Et le terrain… qu’est-ce qu’on fait avec?

Je vous ai parlé de la construction d’une nouvelle école élémentaire publique (donc anglophone à cette époque) pour desservir Hawkesbury et la région. Elle venait d’ouvrir ses portes à Pleasant Corners. Cette ouverture laissait supposer la démolition de l’ancienne école publique, au coin des rues Stanley et Nelson-Est. Le Carillon du 27 janvier 1972 affirme qu’une « partie de l’histoire locale disparaîtra aussi quand la vieille école publique sera démolie ».

« Quand James Gordon Higginson et Mary Higginson ont vendu le terrain à la ‘Board of Education for the Town of Hawkesbury’ le 18 août 1903, pour une somme de $1,300, le contrat de vente stipulait clairement que ledit terrain ne devait être utilisé que pour la construction d’une école secondaire publique, d’une école élémentaire publique ou encore pour l’aménagement d’un terrain de jeu non confessionnel.

Dès cette année-là, la ‘Board of Education’ construisait l’édifice actuel, mais pour en faire une école secondaire. L’édifice devint l’école publique de Hawkesbury vers le milieu des années trente, et par après, l’école publique de Prescott, jusqu’à sa fermeture l’année dernière. » L’école publique avait été érigée « la même année que les ampoules électriques ont été installées dans les rues de Hawkesbury, soit en 1903 ».

James Gordon Higginson avait été reconnu pour son intérêt à la cause de l’éducation et avait habité la maison octogonale sur la rue McGill, en face de la ruelle Mill Entrance. Il avait été propriétaire de l’édifice au coin des rues Principale et Atlantique, qui avait abrité pendant plusieurs années le bureau de poste et la bibliothèque paroissiale. Il avait vendu ces propriétés à un M. Sabourin en 1905.

Le terrain laissé vacant par la démolition de la vieille école publique a fait place à un édifice plus moderne occupé aujourd’hui par les Services aux enfants et adultes de Prescott-Russell. Ce n’est pas tout à fait que ce le propriétaire original avait souhaité, mais c’est tout proche.

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Comme je l’avais écrit précédemment, les membres du Conseil municipal de Hawkesbury avaient admis n’avoir rien fait en 1971. Ce qui expliquait mal le bilan financier rendu public à la mi-février 1972. Le Carillon rapporte que pour la première fois depuis 1963, l’administration municipale a inscrit un déficit budgétaire pour l’exercice 1971… plus précisément de 72 506 $. C’était quand même beaucoup pour une époque où le juge des comtés gagnait 25 000 $ par année. « Un mutisme étonnant à l’hôtel de ville » avait accueilli ce premier bilan de l’administration Montpetit, caractérisée cette année-là par les conflits politiques autour de la table du conseil. Dans sa chronique du journal Le Carillon du 17 février 1972, Yvon Montpetit note « qu’un déficit n’a rien d’intrinsèquement mauvais », mais il reconnaît que l’administration municipale devra mieux contrôler ses dépenses.

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Voilà, ça fait changement des films de c… habituels. Au Cinéma Lachute, le chef-d’œuvre de Claude Jutra, « Mon oncle Antoine » est à l’affiche alors qu’au Cinéma Laurentien de Grenville, c’est « IXE 13 » avec Louise Forestier et le quatuor des Cyniques. — Au Théâtre Régent de Hawkesbury, on présente « Escape from the Planet of the Apes », suite de « Planet of the Apes » et « Beneath the Planet of the Apes ». Fait intéressant, un film tout récent explique l’origine de cette planète des singes. « Rise of the Planet of the Apes » a fait fureur au box-office au cours des dernières semaines. Le film nous explique les origines de cette planète dominée par des singes. J’imagine que l’on comprendra mieux ces films présentés il y a 40 ans si on les visionne une autre fois.

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Une promenade le long du ruisseau… pas bête comme idée

Une promenade le long du ruisseau. Plusieurs parlaient du besoin d’initiatives pour attirer les touristes. La Jeune chambre de Hawkesbury (les Jaycees) prévoit, « d’ici cinq ans, l’aménagement d’une promenade pour piétons le long du ruisseau Hawkesbury ». Les autorités municipales sont favorables au projet de la Jeune chambre, mais cette dernière a besoin de subventions gouvernementales, dans le cadre du programme fédéral d’aide aux initiatives locales. « La Jeune chambre a en effet demandé une subvention de $6,000 du ministère de la Main-d’œuvre afin d’embaucher cinq hommes qui, pendant trois mois, seront affectés au nettoyage des abords du ruisseau et d’une partie du lit de ce cours d’eau. » L’organisme anticipait des dépenses de 25 000 $ sur cinq ans pour réaliser son projet. « La promenade le long du ruisseau Hawkesbury se prolongera à partir du pont Cécile, près de l’hôtel Bridge Inn, jusqu’au pont de la rue Bon-Pasteur, près de l’église de la paroisse St-Dominique. La promenade comprendra des sentiers recouverts d’asphalte, avec des bancs et des lampadaires décoratifs. » C’était un autre beau projet… jamais réalisé. On en parle dans l’édition du 20 janvier 1972 du journal Le Carillon.

