Les journalistes dans les médias régionaux

Dans La Presse du 12 février, en page A12, la chroniqueuse des médias Nathalie Collard a publié un article intéressant sur le métier de journaliste dans les médias régionaux. Sa description de la réalité de ces journalistes me rappelle de vieux souvenirs. Bien que la mienne était plutôt exceptionnelle dans le contexte de l’époque.

Mme Collard se réfère à une récente visite du maire de Mascouche aux locaux de la télévision communautaire de Terrebonne. Le maire n’avait pas du tout aimé les questions d’un journaliste et a voulu sûrement les intimider. La station a plié. De telles « histoires d’horreur » se répètent dans toutes les petites communautés. J’oserais affirmer qu’il n’y a pas d’exception entre médias francophones et anglophones au Canada.

Contrairement à un grand quotidien, le média communautaire local touche les gens de près. Souvent, les politiciens locaux sont aussi les marchands locaux. Quand on sait que les médias vivent de leur publicité, la menace de couper cette publicité fait oublier bien des principes journalistiques dans les petites communautés. Et il y a la concurrence des autres médias locaux.

Le journal communautaire où j’ai passé 22 années de ma vie n’avait pas de réelle concurrence. Son propriétaire croyait sincèrement qu’un bon journal attirerait les lecteurs et, par conséquent, les annonceurs qui souhaitaient les rejoindre. Et c’est ce que mes collègues de la salle des nouvelles et moi tentions de faire chaque semaine. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de menace. En fait, nous avons reçu des menaces de poursuite huit ou neuf fois. Elles n’ont jamais progressé bien loin. Nous étions d’une grande prudence dans la virulence de nos critiques et tentions d’user de la plus grande objectivité possible dans la rédaction de nos articles. Nous étions lus religieusement par notre communauté; les annonceurs et les politiciens le savaient. Quand un d’eux venait se plaindre ou nous menacer, ma réponse était la même : nous écrirons un article sur votre intervention. Je n’ai pas eu à le faire!

Une autre fois, c’est un petit criminel de deuxième ordre qui était venu me rencontrer au journal. Il n’avait pas aimé qu’un article traitant de son « boss » avait été placé dans le journal près d’un article qui faisait référence à un autre petit criminel local. Cet individu me dépassait de plusieurs pouces et me parlait vers le bas. Ses menaces étaient claires… mais il y avait beaucoup trop de témoins autour pour qu’il ose faire quoi que ce soit. Je l’ai laissé parler… pardon, crier… sans dire mot. Je lui ai demandé s’il avait fini; il m’a répondu « oui » et je l’ai invité à entrer dans mon bureau. Je lui ai expliqué mon point de vue et il est parti. Faut dire que pendant ce temps, son « boss » était au comptoir d’accueil du journal et parlait avec quelqu’un d’autre d’un autre sujet.

Cela dit, je crois que notre journal était privilégié. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde nous aimait, au contraire; à quelques reprises, des gens d’affaires locaux ont tenté de lancer un autre journal en approchant, bien entendu, le personnel du nôtre, dont moi-même. Un de ceux-là est d’ailleurs devenu juge en cours de route. Vers la fin de ma carrière au journal, des concurrents commençaient à se pointer un peu partout dans les comtés. Fait intéressant, éventuellement, la plupart de ces mêmes concurrents allaient fusionner leurs opérations avec l’organisation pour laquelle j’œuvrais.

Je suis convaincu que dans chaque communauté, des politiciens et gens d’affaires, et autres individus, tentent d’influencer le contenu de ces médias.

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3 réflexions sur “Les journalistes dans les médias régionaux

  1. Je me souviens de tes éditoriaux dans le journal local durant les années 80. C’est vrai que vous étiez lus religieusement par tout le monde ! Le Carillon était livré à notre porte une fois par semaine et il fallait payer pour notre abonnement. Aujourd’hui, le journal est gratuit, mais les annonces à l’intérieur sont plus dispendieuses.

    • Un des plus beaux compliments que j’ai reçu provenait d’une madame Parisien (dont j’oublie tristement le prénom) qui habitait rue Thériault. Elle m’avait raconté, une fois, que chaque mercredi, après avoir reçu le journal de la semaine, elle se rendait chez son voisin analphabète, à sa demande, pour lire mon éditorial et ma chronique de la semaine. Cela avait fait oublier toute critique injuste que d’autres lecteurs nous formulaient de temps à autre.

      • Ça doit faire chaud au coeur, se faire dire ça lorsqu’on est journaliste, métier parfois ingrat. La récompense ultime !

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