Les mêmes services et même plus qu’auparavant

C’est ce qu’on appelle se donner la main et s’occuper de ses affaires. « Même si la CIP est fermée, les marchands de Hawkesbury sont toujours en affaires avec les mêmes services et même plus qu’auparavant. » Le message de Marielle Charlebois, la copropriétaire de la boutique Ma-Té, était clair et se référait à la grande promotion publicitaire dans laquelle se lançaient 41 maisons d’affaires de Hawkesbury. On en parle dans Le Carillon du 27 juillet 1983. Le journal profiterait bien sûr de cette campagne. « Hawkesbury a toujours été et est toujours le plus grand centre d’achats entre Montréal et Ottawa » et elle l’est toujours d’ailleurs. « Nous voulons par cette promotion mettre Hawkesbury sur la carte. » Une des 41 maisons était la Bijouterie Harden. Aujourd’hui, le Groupe Harden semble encore y croire et poursuit le développement d’un grand secteur commercial le long de la route 17.

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Il me semble que je n’ai pas vu de telles annonces depuis longtemps. Celle-ci provient du journal du 27 juillet 1983. « Parents: Tous les enfants doivent être immunisés contre la diphtérie, le tétanos, la polio, les oreillons, la rougeole et la rubéole à moins de contrainte médicale ou religieuse. Ne tardez pas, faites le faire maintenant sinon votre enfant pourrait être refusé par l’école. Les injections peuvent être données soit par votre médecin de famille ou à l’une de nos cliniques. » En fait, il y a longtemps que je n’ai pas entendu dire qu’un enfant avait attrapé l’une des maladies énumérées. Aujourd’hui, certains préconisent de ne pas faire vacciner les enfants sous prétexte que c’est la cause de troubles divers, dont l’autisme. Cette théorie est bien sûr réfutée par les autorités médicales.

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Je lisais récemment dans un média que les Canadiens ne savent pas toujours lire les étiquettes sur les produits alimentaires. Dans le journal du 27 juillet 1983, il y a donc 30 ans, le même problème existait et nous avions publié un article posant justement la question « Savez-vous bien lire les étiquettes? » et la source était l’Ordre professionnel des diététistes du Québec :

« Prenons par exemple les catégories d’aliments. Elles indiquent la qualité de certains produits, selon des normes gouvernementales établies en fonction de caractéristiques physiques (apparence, couleur…) et non pas, comme on pense trop souvent, d’après le goût ou la valeur nutritive. Il est donc généralement inutile de payer plus cher pour la qualité supérieure lorsque la qualité inférieure, moins coûteuse, est aussi savoureuse et nutritive. Sachant cela, on peut donc très bien acheter les pêches ‘Canada régulier’ au lieu des ‘Canada de fantaisie’ ou encore un poulet de catégorie ‘Utilité’ au lieu de celui de catégorie ‘A’.

Parlons maintenant de la liste des ingrédients. Ils sont inscrits sur l’étiquette par ordre décroissant d’importance; nous pouvons avoir une idée de la proportion des ingrédients qui composent un produit.

En terminant, une dernière façon de mettre toutes les chances d’épargner de son côté: éviter le gaspillage. Il faut s’assurer de la fraîcheur des produits qu’on achète; un aliment frais se conservera plus longtemps. Pour nous y aider, il y a trois types de notation :

Meilleur avant – Les produits préemballés ayant une durée de conservation inférieure à 90 jours, à l’exception des viandes, fruits et légumes frais, doivent porter sur l’étiquette l’inscription ‘Meilleur avant’ suivi de la date limite en question. Jusqu’à ce moment, le produit non entamé présente un maximum de qualité. Après cette date, il peut être consommé sans danger, mais la qualité peut être moins bonne.

Date d’emballage – Elle indique le jour de l’emballage de la denrée, par exemple des viandes ou des charcuteries emballées au supermarché. On peut donc choisir les aliments les plus frais et en prévoir approximativement la durée de conservation. Cependant cette date est parfois négligée, volontairement ou non. Exigez-la, et s’il le faut, plaignez-vous au ministère de Consommation et Corporation Canada.

Date d’expiration – Elle est beaucoup plus rare. Elle indique la date au-delà de laquelle on ne devrait pas consommer l’aliment en question. Il est donc, bien sûr, toujours déconseillé d’acheter un produit portant une date périmée. »

Vous aurez remarqué qu’il n’y a aucune référence aux étiquettes des valeurs nutritionnelles que l’on retrouve maintenant sur la plupart des contenants ou emballages. C’est qu’en 1983, elles n’avaient pas encore été rendues obligatoires… ou elles n’existaient pas.