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Sans doute une des dernières publicités pour les cigarettes en page 21 de l’édition du 20 janvier 1972. Une photo d’un paquet de Mark Ten et le texte suivant : « Savourez une Mark Ten, c’est comme se construire une berceuse et se faire demander où on l’a achetée… ça contente! »

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Le restaurant Boston Café était une institution à Hawkesbury. Situé immédiatement à côté de la voie ferrée desservant l’usine de la CIP, c’était le lieu de rendez-vous du vendredi et samedi soir. Tom Eng vient d’acheter l’établissement et ne met pas de temps à « disposer de la vieille bâtisse. Il l’a confiée aux démolisseurs et a entrepris aussitôt la construction d’un nouveau restaurant qui ouvrira ses portes au printemps. Le nouvel édifice comprendra une salle de réception au sous-sol, des salles à dîner au rez-de-chaussée et un logis à l’étage. » Ce restaurant est toujours au même droit, la voie ferrée a été enlevée il y a plusieurs décennies et le nom a changé.

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Je retiens la caricature de McKale dans l’édition du 27 janvier 1971. Deux panneaux d’un dentiste et son patient : « – Vous avez des dents politiques mon ami. – Comment ça doc? – Elles sont croches. »

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« Le lundi à la télévision couleur de Radio-Canada » c’était l’émission « Le Paradis terrestre » et Radio-Canada fait paraître une publicité dans Le Carillon du 27 janvier 1972 pour en mousser l’écoute. Cette émission en ondes depuis février 1968 allait devenir très controversée au point où elle allait être tout simplement retirée des ondes le 20 septembre 1972 après des centaines de lettres de certains téléspectateurs. Dans le deuxième épisode de la nouvelle saison, on avait osé y montrer une scène entre de deux gais, dont un nu montré de dos des fesses à la tête. Nous étions encore très loin de la permissivité (de l’ouverture d’esprit, écriront d’autres) des émissions télé d’aujourd’hui.

Le courrier à la porte… non, dit Ottawa

Les gens pouvaient bien rêver, surtout dans le secteur Carillon Gardens, un développement résidentiel cossu un peu à l’est de Hawkesbury. Les résidents étaient surtout des professionnels et gens d’affaires et ils étaient sûrement convaincus que leur statut social leur permettrait d’obtenir finalement un service de facteurs. À L’Orignal, Vankleek Hill et Grenville, des secteurs beaucoup plus populeux, on espérait une décision favorable d’Ottawa et l’obtention de la livraison du courrier à domicile, comme à Hawkesbury. Les résidents de Carillon Gardens avaient entrepris leurs démarches il y a longtemps et dans l’édition du 16 décembre 1971, on apprend qu’il n’y aura pas un tel service. « Cette décision ferait suite à la politique du ministère des Postes de ne pas créer de nouveaux emplois dans le secteur Est ontarien. » Voilà!

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Les membres du Conseil municipal de Hawkesbury n’ont pas dû m’aimer cette semaine-là. Dans ma chronique du 6 janvier 1972, j’écris : « Croyez-le ou non, mais les membres du Conseil municipal de Hawkesbury n’ont constaté que lors de leur réunion spéciale du 28 décembre (réunion de mise au point) qu’ils n’avaient rien fait au cours de la première année de leur mandat. Les observateurs, eux, s’en sont aperçu il y a un bon moment. L’année 1972 devrait apporter de nettes améliorations. » Ouch!

