Il fallait bien Don Boudria, alors député provincial de Prescott-Russell, pour imaginer un pareil stratagème. Ainsi, dans Le Carillon du 8 juin 1983, on lit ceci: « Encouragé par plusieurs Franco-Ontariens, le député (…) Don Boudria s’apprête à décerner son premier prix ‘citron’. C’est le ministre du cabinet responsable de l’agence gouvernementale jugée la moins enthousiaste à améliorer les services aux francophones de la province qui recevra le prix, une grenouille en céramique de dimensions imposantes, œuvre du potier de Fournier, Jean-Pierre Cloutier. » Mais comme s’empressait de le préciser Boudria, « il faut éliminer d’emblée la candidature du premier ministre Davis, car ce dernier risquerait de gagner le trophée à perpétuité ».
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L’événement était assurément historique. Il s’agissait de la remise des diplômes aux premiers finissants du Collège de technologie agricole et alimentaire d’Alfred. « Des 53 élèves inscrits en septembre 1981, 37 ont réussi un cours dans l’une ou l’autre des spécialités du premier collège francophone en Ontario. » Plus de 500 personnes avaient assisté à cette première selon le reportage de Monique Castonguay dans le journal du 8 juin 1983. Le collège avait ouvert ses portes en 1981.
Et d’où venaient-ils ces premiers diplômés? De partout dans la francophonie canadienne : Vanier, Verner, Chute-à-Blondeau, Hammond, Lefaivre, Nepean, St-Pascal-Baylon, Curran, St-Isidore-de-Prescott, Fournier, Chelmsford, Orléans, Cumberland, St-Albert, Casselman, Sturgeon Falls, Ottawa, Alexandria, Hawkesbury, Elliott Lake, New Liskeard, Crystal Falls et, bien sûr, Alfred; ça, c’était les étudiants de l’Ontario. Il y en avait aussi du Québec: Hull, Aylmer, Montmagny, Gatineau, Luskville, Petit Saguenay Chicoutimi. Il y avait manifestement une demande.
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Robert J.C. Pilon, de Kapuskasing, est embauché pour remplacer Fernand Lortie comme directeur général du Conseil d’éducation de Prescott-Russell. On parle de lui dans le journal du 15 juin 1983. Pilon a 43 ans.
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On dirait une citation récente. « Il n’y a pas de crise. Ce qui survient, c’est que les gouvernements et les grands employeurs en ont créé une afin d’affaiblir les syndicats. » Mais la citation est reproduite dans le journal du 15 juin 1983 et elle provient de Jean-Claude Parrot, le président du Syndicat national des postiers (qui n’a pas encore été regroupé avec les facteurs) et vice-président du Congrès du travail du Canada, qui était conférencier « à l’occasion du colloque des Franco-Ontariens face à la crise pour la région d’Ottawa, parrainé par l’Association canadienne-française d’Ottawa-Carleton ». Le colloque avait eu lieu au Centre Christ-Roi de Hawkesbury. Parrot, évidemment, n’était pas de ceux à mâcher leurs mots. « La stratégie des employeurs et des gouvernements avaient remporté les succès escomptés puisque la plupart des syndicats avaient considérablement assoupli leurs revendications, il en résulte, selon M. Parrot, plus de profits et un arrêt, parfois même à une détérioration, du cheminement des travailleurs vers de meilleures conditions de travail. » Une soixantaine de participants étaient dans la salle. J’aurai l’occasion d’observer Parrot de près lorsque je serai à Postes Canada quatre ans plus tard.