« Née d’une lutte incessante… »

Lécole Le Caron nétait pas une « grosse » école. Elle comptait huit classes, un gymnase et un centre de documentation, mais elle avait un caractère drôlement historique et représentait « laboutissement dune longue controverse ». La grande nouvelle est publiée dans lédition du 14 avril 1982 du journal Le Carillon. « Lécole secondaire Le Caron, qui accueille 120 élèves de langue française depuis le début du mois de janvier, sera inaugurée officiellement le 23 avril à Penetanguishene. (…) Née dune lutte incessante menée par la population francophone de cette ville auprès du Conseil déducation de Simcoe. » Jy avais fait référence dans des billets précédents. En fait, lévénement revêtait une telle importance pour la francophonie ontarienne quune « invitation spéciale est également lancée à tous les francophones de la province qui désirent venir célébrer avec les gens de Penetanguishene ». Edith Butler y chanterait même.

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Jen ai parlé ces derniers jours. « Soixante-treize jours après avoir été le théâtre de lexplosion dune bombe, le restaurant Caesars Palace à Hawkesbury a été la proie des flammes, tôt jeudi matin. » Les dégâts sont énormes. Larticle est dans le journal du samedi 17 avril 1982. « Rappelons brièvement que le restaurant Caesars Palace, construit sur lemplacement de lancien restaurant Riverview de la rue John, lui-même détruit par un incendie il y a deux ans, a été secoué par une explosion dans la nuit du 1er février dernier. » Décidément, quelquun, ou le sort, ne voulait pas de restaurant à cet endroit.

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« Le magasin des alcools situé au 222 est de la rue Principale à Hawkesbury sinstallera dans un nouveau local, le 1er septembre prochain. » Il sagit bien sûr du magasin de la LCBO qui était au coin des rues Principale et William depuis ce qui semblait toujours. Celui que la clientèle de Montréal fréquentait assidûment, surtout lors des grèves de la SAQ. Le nouveau magasin « sera aménagé dans un nouveau local de 5000 pieds carrés qui sera construit adjacent au restaurant-bar Roman Room, au 56 est de la rue Principale ». Le magasin y a toujours pignon sur rue et, il y a déjà plusieurs années, a élargi ses pénates justement dans lespace anciennement occupé par le Roman Room. Il semble que la rumeur qui circulait il y a quelque temps sur la construction dun nouveau magasin rue Spence était fausse.

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« Laventure aura donc duré trois années, jour pour jour. » Cest ainsi que jannonçais, dans lédition du samedi 24 avril 1982, que nous cessions la publication de notre deuxième édition hebdomadaire pour nous consacrer uniquement à celle du mercredi. Lexpérience avait été victime de la mauvaise situation économique de lépoque. « Le Carillon, comme tout journal, vit des revenus publicitaires. Depuis une année, surtout, le nombre de faillites commerciales na jamais été aussi élevé et, par conséquent, le marché de la publicité en est affecté. » Nous avions été « le seul bihebdomadaire de langue française au Canada », y compris le Québec. Et ce qui était la meilleure nouvelle pour toute léquipe, « grâce à cette décision, léconomie ainsi réalisée nous permettra de ne faire aucune réduction de notre personnel régulier ». Le Carillon reprenait en fait son rythme de mars 1979.

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Je fais une pause pour une quinzaine de jours, le temps de célébrer, comme vous, Noël et le Nouvel An. Je serai de retour, pour le début d’une troisième année de billets de blogue, vers le 14 janvier 2013. Dans mon « Retour sur hier », j’entreprendrai les cinq dernières années (printemps 1982 à printemps 1987) de mes 22 ans de carrière au journal Le Carillon.

Joyeux Noël et Bonne année!