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Le potentiel touristique… toute la région aussi

Comme l’avait souligné René Berthiaume, du temps qu’il était président de la Chambre de commerce de Hawkesbury, la ville regorgeait de potentiel touristique. Mais toute la région de Prescott-Russell offrait la même chose, comme on peut le constater dans une longue étude de 60 pages publiée par le ministère ontarien de Ressources naturelles et dont Le Carillon faisait état dans son édition du 20 juillet 1983. Je reproduis l’encadré qui accompagnait l’article principal, en me demandant quels éléments ont été concrétisés et si les autres sont toujours valables aujourd’hui et s’ils offrent toujours le même potentiel :

« Le document sur les directives d’aménagement du territoire, dans le district de Cornwall du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, comporte une vingtaine de stratégies bien déterminées pour le secteur compris dans les comtés de Prescott et Russell :

· Gérer le troupeau d’orignaux de la forêt Larose à un niveau de trente à cinquante animaux, en attendant de meilleures données sur le maximum acceptable;

· Autoriser des chasses contrôlées, de temps à autre, pour conserver une population raisonnable;

· Poursuivre les activités dans la forêt Larose conformément au Plan de gestion de la forêt Larose. Continuer de procurer les occasions éducatives et de récréation en plein air;

· Fournir des occasions récréatives et éducatives comme des sentiers, en tenant compte des programmes de déboisement, de reboisement et de protection de la faune;

· Protéger les éléments d’intérêt scientifique de l’éboulis de Lemieux et de la tourbière d’Alfred, en négociant avec les propriétaires privés;

· Contrôler les castors afin de protéger les terres;

· Préparer une stratégie d’usage récréatif pour la forêt Larose. Cette stratégie complétera le programme de production forestière et prévoira de la chasse et autres usages récréatifs;

· Entreprendre une compilation de données sur les pêcheries le long de l’Outaouais (une deuxième priorité, cependant);

· Réétudier la rentabilité d’une marina et d’un centre d’équitation dans le parc Carillon (note du blogueur : ce parc se nomme maintenant parc provincial Voyageur);

· Promouvoir davantage le parc Carillon, par des techniques de commercialisation en Ontario, au Québec et dans l’État de New York;

· Mettre en pratique les services aux visiteurs du parc Carillon, en insistant sur le ‘libre usage’ aux fins d’interprétation historique et géologique dans le parc et le voisinage;

· Reconsidérer la chasse à la faune aquatique dans les limites du parc Carillon et réévaluer les besoins du public à cet effet;

· Fournir un service d’interprétation des caractéristiques scientifiques spéciales de la carrière de Pointe-Fortune;

· Continuer à aménager des pistes pour ski de fond et motoneige dans le parc Carillon;

· Concevoir, dans le parc Carillon, une démonstration de gestion de ressources forestières pour la nouvelle technologie, la production des fibres et l’amélioration de l’habitat;

· Étudier la rentabilité de développer l’île Parker, dans la rivière Outaouais, pour usage récréatif de jour, accessible par bateau;

· Songer à confier le parc provincial Nation-Sud, à Plantagenet, à une autre agence ou à l’entreprise privée;

· Encourager les initiatives d’expansion et d’amélioration de la qualité des terrains de camping privés. Pour les cinq premières années du plan d’aménagement du territoire, la priorité sera accordée aux projets le long de la rivière Outaouais, pour ensuite concentrer sur le potentiel le long des rivières intérieures (Nation, Castor, Raisin) et les initiatives récréatives d’autres agences gouvernementales;

· Identifier les zones d’argile marine instables afin de sensibiliser le public à leur existence et s’assurer que les municipalités les prévoient dans leurs plans d’urbanisme, afin de protéger les vies humaines et les propriétés;

· Préparer un plan de gestion de la faune dans le parc Carillon;

· Protéger et rétablir, si possible, les habitats importants de poissons dans les ruisseaux intérieurs. »