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Le juge Omer H. Chartrand était un personnage respecté à Hawkesbury et dans la région et il n’avait pas la langue dans sa poche. Dans l’édition du 13 janvier 1972, on y lit que « le juge Omer Chartrand refusera à l’avenir de célébrer les mariages ». Il réagissait à une décision du gouvernement ontarien de réduire le traitement provincial aux juges de comté. Chartrand était le juge de la Cour des comtés unis de Prescott et Russell. Chartrand reprochait au procureur général de l’Ontario de « demander aux juges de travailler sans rémunération dans des causes relevant de lois provinciales ». Le juge avait écrit : « Le gouvernement devrait pratiquer ce qu’il prêche et ne pas forcer les juges à agir en scabs; si la province veut me forcer à travailler pour rien, elle m’impose une taxe que je refuse de payer. » Il avait donc décidé de refuser « dorénavant de célébrer des mariages, de régler des plaintes mineures et autres causes relevant des lois provinciales ». Omer H. Chartrand avait été « nommé juge de la Cour des comtés unis de Prescott et Russell il y a dix ans (…) touche un traitement annuel de $25,000 du gouvernement fédéral et un de $2,000 du gouvernement ontarien ». Le gouvernement avait décidé de réduire sa contribution de 1 500 $ ayant jugé que le salaire versé par le fédéral était suffisant.

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Jean-Charles Thériault n’avait que 39 ans et était conseiller municipal à Hawkesbury. Une crise cardiaque l’emporte subitement le 16 janvier 1971 et il aura droit à des funérailles civiques. Lui et sa famille étaient populaires. « Il était le fils de M. Oscar Thériault, conseiller municipal pendant plus de 25 ans, qui est décédé en juillet 1970. Outre son épouse, née Dorothée Séguin, il laisse un fils et deux filles. » Il sera remplacé au Conseil par Joseph Dupuis, un candidat défait à la dernière élection. Le frère de Jean-Charles, Gilles, copropriétaire avec lui de la Grocétéria Thériault fondée par leur père, se lancera lui aussi un jour en politique municipale. J’y reviendrai.

L’anglicisation n’était pas un problème… pour certains

Des membres de la commission qui portait le nom de Thomas Symons, le président de l’université Trent de Peterborough, sont de passage à Hawkesbury en ce début de décembre 1971. Gérard Raymond, Berchman Kipp et Charles Beer n’avaient pas annoncé leur visite longtemps à l’avance, si bien que les organismes locaux et régionaux avaient eu peu de temps pour s’y préparer. Quoi qu’il en soit, les trois commissaires repartiront avec quelques idées. Cette commission créée par le gouvernement Davis avait le mandat « de vérifier l’efficacité des lois qui permettent le fonctionnement d’une éducation francophone dans les écoles secondaires ontariennes et l’établissement d’écoles secondaires pour les francophones, de même que le rôle des comités consultatifs sur la langue française ».

Le Conseil de l’éducation de Prescott et Russell, le principal organisme intéressé, n’avait pas eu le temps de préparer un mémoire, mais ses représentants ont quand même rencontré « à huis clos » les trois visiteurs. Par contre, le Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell, lui, a présenté un mémoire et conclut que « le problème de l’anglicisation n’est pas aigu dans les comtés unis, étant donné que 99.2 p. cent des étudiants sous la juridiction de l’organisme sont des francophones et que le français est parlé dans 90 p. cent des foyers ». Le mémoire affirme même que « le conseil scolaire doit déployer des efforts particuliers dans le sens opposé, c’est-à-dire intensifier l’enseignement de l’anglais en tant que langue seconde ». Je ne sais pas si la même affirmation serait toujours pertinente étant donné que de plus en plus d’enfants dont les parents sont anglophones fréquentent ces écoles catholiques francophones dans notre région.

Mais comme on peut le lire dans l’édition du 9 décembre 1971 du journal Le Carillon, ce même Conseil des écoles catholiques avait ajouté « que la plupart des écoles secondaires du comté semblent s’efforcer à donner une ambiance française de plus en plus conforme aux aspirations linguistiques et culturelles des Canadiens français ». Le CECPR avait même soutenu « qu’un groupe ethnique devrait trouver son dynamisme et son élan dans une vitalité linguistique et culturelle intrinsèque et non pas des efforts réactionnaires et sporadiques dirigés par quelques groupes influents ». Ayoye!

Le journal publiait plusieurs autres articles connexes sur d’autres interventions devant la Commission Symons.

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La récente tragédie à Alexandria au cours de laquelle une famille de cinq a été décimée par la mort de la mère et de ses trois enfants et des blessures très critiques au père qui avait réussi à s’échapper du brasier rappelle un incendie encore plus grave qui avait emporté 11 des 13 membres d’une même famille dans la petite communauté de Hammond, dans l’Est ontarien. Le Carillon du 9 décembre 1971 en parlait. « C’est peu après deux heures, jeudi matin, que le feu a éclaté à la maison de ferme habitée par la famille de M. Claude Hébert. Les flammes se sont propagées à un rythme si rapide que deux des treize occupants de la maison ont pu s’échapper en sautant par une fenêtre du deuxième étage. Les autres membres de la famille Hébert n’ont apparemment eu aucune chance de se sauver. » Claude Hébert avait 35 ans et sa femme Denise Mailly, 34 ans. Leurs enfants avaient 14, 13, 10, 9, 8, 7, 6, 5 et 3 ans. Deux fils de 12 et 11 ans avaient eu la vie sauve. Et ce qui est plus triste encore, « la famille Hébert habitait cette maison de ferme de deux étages située à environ trois milles de nord de Hammond depuis environ un mois seulement ».