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La désignation encore une fois

Quand on veut, on peut! Il sétait pourtant fait dire que le programme nexistait plus. Dans lédition du journal Le Carillon du 10 avril 1982, on apprend que « le député fédéral de Glengarry-Prescott-Russell Denis Ethier a annoncé jeudi après-midi la désignation de la région de Hawkesbury, pour une période de deux ans, en vertu du Programme de développement industriel et commercial de lOffice canadien pour un renouveau industriel. » Ethier avait annoncé la nouvelle devant une centaine de commerçants et dhommes daffaires de la région et avait expliqué que cette désignation « comprendrait, outre la ville de Hawkesbury, les cantons de Longueuil et Hawkesbury-Ouest ainsi que le village de LOrignal et la ville de Vankleek Hill ». Hawkesbury nétait pas seule à souffrir de la situation économique. « Les sept nouvelles zones spéciales désignées sont celles de Trois-Rivières et Cap-de-la-Madeleine; Grand-Mère et Shawinigan; Drummondville, Victoriaville, Princeville et Plessisville; Sherbrooke et Magog; Valleyfield au Québec, ainsi que Cornwall et Hawkesbury. » Le programme nétait pas la solution miracle. « Lobjectif du Programme de développement industriel est de favoriser la consolidation et la diversification de lassise économique de régions qui dépendent fortement des industries du textile, du vêtement et de la chaussure. » Les autres municipalités avaient été déçues que seule la ville de Hawkesbury et sa région immédiate profite des largesses fédérales. Mais en fin de compte, cette « désignation » naurait pas les mêmes résultats que celle dès la fin des années 60 et qui avait permis lexpansion industrielle de lépoque. Cette fois, l’économie était mal en point partout.

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Javais déjà parlé delle dans mon blogue. En 1976, elle avait été nommée la mannequin de lannée à New York. Cette fois, comme lexplique le journal du 10 avril 1982, Monique Clément, jeune femme originaire de Hawkesbury, sétait transformée en femme daffaires. « Depuis le 1er avril, date de son anniversaire de naissance, Mme Clément a ouvert un institut de charme et personnalité rue Sherbrooke à Montréal et projette de lancer une ligne de produits de beauté à son nom. » Elle avait atteint la trentaine et était réaliste quant à son avenir de mannequin. « Jai beaucoup de contrats publicitaires avec par exemple la compagnie Trans-Canada, la bière Laurentide et jai aussi fait la page couverture de Châtelaine à plusieurs reprises. Malgré cela, je suis davis quil est préférable douvrir par exemple un institut lorsquon est encore au sommet de sa carrière. » Monique offrait à son institut « des cours sur létiquette et léthique professionnel, lart oratoire, la démarche et le maintien, les soins de la peau, des cheveux et autres ».

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Javais fait référence dernièrement à des critiques sur la langue à lhôpital général depuis la fermeture de la clinique Smith. Dans le journal du 14 avril 1982, cest une autre nouvelle surprenante. « Sur près de 250 cartes de membres de la corporation de lHôpital général de Hawkesbury et la région, la proportion dindividus anglais-français frôle deux pour un. » Jean-Guy Parisien, le président du bureau des gouverneurs, était resté « étonné du manque dintérêt manifesté par les francophones de la région » et avait parlé de « la possibilité dune campagne pour augmenter le recrutement ». La carte de membre ne coûtait que 5 $ et il la fallait pour avoir droit de vote à lassemblée générale annuelle.

De la table ronde? Non… de Colomb!

Il y a des Chevaliers de Colomb dans la plupart des municipalités des comtés en 1982 et la ville de Hawkesbury en compte même deux. « Le conseil 6452 des Chevaliers de Colomb fêtera samedi soir le centenaire de ce mouvement catholique. Le tout prendra la forme dun banquet à lissue duquel seront honorés quelques-uns des personnages qui ont participé à la fondation de ce conseil, en 1972 et 1973. Lannée 1982 marque en effet le centième anniversaire de fondation des Chevaliers, qui ont pris naissance sous linspiration du père Michael McGivney au Connecticut, en 1882. » On retrouve un court article à cet effet dans Le Carillon du 24 mars 1982.