L’inertie des gens était le principal obstacle

Le maire actuel de la ville de Hawkesbury, René Berthiaume, était alors président de la Chambre de commerce locale. Comme le rapporte un article dans Le Carillon du 20 juillet 1983, « Hawkesbury est naturellement favorisée pour le tourisme à cause de son environnement et de sa situation géographique. (…) Ainsi, les efforts seraient minimes afin de transformer cette ville en site touristique. D’abord, Hawkesbury est favorisée par sa proximité de deux villes particulièrement attrayantes touristiquement parlant, Montréal et Ottawa. Hawkesbury pourrait devenir un lieu de séjour pour les voyageurs intéressés à voir ces deux villes, mais désirant loger en un lieu moins densément peuplé. Ils pourraient camper sur la Grande Île et effectuer des randonnées en bateau sur la rivière Outaouais et profiter de quelconques facilités qui pourraient être éventuellement créées en tirant parti des avantages que la nature nous offre. » Il n’était pas le premier à rappeler cette réalité. Berthiaume reconnaissait par contre qu’il « subsiste des obstacles à la concrétisation du potentiel touristique de Hawkesbury. Le principal demeure l’inertie des gens. Ceux-ci hésitent à s’impliquer afin de faire fructifier le potentiel. Pourtant, l’épanouissement me semble possible si une majorité de gens s’implique. Les citoyens qui ont des idées les concrétiseraient plus facilement grâce à l’appui inconditionnel de la majorité. Ensuite, il faudrait que les gens soient prêts à accepter la vocation touristique de leur ville en étant plus avenants envers les touristes. » Il n’aurait pu être plus clair. Je soupçonne qu’il pourrait répéter son message aujourd’hui. Quand je vais à Hawkesbury pour les besoins de mon blogue, je ne vois toujours pas de signe qu’une vocation touristique s’y est développée… et pourtant la rivière est toujours là, la Grande Île est toujours là et la grande pollueuse qu’était la CIP n’y est plus depuis 30 ans!

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« Paul Desrochers, 59 ans, était résident de Hawkesbury depuis l’élection du Parti québécois en 1976. Il menait ici une existence discrète. » Mais sa mort tragique n’avait pas été aussi discrète comme on peut le lire dans le journal du 20 juillet 1983. Il y était question des funérailles « dans la plus stricte intimité de l’ancien influent conseiller des premiers ministres Jean Lesage et Robert Bourassa, qui est décédé vendredi dans un hôpital d’Ottawa des suites d’une blessure à la tête qu’il s’était infligée la veille dans sa résidence de la rue Ghislain à Hawkesbury. (…) La Sûreté municipale a démenti certaines rumeurs entourant la mort de l’homme public, l’une stipulant que deux coups de feu avaient été tirés et une autre selon laquelle il avait reçu la veille de sa mort la visite de deux individus à l’aspect inquiétant. Cette dernière rumeur peut provenir d’une association d’idées découlant de ce que M. Desrochers était un ancien président et membre du conseil d’administration de la compagnie Maislin Industries Ltd, qui vient de cesser ses opérations à cause de difficultés financières. » Et dans un paragraphe qui revêt un son de cloche différent dans le contexte de la présente Commission Charbonneau au Québec, on y lit ceci : « Pendant ses années de gloire au sein du Parti libéral du Québec, il a été un des principaux promoteurs du vaste projet hydro-électrique de La Baie James. Son influence dans l’octroi d’un monopole syndical à la centrale FTQ pour une période de 10 ans en échange d’une promesse de ne pas avoir recours à la grève pendant ce laps de temps avait toutefois soulevé la controverse lorsqu’elle avait été dévoilée dans le cadre de l’enquête de la commission Cliche sur la violence dans l’industrie de la construction. » J’avais rencontré Desrochers quelques fois à Hawkesbury; je l’avais trouvé sympathique et intéressant.

Un projet de loi pour contrôler la presse

Les quotidiens Ottawa Journal et Winnipeg Tribune avaient fermé leurs portes en 1981. « Des gens avaient crié à la collusion et Ottawa s’est senti obligé de créer une ‘commission royale’, mais le rapport du commissaire Tom Kent avait soulevé des réactions négatives des entreprises de presse ». Le ministre Jim Fleming avait déposé un projet de loi, deux ans plus tard, pour contrôler les entreprises de presse quotidienne et il avait averti les journaux communautaires « d’éviter la concentration et de respecter les droits des lecteurs ». J’avais réagi, en éditorial dans Le Carillon du 20 juillet 1983, contre ce projet de loi inutile, en rappelant comment, essentiellement, les lecteurs exerçaient déjà un contrôle sur leurs journaux. « Le public a la liberté de ne pas acheter un journal qu’il n’aime pas. Un journal qui abuserait trop souvent de ses lecteurs, pour quelque raison que ce soit, se retrouverait rapidement hors du marché. Acheter un journal c’est en quelque sorte manifester un vote de confiance. » Ce n’est pas la première fois que j’utilisais cette expression.