Le tourisme… c’est à qui la faute en fin de compte?

Finalement, ce ne serait pas seulement la faute de la future autoroute 417 si l’industrie touristique ne voyait jamais le jour dans Prescott et Russell. Le ministre du Tourisme et député de Stormont, Fernand Guindon, avait affirmé lors d’une rencontre de la Chambre de commerce de Hawkesbury que l’absence d’industrie touristique était attribuable « à l’inaction des hommes d’affaires régionaux ». Je signe un reportage à cet effet dans Le Carillon du 9 décembre 1971.

Après avoir souligné que la région n’avait pas obtenu « sa juste part des $1,700,000,000 de revenus touristiques infusés dans l’économie ontarienne » en 1970, Guindon avait « affirmé que le monde des affaires de Hawkesbury et la région avait manifesté un laisser-aller et que ces groupes doivent participer davantage à la réalisation d’attractions touristiques valables ». Guindon, comme plusieurs autres intervenants après lui au fil des années, parlait à des oreilles sourdes.

Ce même soir, un autre conférencier avait retenu l’attention. Charles St-Germain, un conseiller municipal de la ville d’Ottawa et président du Conseil du tourisme du Bas-Outaouais, avait « soutenu que l’industrie touristique rapportait beaucoup de revenus sans nécessiter pour autant des investissements considérables ». Il avait répété encore une fois que « la région de Hawkesbury possède tous les atouts nécessaires mais que personne ne s’est donné la peine de les faire connaître et de les développer ».

St-Germain y était allé de plusieurs suggestions, jamais réalisées, qui pourraient redevenir intéressantes face au succès du parc aquatique Calypso de Limoges.

« Ces suggestions comportent
– l’érection de plaques spéciales aux frontières de Prescott et Russell expliquant les origines des noms de ces deux comtés;
– l’aménagement d’un village Algonquin près de L’Orignal, où cette nation indienne a déjà vécu;
– l’aménagement d’un village du même genre sur la ferme Ross, près du club de golf, où les Iroquois ont déjà habité;
– l’installation de ‘postes de traite’ dans ces deux centres où les associations locales pourraient vendre des objets de leur confection;
– la mise en service d’une réplique d’un bateau à vapeur, Hawkesbury ayant été la première ville de l’Outaouais à posséder un tel bateau, sur lequel les visiteurs pourraient s’embarquer et prendre des randonnées sur la rivière;
– la mise en service d’un traversier de type ancien entre les deux rives;
– la conversion de la Seigneurie de L’Orignal (la résidence du Dr Drummond Smith à cette époque) en un centre de réception, cette seigneurie étant une des trois qui ont existé en Ontario et une des plus importantes au Canada. »

Finalement, le conférencier St-Germain avait blâmé le gouvernement ontarien « de ne pas avoir revendiqué le fait historique de prestige et que Carillon a été choisie uniquement parce que le chanoine Lionel Groulx, historien du Québec bien connu, avait dicté l’histoire à sa façon ». Il se référait à la bataille de Dollard-des-Ormeaux qui aurait eu lieu réellement « à cinq milles à l’est de Hawkesbury, alors que les preuves formelles à cet effet existent ». Un débat qui s’est estompé depuis belle lurette autour des découvertes archéologiques de l’époque près de Chute-à-Blondeau.

Les libérateurs des épouses arrivent en ville

« Les libérateurs des épouses » est un sous-titre qui soulève des questions dans l’édition du journal Le Carillon du 2 décembre 1971. Il s’agit d’une publicité de l’Hydro de Hawkesbury et le titre principal est « Devinez qui fait la vaisselle? ». Bien sûr, c’était il y a 40 ans et je vous reproduis, par pur plaisir, le texte de cette publicité que personne n’oserait publier de nos jours :

« Depuis des années, la vaisselle était considérée comme un des maux nécessaires de la vie.

Mais maintenant, depuis l’avènement des nouveaux lave-vaisselles électriques, de plus en plus de gens considèrent la vaisselle comme une corvée inutile.