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En ce printemps de 1982, je ne suis pas le seul qui en a assez. Dans mon éditorial du 31 mars 1982 je demande si « Pierre Elliott Trudeau est-il là depuis trop longtemps. Sa présence écrase tous ceux qui lentourent. Plusieurs croyaient en sa démission par suite de laboutissement de son projet de rapatriement constitutionnel, mais il appert que ce n’est pas dans ses intentions immédiates. Ses conseillers devraient lui suggérer le contraire. » Je réagissais à certains propos nationaux sur le piètre état de léconomie et l’inaction du fédéral. « Donc, que Trudeau révise ses priorités, quil laisse la constitution tranquille, quil abandonne un peu sa confrontation avec les provinces et quil se consacre aux vrais problèmes. Sinon, quil tienne sa parole davant la dernière élection et quil laisse la place aux autres. »

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Et pour expliquer ma réaction, il suffit de lire le texte à la une du 7 avril 1982. « La fermeture au mois de mars des usines des compagnies Interline Furniture et Fashion Print à Hawkesbury, ainsi que des ralentissements de production dans trois importantes usines de la région ont été autant de nouveaux signes de la récession économique qui frappe actuellement Prescott-Russell, comme tout le Canada dailleurs. (…) Trois des plus importants employeurs traditionnellement à Hawkesbury sont en ce moment forcés de prendre des mesures afin de stopper la production parce quil ny a plus une demande suffisante pour les produits. » Il sagissait dAmoco Fabrics, de la CIP et dEastern Steelcasting. « Deux autres usines de Hawkesbury, Duplate Canada Ltd et Amoco Fabrics ont considérablement réduit leur personnel depuis six mois. » Ça nallait pas bien du tout et la pire nouvelle sen venait.

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Une photo mattire dans le journal du 7 avril 1982. Il y est question de la Caféthèque de Chez Ti-Pou de lÉcole secondaire régionale de Casselman. On voit Brian St-Pierre à la guitare devant la foule. Il était alors au nombre de 73 participants talentueux à la sixième édition de cet événement couru à Casselman. St-Pierre sest fait valoir récemment à lémission « Un air de famille » de la télé de Radio-Canada en compagnie de sa femme et de leur fille.

Un bon hold-up… ça fait jaser

Un hold-up, rien de mieux pour alimenter un journal. Mais ce nétait pas drôle à ce moment-là, surtout pour les victimes. Le Carillon du 13 mars 1982 nous raconte ce hold-up à la Bijouterie Ginette de la rue Principale-Est à Hawkesbury. Deux hommes avaient réussi à senfuir, mais pas loin. « Après avoir déjoué les policiers en tirant un coup de feu, ils se sont enfuis apparemment en automobile, mais ils nont pu aller plus loin quun hangar dune cour entre les rues Mary et Champlain où ils se seraient cachés. Un des deux suspects, au moment de sa fuite, a été blessé dun coup de feu tiré par le sergent Edgar McGregor. » Un vrai film de gangsters. « Les forces de lordre navaient pas lintention de lésiner sur les moyens afin darrêter les malfaiteurs puisque les corps policiers de Rigaud, Papineauville, Lachute et Vaudreuil avaient été appelés au secours. » Les enfants de lécole LAssomption, à proximité, avaient dû demeurer à lécole après la fin des classes à la demande des policiers. « Cest en utilisant des gaz lacrymogènes, sans tirer de coups de feu que les policiers ont finalement mis la main sur les présumés malfaiteurs qui ont aussitôt été conduits au poste de police. » Cétait évidemment le sujet des conversations en ville. Les propriétaires de la bijouterie, Ginette et André Tremblay, avaient été ligotés et menottés. Le policier Jacques Laflamme sétait fait désarmer par un complice quil navait pas vu. Les voleurs sétaient enfuis à pied, mais les policiers soupçonnaient la présence dun troisième complice qui aurait été à lextérieur quelque part. Les deux jeunes enfants des Tremblay étaient justement à lécole LAssomption. Toute une histoire dont les détails supplémentaires avaient été racontés dans lédition du 17 mars.

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Jean Leroux, ce jeune homme dont je vous avais parlé récemment, souhaitait une ordination sacerdotale « populaire » et il avait décidé dinnover en choisissant le complexe sportif de Hawkesbury comme lieu de son ordination. « Une cérémonie dordination ça arrive tellement peu souvent que selon moi, cest une occasion de fête populaire. » Larticle fait la une de lédition du 20 mars 1982. Jean était alors « stagiaire à la pastorale à lÉcole secondaire régionale de Hawkesbury ». Lordination aurait lieu le 18 juin suivant, mais entre-temps il serait sacré diacre à Limoges le 4 avril. Il voulait fêter avec la population parce que « les gens mont appelé à leur service tout autant que Dieu ». Lévénement était intéressant à ce point que les autorités municipales lui avaient offert les deux glaces du complexe sportif gratuitement. Et revenant à son ordination, Jean Leroux avait expliqué que « ce serait, du moins je lespère, une soirée canadienne qui suivra la cérémonie. Il y aura un orchestre et les gens pourront danser en groupe. Je ne pense pas quil y aura des problèmes, mais peut-être quelques remarques. » Je reviendrai sur la suite.