Aujourd’hui, la prolifération des journaux gratuits, quotidiens ou hebdomadaires, n’offre plus toujours « ce vote »; mais c’est toujours valable pour les journaux auxquels il faut s’abonner ou qu’il faut acheter à l’exemplaire. J’avais aussi opiné que « dans une société comme la nôtre, il y aura toujours une vaste gamme d’idées, souvent contradictoires, émises par les divers journalistes. Chacun a droit à ses opinions et c’est au public mécontent de faire connaître la sienne. Si un média abuse de ses pouvoirs et dissimule des faits importants, il y aura toujours un autre média à proximité pour rétablir la situation. »

Dans notre monde contemporain, la présence des médias et des réseaux sociaux joue ce rôle de manière très évidente, bien qu’ils servent aussi à transmettre de fausses informations. Pour justifier l’inutilité du projet de loi Fleming, j’avais conclu qu’il « y aurait toujours les exceptions, mais c’est au public de manifester ses exigences, d’exprimer son mécontentement, de solliciter les correctifs qui s’imposent ou de porter à l’attention de qui de droit les situations qu’il déplore. » Au Carillon, nous mettions en pratique ce principe fondamental. Nous nous enorgueillissions de publier chaque semaine de très nombreuses lettres de nos lecteurs et en retour, nos lecteurs appréciaient cette gamme d’opinions. C’était bon pour les ventes du journal aussi.

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Le Club de vol à voile de Hawkesbury (le Montreal Soaring Council) était établi à Hawkesbury depuis le début des années 50 et, si ma mémoire est fidèle, l’accident rapporté dans Le Carillon du 20 juillet 1983 a été le seul d’une telle gravité.

« D’intensives recherches se poursuivent afin de retrouver le corps de Lilian Stamboulieh, 29 ans, de Pointe-Claire dont le planeur s’est écrasé dans une lagune de la CIP au nord-ouest de Hawkesbury, dimanche vers midi, à la suite d’une collision avec un autre planeur. Le planeur de Stamboulieh a été repéré immédiatement tout comme celui de Samantha Hiscox, 18 ans, de Dollard-des-Ormeaux qui s’était abîmé dans la rivière Outaouais. Le corps de Hiscox a été retrouvé dans le poste de pilotage de l’appareil. Toutefois, le corps de Lilian Stamboulieh demeurait introuvable encore mardi après-midi malgré un ratissage minutieux des lieux. (…) Les deux pilotes détenaient des permis d’élève-pilote. » Son corps sera finalement repêché vendredi après-midi; il avait simplement remonté à la surface à côté de son aéroglisseur. Le coroner Royal Kirby avait évidemment déclenché une enquête.

Hawkesbury voulait tout faire

C’était un cadeau bien reçu dans le contexte de l’après-CIP. « L’Association d’investissements industriels de Hawkesbury a obtenu la subvention de 430 000 $ pour son projet d’édifice industriel locatif dans le parc industriel local. » La nouvelle est publiée dans l’édition du 6 juillet 1983 du journal Le Carillon. Le député fédéral Denis Ethier avait annoncé cette subvention versée « sous l’égide du Programme Canada-Ontario de développement de l’emploi ». Les autorités municipales avaient voulu mobiliser tous leurs efforts pour attirer de nouvelles sources d’emploi à Hawkesbury. « Le projet d’édifice de 20 000 pieds carrés, sur un terrain municipal au coin sud-est des rues Aberdeen et Tupper, dans le parc industriel, représente quelques 1 075 semaines/heures de travail, soit environ 40 emplois, spécialisés ou semi-spécialisés ou de journalier. » Quant au maire Lucien Berniquez, il avait ajouté « qu’il sera plus facile de continuer le développement de la rue Tupper et de la prolonger de Spence à Aberdeen et éventuellement jusqu’à la rue Principale ». Depuis plusieurs années, cette rue Tupper relie la route 17 à la rue Principale et le nouveau mégaentrepôt des pharmacies Jean Coutu y est construit.

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Plusieurs automobilistes et camionneurs savaient que traverser le pont Perley relevait parfois de l’acte de courage. « Les fracassantes déclarations du fondateur de l’Association des scaphandriers du Québec, Guillaume Tremblay, selon lesquelles certains ponts du Québec sont dans un état si déplorable qu’ils pourraient s’affaisser et que le pont Perley entre Grenville et Hawkesbury soit probablement le plus mal en point ont été vigoureusement contredites par l’ingénieur maritime en chef de la région de la capitale. » On peut lire ce texte dans le journal du 6 juillet 1983. Jos Roach avait « affirmé que le pont a subi des travaux de réparations incessants au cours de la période s’étalant de 1975 à 1981. Ces travaux consistant en la réfection de la chaussée du tablier du pont, le renforcement de la structure et en la réparation de deux poutres de soutènement usées ont coûté 1,8 million de dollars. » Tremblay avait basé ses commentaires sur la situation qui prévalait avant les travaux de réfection. Mais malgré l’assurance des ingénieurs, tous savaient qu’il faudrait un jour remplacer ce pont inquiétant. Il faudrait patienter encore longtemps.