Voyons ensemble ce que les lave-vaisselles électriques peuvent épargner à nos épouses. Comme: la routine monotone du lavage et de l’asséchage des couverts et chaudrons jour après jour; la crainte des mains rougies par l’eau de vaisselle; les lendemains de la veille; et les heures consacrées à la vaisselle qui pourraient être utilisées à meilleur escient.

Pensons-y bien. Une montagne de vaisselle sale accompagne les joies de Noël. Alors croyez-vous qu’il y ait plus beau cadeau, à cette occasion, qu’un lave-vaisselle électrique?

Voyez votre vendeur d’appareils électriques au plus tôt, au sujet des nouveaux lave-vaisselles électriques. On ne les appelle pas les libérateurs des épouses pour rien, vous savez. »

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Les vendeurs d’autos usagées n’avaient pas toujours bonne réputation en 1971 et le gouvernement du Québec, toujours soucieux de protéger ses consommateurs, décide de prendre les mesures qui s’imposent. « À compter du premier février 1972, tous les vendeurs d’automobiles usagées devront posséder un permis de travail s’ils exercent leur profession dans le Québec. Ce règlement s’applique tout aussi bien au vendeur itinérant qu’au vendeur régulier. » C’est ce qu’on pouvait lire le 2 décembre 1971 dans le journal Le Carillon. Chaque permis serait émis pour une durée d’un an et devait être renouvelé. « Ces permis seront émis soit pour une personne, soit pour une société. Le coût du permis variera de $10 pour une personne seule jusqu’à $3,000 pour une entreprise comptant plus de 1,000 représentants. »

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Aujourd’hui, au Québec, l’industrie vinicole se porte assez bien et la qualité des vins s’améliore d’année en année. Les vignobles sont de plus en plus nombreux. Mais la culture de la vigne est un phénomène relativement récent, soit moins de 40 ans. Dans le journal Le Carillon du 2 décembre 1971, un article décrit les expériences en cours du Collège Macdonald de Ste-Anne-de-Bellevue. « En Ontario, la viticulture se pratique avec succès, surtout dans la région de Niagara; elle doit se réussite à l’utilisation de variétés provenant d’un croisement de vigne européenne et d’espèces américaines. Au Collège Macdonald, on tente d’adapter la vigne européenne au Québec en modifiant les conditions du milieu dans lequel elle est appelée à vivre. » Les chercheurs du collège avaient tenté diverses expériences afin de reproduire le meilleur climat possible pour permettre la croissance des vignes. « On espère que les conclusions de 1971 constitueront un premier déblayage de la voie conduisant à l’adaptation possible de la viticulture à certaines régions du Québec. »

Bernard Charlebois… un bien triste souvenir

Ils étaient plus de 300 policiers venus d’un peu partout, mais surtout de la Sûreté municipale de Montréal, assister aux funérailles de l’agent Bernard Charlebois en l’église St-Alphonse-de-Liguori de Hawkesbury. Bernard était de Hawkesbury et était policier à Montréal depuis 1963. Le maire Jean Drapeau et le chef de police de Montréal, Jacques Saulnier, s’étaient déplacés, de même que la chorale de la Fraternité des policiers de Montréal. Bernard Charlebois, 27 ans, laissait son épouse Sergine (Pharant) et ses deux filles, Anne-Marie et Chantal. Le policier avait été mortellement atteint par une balle de calibre .38 alors qu’il répondait « pour la troisième fois en autant de jours à une alerte donnée par un dispositif d’alarme défectueux » à l’usine de fabrication Imperial Converters. Croyant avoir affaire à un voleur, « un employé de la firme Dominion Electric Protection a tiré en direction de l’agent Charlebois ». Une triste histoire. Mon frère était policier à ce moment-là et je ne pouvais que penser à lui pendant la cérémonie.

Dans les années 58-60, Bernard Charlebois avait été camelot du journal Le Carillon, un travail que ses frères Paul et Denis ont eux-mêmes faits quelques années plus tard. Marcel Desjardins, qui l’avait connu justement à cause de ça lorsqu’il travaillait au journal Le Carillon, lui rend d’ailleurs un hommage dans l’édition de la semaine suivante, celle du 18 novembre 1971.

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Ces travailleurs jouaient littéralement avec leurs vies, mais les accidents étaient très rares. Le dernier accident mortel, en fait, remontait à quinze ans auparavant. Cette fois, un homme de Brownsburg, Émile Ouellette, devait laisser sa vie à la CIL (Canadian Industries Ltd). Il travaillait dans la section des détonateurs de l’usine de Brownsburg, une usine de fabrication de munitions. Le père de la victime, Jean-Réal, était le président de la commission scolaire de l’endroit.

