Je m’en souviens. C’était un jeudi matin. Le directeur du détachement de la Sûreté du Québec à Lachute, André Houle, (que j’avais croisé à quelques soirées bavaroises des policiers de Lachute) me téléphone et m’invite à participer ce soir-là même à une descente majeure dans des hôtels de Grenville, Carillon et St-André-Est en vue d’un reportage sur « leurs exploits » bien sûr. J’accepte volontiers et je me rends au quartier général du détachement, près de Lachute. J’y rencontre « une quarantaine de policiers du détachement de Lachute de la SQ, de l’Unité d’urgence de Montréal (22) et de l’escouade des alcools de St-Jérôme, répartis dans quelque 25 véhicules » qui se préparaient à leurs descentes. Je me souviens du commentaire d’un policier de l’Unité d’urgence : « Tu peux prendre des photos, mais si tu prends une photo de l’un de nous, nous devrons détruire ta caméra. » Et ce n’était pas une farce! Je n’avais aucune intention de m’obstiner avec des individus deux fois ma grosseur et beaucoup plus grands que mes cinq pieds quelques pouces.
On retrouve mon reportage dans Le Carillon du 19 octobre 1977, à la une évidemment. Les descentes avaient eu lieu aux hôtels Century Inn, Manoir et Interprovincial de Grenville, l’hôtel Carillon et l’hôtel St-André dans les villages du même nom. « Les résultats sont effarants. Les policiers ont procédé à la vérification de 530 personnes ces trois soirs et ont trouvé parmi ce groupe pas moins de 103 individus avec des dossiers criminels pour vols, fraudes, affaires de drogues et délits sexuels, en plus d’autres crimes violents. Au départ, les policiers avaient estimé qu’environ 46 criminels connus avaient adopté les hôtels du secteur de Grenville comme lieux de rendez-vous. » Et heureusement ce n’était pas moi, mais un représentant d’un autre journal. « Une accusation de voies de fait simples contre John Laframboise, de l’hôtel Manoir, pour assaut contre le photographe Robert Tessier du journal Argenteuil de Lachute. »
Mais c’était comme ça à cette époque. Les hôtels faisaient grimper la population de ces villages les vendredis et samedis avec tout ce que cela sous-entend en termes de crimes. Depuis le 20 avril, il y en avait eu pas moins de 82. « Un document compilé par la Sûreté du Québec donne une liste des crimes commis à Grenville depuis le 20 avril : vols avec effraction à profusion, délits de fuite, trafic de drogues, vols dans des chalets, automobilistes aux facultés affaiblies, vol d’arme, possession de drogues, fugues, fraudes, trafic de stupéfiants, voies de fait, vols dans des résidences, vols de bicyclettes, troubles de famille, suicide, vol qualifié, coups de feu, disparition, vols dans les écoles, résidence illégale, personne blessée, incendie criminel, plaques factices, véhicule abandonné, action indécente, automobile en feu, auto volée, vol dans l’église, lésions corporelles, vols dans des véhicules automobiles et ainsi de suite. » Pauvre Grenville!
Dans le journal du 26 octobre, un encadré rapporte que la Sûreté de Québec n’a déploré aucun crime depuis leur série de descentes à Grenville.
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Les interventions épistolaires d’un animateur communautaire du Collège Algonquin à Hawkesbury apparaissent quasiment chaque semaine dans les pages du journal Le Carillon. Le nom de Richard Hudon ne laissait personne indifférent. Je revois encore Richard de temps à autre dans le centre-ville d’Ottawa. Il n’a jamais perdu de sa verve, ni de sa conviction sociale.
Pour ce qui est de Richard Hudon, je dactylographiais ses textes, lorsqu’il était animateur communautaire au Collège Algonquin. Il avait un langage très coloré, c’est le moins qu’on puisse dire. J’étais agent d’administration au collège à ce moment-là. Il écrivait gros et vite. Il en avait long à dire. Soit on l’aimait, soit on le détestait. Moi, je l’aimais « l’indien », avec son bandeau rouge, sa jambe artificielle et son coude amoché. La première fois que j’ai conduis une voiture manuelle, c’était la sienne. Un « station » jaune. Nous revenions d’une conférence à Ottawa et il m’a offert de conduire sa voiture. Je garde de très bons souvenirs de Richard, avec qui j’ai beaucoup appris.