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Albert ‘Ti-pit’ Sabourin avait 78 ans et disait « qu’un être humain n’est vieux qu’à 80 ans ». Il avait « travaillé plus de 30 ans pour la CIP et a vécu la syndicalisation ». Le journaliste Yves Rouleau raconte son histoire dans le journal du 13 juillet 1983. Il avait réagi aux opinions publiques blâmant « le syndicat d’avoir précipité la fermeture de l’usine CIP » et s’était porté à la défense de son ancien syndicat.

« J’ai entendu des gens dire que l’usine de la CIP avait mis le cadenas à la porte parce que le syndicat était devenu si puissant qu’il encourageait la paresse chez les employés. (Note du blogueur : J’avais personnellement entendu de tels commentaires.) Ce sont des affirmations gratuites de gens qui n’ont jamais mis les pieds à la CIP. Je suis à la retraite depuis quelques années déjà, mais j’ai travaillé assez longtemps à l’usine pour affirmer catégoriquement que le syndicat a été très bénéfique aux employés sans entraver les opérations de la compagnie. Grâce au syndicat, les employés ont obtenu des salaires décents, un milieu de travail plus sécuritaire, des vacances adéquates et jouissent maintenant d’un niveau de vie plus raisonnable à leur retraite. Tout cela, les employés le méritent. » Il avait quand même reconnu que « les syndicats sont toujours incapables d’assurer une quelconque sécurité d’emploi à leurs membres ».

Mulroney remplace Clark

Dans Glengarry-Prescott-Russell, les progressistes-conservateurs fédéraux avaient vécu une petite crise interne en préparation du congrès national au leadership du parti. La présidente Jean Morrison avait été forcée à démissionner parce qu’on avait refusé de la nommer déléguée étant donné qu’elle appuyait ouvertement la candidature de Joe Clark, ce qui allait à l’encontre de l’opinion de la majorité des autres délégués potentiels. À la dernière élection fédérale, le candidat conservateur Gordon Johnson s’était fait souvent dire qu’un vote pour lui signifiait un vote pour Joe Clark et qu’il n’en était pas question. Quoi qu’il en soit, au congrès de leadership, Joe Clark est remplacé par Brian Mulroney. Et comme je l’écrivais dans Le Carillon du 15 juin 1983, « dans Glengarry-Prescott-Russell, comme ailleurs au pays, les yeux sont maintenant rivés sur ces deux leaders ». Mulroney délogera bien sûr John Turner (qui avait alors succédé à Pierre Elliott Trudeau) aux élections fédérales suivantes.

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Le journal du 15 juin 1983 nous présente le nouveau président de la Chambre de commerce de Hawkesbury, René Berthiaume. Son premier tremplin qui le mènera éventuellement à la mairie de Hawkesbury, poste qu’il occupe depuis la dernière élection municipale.

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J’en avais parlé dans un billet précédent. Lors du fusionnement de l’ancienne Clinique Smith avec l’Hôpital général de Hawkesbury on avait déploré un certain désintéressement de la population francophone et une crainte de prise de contrôle de l’Hôpital général de Hawkesbury par des éléments anglophones. Lors de l’élection pour choisir quatre membres du conseil d’administration, « ils étaient 1127 sur 1442 membres à se rendre voter, soit 78 p. cent ». L’abbé Roger Bouchard, le curé de la paroisse St-Alphonse de Hawkesbury, avait récolté le plus grand nombre de votes, suivi de Laura Jane Allen, Clément Tarzi et Yvon Laliberté. À l’époque, les autres membres du conseil d’administration, dont les mandats continuaient, étaient Michel Thivierge et Lynn St-Denis, représentant le Conseil des comtés unis; Jack McArton, Gabrielle Miner, Monique Thérien, Louise Myner, Armande Berthiaume, Jean-Roch Vachon, Jean-Marc Lalonde, Charlemagne Larivière, Royal Comtois, Raymond Lacroix et Laurent Cayen. Le Dr Lowesha Kapijimpanga y représente le corps médical. »

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C’était l’époque des vieux prêtres toujours actifs en pastorale dans leurs paroisses. Dans le journal du 22 juin 1983, il est question des 45 ans de prêtrise du curé Gérald Labrosse de St-Eugène et du 72e anniversaire de naissance du curé Léo Sabourin, de Lefaivre. Dans son cas, il s’apprêtait à souligner ses 48 années de sacerdoce.

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Un comité de onze personnes a soumis une demande « en vue d’implanter une clinique juridique populaire française pour desservir la population démunie de Prescott-Russell ». Selon le journal du 29 juin 1983, « la clinique juridique populaire de Prescott-Russell, si la demande est acceptée, se veut francophone pour desservir la population majoritairement francophone des comtés unis. Cependant, elle pourra desservir les clients anglophones qui voudront s’y présenter. La clinique populaire a pour but d’aider gratuitement les personnes à faible revenu qui ont besoin d’une assistance juridique. L’information et l’éducation de la population en regard de ses droits constituent le deuxième volet d’une clinique populaire. » Je crois me souvenir que cette clinique avait été fondée, mais je ne pourrais vous confirmer qu’elle existe encore aujourd’hui dans cette forme.

