sur les étapes de mon apprentissage de ce divin liquide, a suscité quelques commentaires sur le blogue et quelques autres qui m’ont été personnellement dirigés.

Bien sûr, je ne me suis pas limité aux quelques vins mentionnés dans le texte pour en arriver à mieux les connaître et à mieux les apprécier. Pour limiter la longueur du texte, j’ai mentionné des vins qui, dans ma perception des choses, avaient marqué des étapes dans ma progression vers une meilleure qualité.

Comme l’a souligné ma fille, il y a bien sûr eu une époque où la Cuvée des Patriotes était à l’honneur. C’était sans doute un geste « nationaliste », mais un vin bien mineur. Et comme l’a souligné Jean-Maurice, il y a eu aussi le Pisse Dru. C’était la découverte du Beaujolais et de sa tonne de vins de piètre qualité.

Après un certain temps, j’ai appris qu’il n’y avait que 10 crus acceptables provenant du Beaujolais, et qu’un seul portait le nom de « beaujolais », soit le Beaujolais Villages, les autres étant le Brouilly, le Côte de Brouilly, le Morgon, le Moulin-à-vent (sans doute le meilleur de tous les Beaujolais), le Juliénas, le Chénas, le Chiroubles, le St-Amour et le Régnié. La plupart de ces vins, sauf peut-être le Moulin-à-vent, ne peuvent être conservés longtemps : idéalement, pas plus de deux ans.

Je ne peux évidemment parler des vins du Beaujolais sans souligner un phénomène longtemps populaire, celui du Beaujolais « nouveau »… un simple jus de raisin alcoolisé, mis en bouteille à peine quelques semaines après la récolte du raisin, une opération marketing efficace qui aura permis pendant des années aux producteurs de cette région secondaire de la Bourgogne d’empocher des millions de dollars pour un produit qui ne les valait vraiment pas.

Pendant de nombreuses années, l’arrivée du Beaujolais « nouveau » était une véritable fête, au Québec comme dans beaucoup de pays, et les bouteilles s’envolaient comme des petits pains chauds. Non seulement on en trouvait sur les tables familiales, mais également dans la plupart des restaurants. Ceux et celles qui en buvaient plus de deux ou trois verres en étaient quittes pour de sévères maux de tête le lendemain matin.

Le Beaujolais « nouveau » coûtait beaucoup trop cher. Une partie importante de ce prix « gonflé artificiellement » venait du fait que les caisses de vin étaient transportées de France au Canada par avion, de façon à ce que le produit devienne disponible le même jour de la mi-novembre partout dans le monde.

Une certaine année, le président de la SAQ de l’époque, Alain Cousineau (aujourd’hui président de Loto-Québec), avait menacé les Français de boycotter le Beaujolais « nouveau » s’il n’était pas transporté par bateau. À défaut de quoi la SAQ ne mettrait en vente dans ses succursales que du Vino « Novello » (l’équivalent italien du Beaujolais « nouveau »). Les Français n’ont probablement pas cru que la SAQ mettrait sa menace à exécution et ils ont refusé d’expédier leur vin « nouveau » par mer, ce qui aurait permis d’en réduire le prix de vente. Et cette année-là, les Québécois n’ont eu que du Vino « Novello » à se mettre sous la dent (ou dans le gosier!)… Ce fut le début de la fin pour le Beaujolais « nouveau ».

Aujourd’hui, on n’entend à peu près plus parler de ce produit qui pendant longtemps garnissait notre univers vinicole. Je me demande même si la SAQ en fait encore la mise en marché à la mi-novembre. Et le Beaujolais « nouveau » ne manque probablement à personne, surtout pas à moi. Comme d’autres vins, il aura fait partie de mon apprentissage.

P.-S. Quelqu’un m’a souligné que le Manoir St-David, dont j’ai parlé dans un texte précédent, était considéré comme vin de messe. C’est exact. Et nombreux sont les « servants de messe » qui, comme moi, une fois la messe dite et pendant que l’officiant se débarrassait de ses vêtements sacerdotaux, vidaient en cachette ce qui restait dans la burette de vin (la partie qui n’avait pas été transformée en sang du Christ!). C’est comme cela que nous avons commencé à boire du vin… et nous aimions particulièrement les curés qui versaient dans leur calice à peine quelques gouttes provenant de la burette!

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