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Voilà, le Conseil municipal semble décidé. Une nouvelle bibliothèque municipale sera construite dans un nouvel édifice annexé à l’hôtel de ville et tant qu’à y être, on aménagera une nouvelle école prématernelle dans la section au rez-de-chaussée. Le projet à l’étude fait état d’une dépense de 300 000 $, mais la part des contribuables ne serait finalement que de 5 000 $ si les subventions souhaitées sont obtenues. Le projet sera réalisé. J’y reviendrai.

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La Colonial Homes Ltd, une usine spécialisée dans la construction de maisons préfabriquées, ferme ses portes à Hawkesbury. L’entreprise torontoise exploitait son usine depuis 1954 et employait une trentaine de personnes. Les conditions économiques prévalant au Canada et surtout au Québec, son principal marché, ont justifié cette fermeture. On s’attendait à ce que F. Truck Rental cesse également ses opérations locales étant donné que son client ne serait plus là. C’est ce qui est arrivé.

L’effet de la 417… faudrait bien qu’on s’entende

Le président du Conseil du tourisme du Bas-Outaouais est catégorique : « La route 417 détruira le tourisme dans les comtés ». Jusque-là, les principaux intervenants ne faisaient que louer les mérites de cette autoroute et chacun répétait à la moindre occasion que la route apporterait la prospérité au territoire de Prescott-Russell. Comme je l’ai écrit à quelques reprises dans mon blogue, cela ne s’est jamais matérialisé. Dans l’édition du journal Le Carillon du 14 octobre 1971, un article cite Charles St-Germain, le président susmentionné et également conseiller municipal d’Ottawa. Il était d’avis que « même si la route 417 promet une vague de prospérité touristique en provenance des États-Unis pour Cornwall, Ottawa et Montréal, cette même route sera nuisible aux intérêts touristiques des villages et municipalités situées le long de la route transcanadienne, à moins que les organisations et les autorités municipales de Rockland, Alfred, Plantagenet, Vankleek Hill et Hawkesbury n’agissent de façon à attirer les touristes hors de cette autoroute. » St-Germain avait déploré « l’absence de chambres de commerce active dans les municipalités riveraines de l’Outaouais et d’organisations touristiques énergiques ». Il parlait dans le vide.

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En octobre 1971, Jean Chrétien est ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et à ce titre, il est responsable des parcs nationaux du pays. Dans l’édition du 28 octobre du journal Le Carillon, on y lit une annonce sur les préparatifs pour l’aménagement du Parc national Forillon en Gaspésie. La loi exigeait des consultations sur le développement de tels parcs. Comme le précise l’annonce, « Les parcs sont par les présentes dédiés au peuple canadien pour son bénéfice, son instruction et sa jouissance… et ces parcs doivent être entretenus et utilisés de manière qu’ils restent intacts pour la jouissance des générations futures ». J’ai visité le parc Forillon il y a quelques années et c’est là que j’ai appris (on ne m’avait pas parlé de ça à l’école) que les Nazis s’étaient très rapprochés du territoire canadien pendant la Deuxième Guerre. Une section comporte toujours les installations de défense (canons compris) qui avaient été aménagés afin de freiner toute tentative des Allemands de se rendre plus loin dans le golfe Saint-Laurent. Si vous n’y êtes jamais allés, faites le détour.

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Signe des temps; reflet d’une époque. Dans l’édition du 28 octobre, un texte rapporte que « les membres du Conseil des écoles catholiques des comtés unis de Stormont, Dundas et Glengarry ont décidé d’interdire dans les écoles sous leur juridiction la distribution d’un livre traitant du contrôle des naissances ». Le conseil provincial de la Ligue des femmes catholiques avait condamné cette publication, affirmant que « les renseignements médicaux contenus dans le bouquin sont manifestement destinés à favoriser la promiscuité chez les jeunes. (…) les affirmations contenues dans le bouquin portent atteinte à la dignité humaine ». Tous les membres du conseil scolaire ont pourtant avoué ne pas avoir vu le bouquin en question avant de l’interdire malgré tout. Que dirait la Ligue devant Internet et tout ce que les jeunes y « découvrent »?