Boudria et son prix citron

Il fallait bien Don Boudria, alors député provincial de Prescott-Russell, pour imaginer un pareil stratagème. Ainsi, dans Le Carillon du 8 juin 1983, on lit ceci: « Encouragé par plusieurs Franco-Ontariens, le député (…) Don Boudria s’apprête à décerner son premier prix ‘citron’. C’est le ministre du cabinet responsable de l’agence gouvernementale jugée la moins enthousiaste à améliorer les services aux francophones de la province qui recevra le prix, une grenouille en céramique de dimensions imposantes, œuvre du potier de Fournier, Jean-Pierre Cloutier. » Mais comme s’empressait de le préciser Boudria, « il faut éliminer d’emblée la candidature du premier ministre Davis, car ce dernier risquerait de gagner le trophée à perpétuité ».

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L’événement était assurément historique. Il s’agissait de la remise des diplômes aux premiers finissants du Collège de technologie agricole et alimentaire d’Alfred. « Des 53 élèves inscrits en septembre 1981, 37 ont réussi un cours dans l’une ou l’autre des spécialités du premier collège francophone en Ontario. » Plus de 500 personnes avaient assisté à cette première selon le reportage de Monique Castonguay dans le journal du 8 juin 1983. Le collège avait ouvert ses portes en 1981.

Et d’où venaient-ils ces premiers diplômés? De partout dans la francophonie canadienne : Vanier, Verner, Chute-à-Blondeau, Hammond, Lefaivre, Nepean, St-Pascal-Baylon, Curran, St-Isidore-de-Prescott, Fournier, Chelmsford, Orléans, Cumberland, St-Albert, Casselman, Sturgeon Falls, Ottawa, Alexandria, Hawkesbury, Elliott Lake, New Liskeard, Crystal Falls et, bien sûr, Alfred; ça, c’était les étudiants de l’Ontario. Il y en avait aussi du Québec: Hull, Aylmer, Montmagny, Gatineau, Luskville, Petit Saguenay Chicoutimi. Il y avait manifestement une demande.

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Robert J.C. Pilon, de Kapuskasing, est embauché pour remplacer Fernand Lortie comme directeur général du Conseil d’éducation de Prescott-Russell. On parle de lui dans le journal du 15 juin 1983. Pilon a 43 ans.

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On dirait une citation récente. « Il n’y a pas de crise. Ce qui survient, c’est que les gouvernements et les grands employeurs en ont créé une afin d’affaiblir les syndicats. » Mais la citation est reproduite dans le journal du 15 juin 1983 et elle provient de Jean-Claude Parrot, le président du Syndicat national des postiers (qui n’a pas encore été regroupé avec les facteurs) et vice-président du Congrès du travail du Canada, qui était conférencier « à l’occasion du colloque des Franco-Ontariens face à la crise pour la région d’Ottawa, parrainé par l’Association canadienne-française d’Ottawa-Carleton ». Le colloque avait eu lieu au Centre Christ-Roi de Hawkesbury. Parrot, évidemment, n’était pas de ceux à mâcher leurs mots. « La stratégie des employeurs et des gouvernements avaient remporté les succès escomptés puisque la plupart des syndicats avaient considérablement assoupli leurs revendications, il en résulte, selon M. Parrot, plus de profits et un arrêt, parfois même à une détérioration, du cheminement des travailleurs vers de meilleures conditions de travail. » Une soixantaine de participants étaient dans la salle. J’aurai l’occasion d’observer Parrot de près lorsque je serai à Postes Canada quatre ans plus tard.

La marque d’un petit gars de Curran

Son nom ne vous dira sans doute rien, ou très peu. Dans Le Carillon du 25 mai 1983, nous avions reproduit un article du magazine québécois Justice consacré « au vérificateur général du Québec depuis août 1981 ». L’article était assez long et nous avions aussi reproduit l’encadré qui expliquait qui était ce Rhéal Châtelain.

