Le débat autour des conflits d’intérêts, des élus municipaux surtout, n’est pas nouveau. Les déboires du maire de Toronto Rob Ford sont le plus récent exemple et plusieurs demandent que la loi ontarienne sur les conflits d’intérêts soit modifiée. Pourtant, comme on peut le lire dans Le Carillon du 20 janvier 1982, un ex-préfet de la ville de Rockland avait expliqué devant le Conseil des comtés unis de Prescott-Russell que « la Loi sur conflits d’intérêts municipaux est présentement en voie de révision » et il importait, selon Jean-Claude Marinier, « qu’il ne devrait pas appartenir au simple citoyen d’intenter des poursuites s’il se rend compte de conflits d’intérêts ». Trente ans plus tard, il semble que rien n’ait changé. Marinier « était venu faire la leçon à ses anciens collègues des comtés unis ». Marinier, qui était à Rockland un peu ce que Claude Demers était à Hawkesbury, déplorait notamment « une facture de boissons de 159 $ payée par les comtés pour des consommations à l’hôtel Riverview » de L’Orignal, un établissement qui appartenait alors à André Landriault, également maire de L’Orignal et forcément membre du Conseil des comtés unis. Landriault lui avait répliqué que « ce n’est pas M. Marinier qui va me juger, seul un juge est capable de déterminer s’il y a ou non un conflit d’intérêts ». Mais selon la loi, c’est un citoyen contribuable qui doit entamer la poursuite. Marinier avait évidemment perdu son temps, mais son intention était noble : « Il faut améliorer l’opinion publique sur les politiciens municipaux… il faut tenter d’améliorer le gouvernement pour que les citoyens le respectent. » C’était 30 ans avant la Commission Charbonneau au Québec et la décision d’un juge à Toronto.
* * *
En 1982, la loi ontarienne était claire : les commerces ferment leurs portes les dimanches, partout, sans exception. À Hawkesbury, Gilles Thériault, propriétaire de Thériault Électronique, avait invoqué l’ignorance de la loi en publicisant « une vente de quatre jours » baptisée « Vent-O-Rama » et il avait loué « l’ancien local des Manufactures LaSalle pour la circonstance ». Comme le rapporte le journal du 24 février 1982, le chef de police, Maurice Durocher, avait fait savoir que Thériault « sera en contravention avec l’Ontario Retail Business Holidays Act qui interdit spécifiquement l’ouverture le dimanche de commerces autres que les dépanneurs, les postes d’essence, les pharmacies et certaines catégories de magasins d’antiquités ». L’amende était épicée : 10 000 $. L’intention de Thériault s’inscrivait dans un plus grand mouvement qui se dessinait à l’échelle de la province et d’ailleurs visant l’ouverture des commerces le dimanche. Les magasins Super Clef et Hi-Fi Express, à Ottawa, avaient aussi défié la loi et avaient été accusées en conséquence. Thériault avait dit ignorer ces récents incidents et avait allégué que « les dépanneurs, par exemple, vendent souvent des appareils radio et même des téléviseurs à leurs clients le dimanche ». Le mouvement d’ouverture le dimanche prendrait rapidement de l’ampleur non seulement en Ontario, mais partout. Comme disait Thériault, « la majorité des commerces sont en affaires pour accommoder les gens ».
* * *
Je n’ai jamais vu le résultat, mais voici ce que Charles Burroughs disait dans sa chronique du 24 février 1982 : « Le registraire du comté de Prescott, M. André Bénard, a été choisi pour coordonner l’usage de la langue française dans les bureaux du cadastre de l’Est de l’Ontario. M. Bénard, qui est depuis bientôt 30 ans au service du seul bureau d’enregistrement à personnel entièrement francophone de la province, compile présentement un lexique de tous les termes relatifs à ses fonctions, lexique qui sera ensuite transmis à ses collègues d’ailleurs en province. Destiné aux anglophones dans le ‘métier’, ce lexique servira également, selon M. Bénard, servira également aux employés francophones qui ignorent souvent, même après bien des années à leur poste, les termes français pour des transactions qu’ils effectuent chaque jour. » Une réalité qui s’appliquait à bien des travailleurs francophones qui travaillaient et qui travaillent en Ontario.