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Mon rédacteur sportif Yvon « Togo » Legault ny allait pas par quatre chemins. Vers la fin de la saison 1981-1982, lentraîneur-gérant des Hawks de la Ligue centrale junior « A », Mac MacLean lui avait même interdit laccès au vestiaire de ses joueurs après les parties. Après une fin de saison décevante pour les Hawks, Legault écrit dans sa chronique du 20 mars 1982 que « pour le bien des Hawks et pour le bien du hockey en général à Hawkesbury et dans la région immédiate, il faut absolument quune réorganisation complète soit faite au niveau de la direction de léquipe locale. Et, le poste dentraîneur-gérant semble être le point de départ le plus plausible! » Bang!

Une entente hors cour dans l’affaire Léveillé

La cause séternisait depuis de longs mois et je vous avais raconté lhistoire dans mes billets précédents : laffaire Jean Léveillé. La poursuite originale était pour plus de deux millions de dollars contre le Conseil des écoles catholiques de Prescott-Russell et trois de ses conseillers scolaires, Roland Saumure, Jacques Prévost et Yves Saint-Denis. Dans lédition du 27 février 1982 du journal Le Carillon, les lecteurs apprennent quil y aurait « un règlement hors cour de quelque 185 000 $ » avant la reprise du procès le 2 mars. Ce montant comprenait 125 000 $ pour M. Léveillé et 60 000 $ pour les frais de son avocat, Me Gilles Racicot, de Timmins.

En fait, comme on peut le lire dans le journal du 6 mars 1981, « la poursuite initiale de 2 millions $ était maintenant passée à 3 490 185 $ avant de commencer le procès le 1er février ». Lentente hors cour prévoyait le « rejet total des accusations contre les trois conseillers scolaires en cause » et comme lavait affirmé le président du CECPR, Roger Cayer, « par le règlement hors cour, le CECPR est exonéré de tout blâme, de même que les trois conseillers du temps en cause ». Cayer avait déclaré « quil devenait scandaleux de faire durer ce procès, car les frais auraient dépassé ce qui était en jeu. Ça devenait un festin davocats. »

Et fait qui navait rien à voir avec cette entente, un des deux avocats représentant le Conseil des écoles, Me Pierre Mercier, « vient dêtre nommé juge de la Cour de comté dOttawa-Carleton » comme on peut le lire dans la même page que le compte rendu détaillé du règlement avec Jean Léveillé. Tout était bien qui finissait bien, jimagine! Mais dans l’opinion publique…

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Je soupçonne que cette publicité était liée à la décision du Secrétariat dÉtat de revoir son programme de subventions aux communautés minoritaires et à laquelle jai fait référence ces jours-ci. Cette publicité du gouvernement du Québec dans le journal du 27 février 1982 rappelle essentiellement que « le gouvernement du Québec participe actuellement à la réalisation de projets qui bénéficient aux collectivités francophones hors Québec, par un programme de collaboration avec la Fédération des francophones hors Québec », programme qui remontait à 1978. « Le gouvernement du Québec veut ainsi favoriser une meilleure compréhension entre les Québécois et les francophones des autres provinces et promouvoir le développement de liens damitié et de solidarité. » Le Québec avait évalué son aide des quatre années précédentes à « près de deux millions de dollars pour répondre à des besoins exprimés par les associations francophones ». Je ne sais pas si le Québec finance encore de tels rapprochements.

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Une petite responsabilité de plus. Dans le journal du 10 mars 1982, on peut lire que « le député de Prescott-Russell à Toronto, M. Don Boudria, a été nommé lundi critique officiel du ministère ontarien des Services sociaux et communautaires par le nouveau chef du Parti libéral, M. David Peterson ». Il avait été jusque-là critique des Services gouvernementaux.