« Franco-Ontarien d’origine, Rhéal Châtelain a passé presque toute sa vie dans la Fonction publique, tant fédérale que provinciale. Né à Curran en 1930, il obtient un baccalauréat ès arts et un baccalauréat en philosophie en 1951. Mais c’est aux affaires qu’il songe. En 1955, il obtient son diplôme de comptable agréé (C.A.) et entre à l’emploi du gouvernement fédéral. En 1973, il devient sous-ministre à la Fonction publique. Entre 1974 et 1981, il seconde le vérificateur général du Canada. (…)

Dans son entourage, on le décrit comme un bon meneur d’hommes, capable de motiver ses collaborateurs. Il est, souligne-t-on, très humain tout en étant d’une grande efficacité. Mais il ne s’en laisse pas imposer; c’est lui qui mène la barque. Plus qu’un frêle esquif: 170 employés, un budget de 6,4 millions par année. » Lui aussi avait étudié au petit séminaire d’Ottawa avant de s’inscrire à l’Université d’Ottawa.

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« Le seul objecteur au changement de zonage au Centre d’achats Rozon s’est ravisé. Ainsi, la compagnie de couture (St-Lawrence Textiles) pourra aller de l’avant avec son projet d’implantation dans le centre d’achats sis dans le quadrilatère formé par les rues Thériault, Cécile, Laurier et Aberdeen à Hawkesbury. (…) Ses opérations créeront 150 emplois à Hawkesbury. » La St-Lawrence Textiles exploitait déjà une manufacture dans l’ouest de la ville, en face de l’ancienne CIP. En fait, les anciens bâtiments sont encore là bien que la St-Lawrence ait quitté Hawkesbury depuis de nombreuses années.

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Le projet de construction du nouvel Hôpital général de Hawkesbury et la région était basé sur une collecte de fonds de l’ordre de six millions auprès de la population. Comme le déclarait le directeur général de la campagne de souscription à l’époque, « c’est rêver en couleur ». Le comité de souscription avait quand même réussi à accumuler 1,9 million $ en dons et en promesses de dons quand le bureau des gouverneurs de l’HGH avait demandé au directeur de démissionner. André Tessier « avait remis sa démission pour cause de santé, mais il a confirmé que le directeur la lui avait demandée, ayant décidé de former un comité de bénévoles pour s’occuper de la souscription ». M. Tessier avait quand même tenu à ajouter « que les prochaines activités pour la souscription seraient le festival folklorique en juin, ainsi que le tournoi annuel en juillet. Il a ajouté que la déduction à la source venait de commencer auprès des employés de l’usine de St-Lawrence Textiles. » Il tenait encore à cœur cette souscription et n’avait « pas écarté la possibilité de travailler à titre de bénévole pour la campagne de souscription à l’occasion ». Quant au bureau des gouverneurs, il souhaitait « une implication plus grande de la population locale ». Je ne m’inquiétais pas pour André Tessier.

Les femmes battues auraient leur maison

Jusque-là, elles étaient plutôt laissées à elles-mêmes, à subir leur sort. Mais comme on peut le lire dans Le Carillon du 11 mai 1983, une « maison d’hébergement pour femmes battues » ouvrira ses portes sur la rue Principale, à la fin de juin dans une maison voisine du pavillon Smith de l’Hôpital général de Hawkesbury. « Le logis, au deuxième plancher, compte quatre chambres à coucher pour accueillir deux lits chacune, une salle de jeu, une grande cuisine, un bureau, ainsi qu’un salon spacieux. Le nom choisi: Maison Interlude House, pour refléter le bilinguisme du service comme de sa clientèle. » Je pense que cette Maison Interlude a éventuellement déménagé ailleurs dans Hawkesbury et j’ose espérer qu’elle existe encore ou du moins sous un autre nom.

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Une pleine page de publicité dans le journal du 18 mai 1983 publiée par le ministère ontarien des Transports et Communications. « Faites le plein de passagers », titre l’annonce. « Covoiturage. Covoiturage par fourgonnette. Transport en commun. L’énergie qu’ils économisent aujourd’hui, nous pourrons tous l’utiliser demain. »

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Le Conseil des comtés unis de Prescott-Russell est lui aussi soucieux de faire progresser son territoire. Dans le journal du 25 mai 1983, nous apprenons que l’ingénieur-conseil et homme d’affaires de Hawkesbury, Ghislain Séguin, devient le « premier agent de développement économique des comtés unis ». Il avait été embauché pour une période de deux ans.

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Une nouvelle pour les nostalgiques dans le journal du 25 mai 1983. « Le seul concessionnaire d’essence à ne pas avoir suivi le mouvement de hausse des prix, le Saveway Gas Bar à l’angle des rues Principale-Est et Hamilton à Hawkesbury a subi un achalandage incroyable, vendredi soir et samedi durant la journée. Tandis que tous les concessionnaires de Hawkesbury fixaient leurs prix aux environ de 0,42,5 $ le litre pour l’essence régulière et à 0,46,3 $ pour l’essence sans plomb, le Saveway a réduit les siens à 0,34,4 $ et 0,36,9 $ respectivement. » Vous avez bien lu, ce sont les prix du litre de l’essence il y a 30 ans. Saveway avait augmenté ses prix aux prix des autres le dimanche, mais les autres avaient encore « augmenté leurs prix aux environ de 0,45,6 $ pour l’essence régulière et 0,48,2 $ pour l’essence sans plomb ». C’était l’époque où il y avait encore de l’essence « régulière » au plomb.