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Le citoyen Lucien Berniquez avait voulu regrouper ses concitoyens en comité et il avait convoqué tous les intéressés à une importante réunion à la salle des Chevaliers de Colomb, lieu de rassemblement par excellence à Hawkesbury. Il en question le 4 novembre 1971. Pourtant, cent personnes avaient payé leur cotisation depuis la formation du comité en mai. Dans la salle ce soir-là, une seule personne (à l’exception de Berniquez et de moi-même), un employé de Bell Canada résidant de Hawkesbury depuis sept années à peine. Lucien Berniquez a poursuivi ses efforts en vain et a décidé qu’il s’occuperait lui-même de ses ambitions. Un jour, il est devenu maire de Hawkesbury et j’étais un de ses conseillers. Lucien était superviseur des facteurs à Hawkesbury et a été une de mes références quand j’ai postulé un emploi à Postes Canada en 1987. Lucien est décédé il y a plusieurs années.

La campagne provinciale de 1971… c’en était toute une

Stephen Lewis est le chef du Nouveau parti démocratique en Ontario et il s’arrête à Hawkesbury afin d’appuyer le candidat de son parti, Yvon Montpetit, dans le cadre des élections provinciales du 21 octobre 1971. Le Carillon du 14 octobre en parle, notamment que Lewis avait caractérisé le journal comme étant « socialiste » et contre son candidat. Lewis n’avait pas hésité à reprocher aux conservateurs leur inertie passée. « L’Est de l’Ontario a toujours été une région oubliée et que rien d’important ne s’y était produit pendant les 28 années du règne conservateur. » Lewis ne comprenait pas l’absence d’industries de service dans le secteur et ne pouvait admettre « qu’une région si longtemps représentée par les conservateurs a été pendant si longtemps oubliée ». En rétrospective, il avait raison.

Dans la salle des nouvelles, nous n’étions pas d’accord avec les intentions éditoriales du propriétaire. Cela n’a pas d’importance; il prendrait lui-même la plume; c’est son journal après tout. Dans l’édition du 14 octobre, celle précédant l’élection, André Paquette y va d’un long éditorial qu’il intitule « Lettre d’un père à son fils ». Son fils avait maintenant droit de vote depuis que le gouvernement ontarien avait abaissé à 18 ans le droit de vote dans la province. Paquette réagissait entre autres à un reportage publié dans Le Petit Journal de Montréal et qui se référait à Montpetit comme « l’avocat des pauvres de Hawkesbury ». Paquette écrit à son fils : « Comme le dit Le Petit Journal, Yvon Montpetit, c’est un ‘adolescent attardé’ et moi j’ajoute qu’il manque gravement de maturité. Il s’est fait élire maire sans passer par l’expérience du Conseil… et maintenant il voudrait te représenter à la législature ontarienne. C’est comme si tu voulais bâtir ta maison en commençant par le toit, ça ne tiendrait pas. »

Paquette cite également des affirmations de Montpetit dans Le Petit Journal liées à une séparation éventuelle du Québec : « Si le Québec se sépare? Je ne sais pas. Pour dire vrai, mon sentiment est que l’Est de l’Ontario devrait négocier avec le Canada et le Québec son annexion au Québec si jamais le Québec se sépare évidemment. » Montpetit avait répété ce que plusieurs citoyens de Hawkesbury disaient à hautes voix. Et de conclure Paquette, « c’est parfaitement clair… Yvon Montpetit nous a vendus d’avance ». Comme vous voyez, Lewis ne s’était pas plaint pour rien. Dans l’édition de la semaine suivante, celle du mercredi 20 octobre, (le journal avait été devancé parce qu’il produirait une édition spéciale le vendredi), Paquette revient à la charge et recommande à ses 25 000 lecteurs de voter Bélanger et donc, de réélire le gouvernement de William Davis.

La campagne de 1971 avait été solide. Trois candidats « forts » étaient en lice et les échanges publicitaires étaient fougueux. Il y avait longtemps qu’une campagne électorale régionale n’avait pas soulevé autant d’intérêt. Bélanger savait que la concurrence était majeure et il avait sorti ses canons et ses boulets rouges. Dans une publicité, il rappelle entre autres qu’il a obtenu plus de 24 millions de dollars en subventions au cours des quatre années précédentes.

Au Conseil municipal, le préfet Philibert Proulx, également candidat libéral, avait reproché au conseiller Claude Demers, également agent officiel du candidat néo-démocrate et maire Yvon Montpetit, (vous comprenez la situation), d’avoir promis aux résidants du secteur Old Mill de régler leurs problèmes en échange de leur appui électoral au candidat Montpetit. Il en est question dans l’édition du 20 octobre et ce n’est là qu’un exemple de la nature du débat à cette époque.