Le Secrétariat d’État mécontente les organismes francos

À Ottawa, le Secrétariat dÉtat avait décidé « de redistribuer autrement ses centaines de milliers de dollars » en subventions diverses aux nombreux organismes de représentation, ce qui incluait lAssociation canadienne-française de lOntario. Plusieurs avaient monté sur leurs grands chevaux et avaient décrié les vraies intentions du gouvernement libéral fédéral. Comme je lécris dans mon éditorial du 24 février 1982, « certains de lACFO ont invoqué la vengeance pour les interventions dans le débat constitutionnel ». La décision dOttawa forçait en quelque sorte une décentralisation de lorganisation communautaire franco-ontarienne. « Un organisme dont la force est seulement centrale ne peut faire un bon travail de représentativité » quand les diverses régions francophones de lOntario sont tellement différentes les unes des autres.

« Lessentiel est de redonner aux Franco-Ontariens leur fierté. Nous acceptons mal (répétons-le) de voir ceux qui disent nous représenter laisser planer limage que nous sommes seulement des citoyens de deuxième classe, démunis, écrasés par la majorité, recherchant une identité. La promotion de nos talents locaux, régionaux, provinciaux, dans tous les domaines dactivité humaine est la priorité. Cela ne veut pas dire quil faille abandonner lobjectif idéal de la reconnaissance légale des deux langues en Ontario. Au contraire! Mais cette recherche doit être réorientée, de sorte que les Franco-Ontariens projetteront une image de peuple fort, qui sait ce quil veut, fier de lui, respectueux des autres, qui soccupe de ses affaires sans compter sur les béquilles quon voudrait bien lui passer. » Et je terminais mon éditorial sur ce petit paragraphe : « Je poète Jean-Marc Dalpé écrivait récemment quil valait mieux dire que taire. Maintenant que tout a été dit, adoptons le mot dordre mieux vaut faire que dire. »

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Lancien hôpital Notre-Dame de Hawkesbury devenait la Villa Hawkesbury, une résidence pour personnes âgées « qui pourrait accommoder 84 résidents » selon un article dans Le Carillon du 24 février 1982. « Lédifice de trois étages a été vendu par la corporation des Sœurs de la Charité dOttawa à une corporation de quelques actionnaires dont M. Gordon Johnson de Hawkesbury agit comme porte-parole. » Il avait dailleurs expliqué que « plusieurs salles de jeux, dactivités dexercices, de télévision, des fumoirs et des bains giratoires feront partie de la maison ». Je sais que cette Villa Hawkesbury, à un certain moment, accueillait également des personnes en convalescence, le temps quelles récupèrent et quelles puissent retourner à la maison. Ma mère y avait séjourné après une intervention chirurgicale et était ensuite retournée à la maison.

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À lépoque, le journal Le Carillon misait beaucoup sur son réseau de correspondants régionaux pour assurer la couverture « locale » des différentes communautés quil desservait dans tout son territoire. Nous avions un correspondant dans chaque municipalité ou presque. Lors de la « compétition des Meilleurs journaux de 1981 », et dont on parle dans le journal du 24 février 1982, lAssociation des journaux communautaires de lOntario (OCNA) décerne au journal le prix du « champion correspondant » de tous les journaux communautaires de lOntario. Manon Pincince, de Bourget, était malheureusement devenue « journaliste au journal Le Droit dOttawa » lorsque ce prix a été attribué au journal. Après huit années au journal Le Droit, Manon (Raiche de son nom de fille) allait aussi être au service de Radio-Canada (Ottawa) pendant une douzaine d’années par la suite. Je l’ai souvent revue au fil des ans.