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Stephen Harper n’a absolument rien inventé quant à vouloir réformer le Sénat canadien. Le « Comité spécial mixte sur la réforme du Sénat » publie une annonce dans le journal du 25 mai 1983 pour informer les Canadiens sur la tenue d’audiences publiques « pour étudier les moyens de réformer le Sénat de façon qu’il devienne plus représentatif de toutes les régions du pays et serve à renforcer le pouvoir qu’a le Parlement de parler et d’agir au nom de tous les Canadiens. (…) Dans son rapport final, le Comité formulera des recommandations sur le mode de sélection des sénateurs, la durée de leur mandat, les pouvoirs du Sénat, la répartition des sièges et autres sujets qui, à son avis, se rapportent à la réforme du Sénat ». Le comité était coprésidé par le sénateur Gildas Molgat et le député Roy MacLaren. Harper devra se préparer à attendre encore longtemps. À moins que…

Bang! Bang! Pour grands enfants

« Que les nostalgiques qui croient que tous les jeux d’adultes sont bien monotones à comparer aux trépidants jeux de cowboys de leur enfance se ravisent. Terre-Aventure, une association d’Ottawa organise depuis deux semaines sur un terrain de Grenville des batailles armées simulées dignes des meilleurs films de guerre. » Le journaliste Yves Rouleau raconte cette histoire dans Le Carillon du 27 avril 1983. « La clé du jeu est d’aller descendre le drapeau du groupe adverse avant que celui-ci ait pu le faire. Les deux ‘armées’ comptent ordinairement 10 soldats chacune. Tous les participants sont armés de fusils à capsules de peinture et évoluent sur un terrain délimité. Le jeu est tout nouveau dans la région. Cependant, il est déjà très populaire aux États-Unis, sous le nom de National Survival Game. » Aujourd’hui, de tels jeux de guerre sont offerts un peu partout, dont dans la région d’Embrun-Limoges entre autres, et il existe une version « laser » encore plus populaire parce que moins exigeante.

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Un entrefilet dans ma chronique du 27 avril 1983. « Le solliciteur général George Taylor a répété encore une fois que son ministère n’a pas l’intention de faire modifier la loi régissant les jours de fermeture des magasins et qu’il n’était pas question de permettre le commerce les dimanches. Au contraire, le gouvernement a encouragé les services judiciaires à montrer encore plus de sévérité à l’endroit des contrevenants. Cette décision est appuyée par plusieurs commerces, syndicats et groupes religieux. » Bien sûr, la loi serait un jour modifiée… les consommateurs et plusieurs commerçants ayant eu le dernier mot.

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Le Centre culturel Le Chenail avait cru bon d’organiser un « Festival du mi-printemps » pour les francophones de Hawkesbury et toute la région. Ce grand spectacle réunirait « Paul Piché, Gaston Mandeville, Jim Corcoran, La Bottine souriante et Roxane Potvin » au complexe sportif de 17 h à minuit le 7 mai 1983. Cette date était connue depuis longtemps. Mais comme je le soulignais dans le journal du 27 avril 1983, l’ACFO régionale « décide de tenir son assemblée générale annuelle le même jour, mais à Saint-Isidore-de-Prescott. On aurait voulu intentionnellement diviser les francophones du coin, on n’aurait pu faire mieux. » C’aurait aussi été l’occasion de faire connaître un peu plus l’ACFO auprès du jeune auditoire qu’attirerait le Festival du mi-printemps. Et comme je le faisais remarquer en éditorial, « s’il n’y a pas d’étude démontrant que les francophones souffrent de masochisme, il en faut une. » Mon commentaire avait évidemment suscité une très vive réaction de la part de l’ACFO et quelques lettres.

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Cette chaîne était encore à ses premiers pas pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Le journal du 4 mai 1983 annonce que « la chaîne de magasins Giant Tiger ouvrirait prochainement un magasin dans l’ancien local du magasin Farmer’s, rue Principale à Hawkesbury. De plus, l’ancien gérant du magasin LaSalle de Hawkesbury, M. Don Hoffman, aurait été approché pour la gérance de cette nouvelle succursale, rattachée maintenant au centre commercial Hawkesbury Centre. » Ce Giant Tiger est encore situé au Hawkesbury Centre, mais dans l’ancien local du Loblaws.