Ma mère a écrit ce poème le 25 février 1985. Elle a pris la peine d’ajouter qu’elle a connu ce qu’elle y raconte. Je n’en doute pas un instant, bien que je n’étais pas né à cette époque.
J’ai dormi la nuit sur une paillasse
Sentant bon les champs au temps des moissons,
Ce sont des souv’nirs que plus rien n’efface,
Qui nous charment un peu comme une chanson.
J’ai appris comment on doit traire les vaches,
Comment on sépare le lait de la crème,
Pour nous préparer la bonne « crème à glace »,
Et puis faire du beurre que tout le monde aime.
J’ai su travailler sans avoir d’évier,
Fallait des seaux d’eau et un bol à mains,
Des grandes cuvettes, une planche à laver
Et puis commencer plus tôt le matin.
J’ai connu le temps de la lampe à l’huile
Qui fait sur les murs d’étranges dessins,
Le bon poêle à bois, les planches sans tuiles,
Les chaises empaillées et l’armoire en pin.
J’ai connu les soirs sans « télévision »
Pas beaucoup de choses à faire pour nous amuser,
Rien qu’un vieux piano et « La Bonne Chanson »
Puis jouer aux cartes et tâcher d’gagner.
J’ai connu les jours de la Dépression,
On devait apprendre à se débrouiller,
L’argent était rare, pas la religion,
Et c’est peut-être ça, qui nous a sauvés.
Nous on avait la laiterie Lauzon en face de chez-nous et vous aussi Jean-Maurice puisque nous étions voisins ! On entendait les canisses de lait faire kling klang tôt le matin. Mon père jouait du piano, ma grand-mère paternelle de l’accordéon. Mon grand-oncle Damias, le frère de grand-mère Sabourin, qui était infirme et qui demeurait chez-elle, jouait du violon. Et grand-mère Sabourin, qui avait la réputation de tricher aux cartes. La flimeuse…
Ce sont aussi les Lauzon qui ont eu le premier téléviseur de la rue en 1952!… Tu n’étais pas née mais je suis sûr que ton frère Louis s’en souviendrait.
Je viens de constater, en préparant mon déménagement et en nettoyant mes dossiers, que c’est ce poème que j’ai lu lors des funérailles de ma mère le 19 novembre 1994. Elle était décédée trois jours auparavant.