Les conflits d’intérêts… un problème de toujours

Le débat autour des conflits dintérêts, des élus municipaux surtout, nest pas nouveau. Les déboires du maire de Toronto Rob Ford sont le plus récent exemple et plusieurs demandent que la loi ontarienne sur les conflits dintérêts soit modifiée. Pourtant, comme on peut le lire dans Le Carillon du 20 janvier 1982, un ex-préfet de la ville de Rockland avait expliqué devant le Conseil des comtés unis de Prescott-Russell que « la Loi sur conflits dintérêts municipaux est présentement en voie de révision » et il importait, selon Jean-Claude Marinier, « quil ne devrait pas appartenir au simple citoyen dintenter des poursuites sil se rend compte de conflits dintérêts ». Trente ans plus tard, il semble que rien nait changé. Marinier « était venu faire la leçon à ses anciens collègues des comtés unis ». Marinier, qui était à Rockland un peu ce que Claude Demers était à Hawkesbury, déplorait notamment « une facture de boissons de 159 $ payée par les comtés pour des consommations à lhôtel Riverview » de LOrignal, un établissement qui appartenait alors à André Landriault, également maire de LOrignal et forcément membre du Conseil des comtés unis. Landriault lui avait répliqué que « ce nest pas M. Marinier qui va me juger, seul un juge est capable de déterminer sil y a ou non un conflit dintérêts ». Mais selon la loi, cest un citoyen contribuable qui doit entamer la poursuite. Marinier avait évidemment perdu son temps, mais son intention était noble : « Il faut améliorer lopinion publique sur les politiciens municipaux… il faut tenter daméliorer le gouvernement pour que les citoyens le respectent. » Cétait 30 ans avant la Commission Charbonneau au Québec et la décision dun juge à Toronto.

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En 1982, la loi ontarienne était claire : les commerces ferment leurs portes les dimanches, partout, sans exception. À Hawkesbury, Gilles Thériault, propriétaire de Thériault Électronique, avait invoqué lignorance de la loi en publicisant « une vente de quatre jours » baptisée « Vent-O-Rama » et il avait loué « lancien local des Manufactures LaSalle pour la circonstance ». Comme le rapporte le journal du 24 février 1982, le chef de police, Maurice Durocher, avait fait savoir que Thériault « sera en contravention avec l’Ontario Retail Business Holidays Act qui interdit spécifiquement louverture le dimanche de commerces autres que les dépanneurs, les postes dessence, les pharmacies et certaines catégories de magasins dantiquités ». Lamende était épicée : 10 000 $. Lintention de Thériault sinscrivait dans un plus grand mouvement qui se dessinait à léchelle de la province et dailleurs visant louverture des commerces le dimanche. Les magasins Super Clef et Hi-Fi Express, à Ottawa, avaient aussi défié la loi et avaient été accusées en conséquence. Thériault avait dit ignorer ces récents incidents et avait allégué que « les dépanneurs, par exemple, vendent souvent des appareils radio et même des téléviseurs à leurs clients le dimanche ». Le mouvement douverture le dimanche prendrait rapidement de lampleur non seulement en Ontario, mais partout. Comme disait Thériault, « la majorité des commerces sont en affaires pour accommoder les gens ».

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Je nai jamais vu le résultat, mais voici ce que Charles Burroughs disait dans sa chronique du 24 février 1982 : « Le registraire du comté de Prescott, M. André Bénard, a été choisi pour coordonner lusage de la langue française dans les bureaux du cadastre de lEst de lOntario. M. Bénard, qui est depuis bientôt 30 ans au service du seul bureau denregistrement à personnel entièrement francophone de la province, compile présentement un lexique de tous les termes relatifs à ses fonctions, lexique qui sera ensuite transmis à ses collègues dailleurs en province. Destiné aux anglophones dans le métier, ce lexique servira également, selon M. Bénard, servira également aux employés francophones qui ignorent souvent, même après bien des années à leur poste, les termes français pour des transactions quils effectuent chaque jour. » Une réalité qui sappliquait à bien des travailleurs francophones qui travaillaient et qui travaillent en Ontario.