Quoi qu’il en soit, lors du scrutin du 21 octobre, c’est un balayage conservateur en Ontario. Le parti obtient 79 sièges, alors que les néo-démocrates et les libéraux en récoltent 19 chacun. Dans Prescott-Russell (chiffres officiels publiés le 28 octobre), Albert Bélanger écrase littéralement ses rivaux avec 10 950 votes, devançant largement Philibert Proulx avec ses 5 451 votes et Yvon Montpetit, avec ses 4 723. Une majorité de 5 499. En passant, Bélanger célébrait ses 50 ans le jour même des élections. Un beau cadeau, il va sans dire. À Hawkesbury, Bélanger avait obtenu 2022 votes comparativement à 1510 pour Montpetit et 1035 pour Proulx. Le taux de participation avait été de 75 p. cent, un taux que l’on n’a pas vu depuis fort longtemps.

Le soir des élections, fallait bien que je fasse mon travail de journaliste. Je me suis rendu au quartier général des néo-démocrates, rue Principale à la hauteur de la rue James. Certains connaissaient mes sympathies personnelles pour Yvon Montpetit, mais la majorité non. Et compte tenu de l’opposition de mon éditeur à leur candidat, je n’étais pas le plus bienvenu… surtout après que les résultats ont commencé à démontrer la défaite inévitable de leur candidat. J’ai craint que je ne sortirais pas indemne de la bâtisse, jusqu’à l’intervention de l’organisateur de Montpetit, Rhéal Leroux, qui m’a accompagné à la marche très rapide le long de la rue James pour m’éloigner de ce merdier. Je ne leur avais pas dit que j’avais voté pour Montpetit.

Disons que les employés de l’usine Duplate, dont plusieurs étaient parmi les partisans du NPD, étaient en grève depuis deux semaines et que le climat n’était pas des plus sains… surtout le soir d’une défaite amère.

Ça sent l’élection à plein nez

Ce « Message important aux résidants de l’Ontario âgés de 65 ans ou plus » tombe à point pendant la campagne électorale provinciale et la publicité dans l’édition du 7 octobre 1971 sentait la politique à plein nez. « Le 1er janvier 1972, les paiements de primes d’assurance médicale et d’hospitalisation seront abolis pour tous les résidents de l’Ontario âgés de 65 ans ou plus. Ceci suivant la politique du Gouvernement de l’Ontario annoncée récemment. »

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Vous vous souvenez sans doute au billet dans lequel je me suis référé à Marcel Leroux et à sa ferme de Lemieux. Le glissement de terrain du 17 mai 1971 avait emporté une soixantaine d’âcres de sa ferme. Cette fois, dans l’édition du 7 octobre 1971, il est question des dix vaches qu’il a retrouvées mortes empoissonnées. « Les vaches auraient succombé après avoir absorbé du poison utilisé par le ministère des Terres et Forêts pour le contrôle des arbres dans la Forêt Larose. Une partie de cette forêt expérimentale est située à côté de la ferme Leroux et la clôture n’était pas en bonne condition. » Les carcasses avaient été retrouvées près des seaux contenant le poison en question. Ce n’était décidément pas une bonne année pour Leroux.

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Quelque 200 Franco-Ontariens se réunissent à Niagara Falls pour l’Opération anti-assimilation lancée par l’Association canadienne-française de l’Ontario. Les comtés unis de Prescott et Russell y sont évidemment représentés. L’édition du 7 octobre 1971 du journal Le Carillon fait référence à ce rassemblement de la fin de semaine précédente. Il y est évidemment grandement question des lendemains de la commission présidée par Thomas Symons, le président de l’Université Trent de Peterborough, chargée d’étudier la loi 141 et la situation scolaire des francophones de l’Ontario. L’ACFO avait affirmé que la loi 141 adoptée en 1969 « constituait un pas dans la bonne direction », mais « le manque de précision de cette loi et la trop grande latitude qu’elle laisse aux commissions scolaires régionales ont toutefois valu aux Franco-Ontariens toutes sortes de tracasseries que seules des modifications législatives peuvent prévenir ».

« Les participants au colloque de fin de semaine ont d’ailleurs recommandé de bannir les expressions ‘écoles bilingues’ et ‘classes bilingues’ qui ne sont que des formes déguisées pour désigner l’assimilation légale et polie des francophones qui fréquentent ces institutions. (…) Les principes de l’ACFO demandant donc l’établissement de deux systèmes basés sur les langues, soit le français et l’anglais. Actuellement, les divisions sont basées sur la religion, soit catholiques et protestantes. » Pour l’ACFO, « les modifications énumérées sont jugées comme étant une solution temporaire qui devra être suivie d’une solution plus profonde qui s’attaquera à la racine du mal, soit le manque de pouvoirs des francophones au sein des structures administratives. » Ce n’était qu’un débat parmi tant d’autres pendant un si grand nombre d’années en Ontario.