Une tragédie sur le chemin de retour de Floride

C’était une nouvelle tragique qui frappait les communautés de St-Eugène et de Hawkesbury. « Le voyage de retour de Floride d’un groupe de 26 membres du Club d’âge d’or 50 de Hawkesbury a été obscurci, dimanche matin, par la mort tragique d’une compagne de voyage, à la suite d’une explosion suivie d’un incendie dans un motel de Chamberburg en Pennsylvanie. » Le journaliste Yves Rouleau signe un long reportage à la une du journal Le Carillon du 17 février 1982. « Mlle Bernadette Ranger, 62 ans, de St-Eugène, se préparait joyeusement à aller rejoindre ses 26 compagnons et compagnes de voyage au restaurant du motel Holiday Inn de l’avenue Wayne à Chamberburg, ville située à quelque 950 kilomètres au sud de Hawkesbury, lorsqu’une violente explosion s’est produite, engendrant un incendie. Mlle Ranger a péri brûlée. » Elle était infirmière à la prison de L’Orignal et avait « consacré plus de 40 ans de sa vie à soigner les malades ». Heureusement, sa compagne de chambre s’en était tirée, mais de justesse. « Mme Cécile Quesnel, 56 ans, de Hawkesbury, a réussi même si elle avait le corps consumé par les flammes à fuir l’appartement 175. En se roulant par terre, elle a réussi à éteindre les flammes. Elle a tout de même été transportée d’urgence à l’hôpital de Chamberburg. Elle y repose depuis dans un état jugé sérieux. »

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Je retrouve dans l’édition du 17 février 1982 une lettre de Jean-Marc Dalpé qui m’avait plu à l’époque. Il réagissait bien sûr à la controverse suivant la publication de « Gerry Brault » dans le journal Le Temps, qu’il avait suivie avec intérêt.

« De passage ici pour une répétition du spectacle ‘Hawkesbury Blues’ du théâtre d’la Vieille 17, je profite de l’occasion pour laisser au bureau du Carillon ces quelques mots.

La poésie a fonction de nommer le monde
de relever les voiles qui cachent
de prendre la parole quand le silence
encage les gens dans leur solitude et leur misère
de donner une voix aux espoirs et aspirations de certains
aux cris et chants d’autres
La poésie attaque, caresse, dénonce, glorifie, berce, pleure ou rit,
mais parle toujours de la vie
La poésie prend pour acquis
qu’il vaut mieux dire que de taire
C’est pour ça que j’ai écrit Gerry Brault
C’est pour ça que je suis content que ce poème a été publié chez Prise de Parole et par ‘Le Temps’
C’est pour ça que je continue d’écrire

P.-S. Je suis tout spécialement content que le débat a pu révéler que certains, à l’encontre de la poésie, prennent pour acquis qu’il vaut mieux se taire que de dire, surtout quand ce ‘dire’ ne sert point leurs intérêts. »

Un partenariat public-privé… tiens, tiens!

Le concept était tout à fait nouveau et quasiment unique en Ontario. Comme on peut l’apprendre dans Le Carillon du 10 février 1982, « le bureau des gouverneurs de l’Hôpital général de Hawkesbury et la région fera bientôt appel à une compagnie d’investisseurs gestionnaires pour l’aider à mener à bien la réorganisation des structures internes de l’Hôpital à court et à long terme. » En d’autres mots, un hôpital public géré par des intérêts privés. Le ministère ontarien de la Santé avait autorisé une telle démarche. « Le projet implique une partie d’investissements de la part du soumissionnaire, ce qui permettrait à la corporation de l’Hôpital de procéder sans problème au début de la construction du nouvel hôpital comme prévu. » Ce n’était pas évident de gérer l’hôpital à ce moment-là à cause de « la succession d’événements que l’on connaît » (inondation de l’hôpital de la rue McGill, achat de la Clinique Smith, conflits de travail, manifestations syndicales, en plus des négociations). C’en était trop. Le président de la corporation, Jean-Guy Parisien, avait assuré que « le Bureau des gouverneurs resterait en pleine autorité en tout temps. » Je vous en reparle.

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Anne-Marie Cadieux, cette comédienne que l’on voit aujourd’hui dans de nombreuses émissions de télévision, jouait le rôle principal dans la pièce « Hawkesbury Blues » des auteurs Brigitte Haentjens (aujourd’hui directrice du Théâtre français du Centre national des Arts) et Jean-Marc Dalpé (auteur du poème sur le fictif Gerry Brault auquel j’ai fait référence récemment) et présentée par le Théâtre de la Vieille 17 du théâtre du Chenail. La pièce était un survol de 20 années de l’histoire de Hawkesbury entre 1961 et 1981, de 15 ans à 35 ans de l’histoire du personnage de Louise interprété par la jeune Anne-Marie Cadieux. On y abordait évidemment la vie du quartier du Chenail, qui était en voie de disparaître en 1961, et la longue grève d’Amoco Fabrics de 1981. La salle avait été comble pendant les deux soirs de représentations et les spectateurs en étaient ressortis très satisfaits. On en parlait dans les éditions du 10 février et du 24 février 1982.

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En ce début de 1982, la mode était aux défilés de mode érotique. Il y en avait eu ici et là, dont un au restaurant Le Séville et un autre au Club naturiste de St-Eugène. Oui, oui, de la mode… chez les naturistes!

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Une belle idée, en plein milieu de nulle part. « Un groupe privé de Plantagenet commandera une étude sur la viabilité d’un terrain de golf à l’école secondaire de Plantagenet. » Le conseiller scolaire Léon Delorme, un membre de ce groupe privé, avait rappelé « que la plus grande partie des 210 acres n’a actuellement aucune utilité académique » et son groupe voulait « y aménager le terrain de golf de 18 trous et un étang artificiel ». Ce terrain aurait été réservé aux étudiants des six écoles du conseil pendant la journée, « le soir, en fin de semaine et durant l’été, il serait public ». Le projet ne serait jamais réalisé.

Une bombe dans un resto local

C’est le seul incident du genre duquel je me souviens. Le Carillon du 3 février 1982 en parle, à la une évidemment. « Une explosion violente a provoqué des dommages matériels évalués à 30 000 $, lundi matin, au restaurant-bar Caesar’s Palace de Hawkesbury ne satisfaisant apparemment, toutefois, qu’en partie les malfaiteurs qui auraient voulu que la déflagration entraîne un incendie qui aurait rasé l’édifice en un moins de rien. L’engin explosif de fabrication artisanale avait été soigneusement placé près d’un conduit de gaz dans le sous-sol du restaurant-bar. De toute évidence, les malfaiteurs souhaitaient qu’un incendie suive l’explosion, a appris Le Carillon de source policière. » Les cinq bâtons de dynamite avaient quand même fait des ravages. « L’explosion a été d’une telle violence qu’un trou a été percé dans le plancher de l’étage. Des portes des chambres de toilette et de la cuisine ont été arrachées et beaucoup de vaisselle brisée. Les murs ont été fissurés en certains endroits dans la partie est de l’édifice, où se situent la cuisine et les toilettes. Les dégâts ne sont visibles que de l’intérieur. » Je pense que ce restaurant était situé sur la rue John.

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Il cumulait alors diverses fonctions, soit celui de ministre de la Justice et Solliciteur général du Canada et ministre d’État chargé du Développement social, et le 2 février 1982, il venait participer à un souper-bénéfice aux profits du projet de construction de l’Hôpital général de Hawkesbury, dont il était d’ailleurs président d’honneur. Jean Chrétien avait profité de son passage à Hawkesbury pour s’arrêter aux bureaux du journal. Je me souviens qu’en me serrant la main, il m’avait dit qu’il lisait mes éditoriaux; j’avais cru que c’était seulement par courtoisie. Ce n’est que quelques années plus tard, alors que j’étais à Postes Canada, que je découvrais l’existence des services de coupures de presse et j’avais compris qu’il avait dû, effectivement, lire mes éditoriaux. On parle de sa visite à Hawkesbury dans les éditions du 3 février et du 6 février 1982.

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Un court entrefilet que je trouve intéressant dans mon éditorial du 3 février 1982. Je parle d’un type qui est parti en guerre contre les chiens violents et non contrôlés. Il voulait que les autorités municipales adoptent un règlement approprié et j’en profitais pour rappeler l’importance des pressions exercées par les citoyens. « Le public ignore souvent ses pouvoirs de persuasion ou de dissuasion. Les pressions constantes et concertées portent toujours ses fruits. Un fait récent l’illustre: le projet des Rockies du Colorado, de la Ligue nationale de hockey, de déménager sa franchise à Nepean. Les citoyens du voisinage du Sportsplex ont réagi: la vocation de ce complexe sportif n’est pas de desservir les sportifs professionnels, mais bien les activités communautaires. Nepean a abandonné ses démarches en fin de semaine. » C’était bien avant que l’on parle de l’existence des Sénateurs.