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Une nouvelle structure au journal

La création d’actions pour les employés de La Société de gestion André Paquette & associés avait permis à son propriétaire et actionnaire très majoritaire, André Paquette, de créer de nouvelles structures administratives. Comme il l’annonce dans une pleine page de publicité dans Le Carillon du 28 avril 1982, l’entreprise donne naissance à quelques filiales : La Compagnie d’Édition André Paquette (qui publie alors seulement deux journaux, Le Carillon et Le Journal de Cornwall), Co-Web inc., essentiellement le secteur de l’imprimerie des journaux; l’Imprimerie Prescott-Russell devient l’imprimerie commerciale. Il répartit le pouvoir entre les mains de Fernand Gauthier, comme président et directeur général de Co-Web et l’Imprimerie Prescott-Russell, et de Michel Paquette, son fils, comme président et directeur général de la Compagnie d’Édition André Paquette. Je deviens vice-président de cette dernière entreprise et je suis nommé au bureau de direction de La Société de gestion. C’est à ce moment-là que je commence ma recherche pour un autre emploi; j’avais compris que mon avenir n’était plus dans cette entreprise. Il me faudra patienter cinq années avant d’accepter quelque chose qui en valait la peine, parce qu’après tout, j’aimais énormément mon travail et je voulais mieux.

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J’avais fait référence aux problèmes juridiques auxquels avait dû faire face l’ancien député provincial conservateur Albert Bélanger. « M. Albert Bélanger, de Sarsfield, député durant plus de 10 ans de la circonscription de Prescott-Russell, a été exonéré de la condamnation de fraude qui pesait contre lui depuis plus d’un an. » Le journal du 28 avril 1982 explique que « l’accusation d’avoir soumis une fausse réclamation relativement à la faillite d’ABC Ciment de Curran avait été déposée contre lui et sa femme Angéline le 5 septembre 1979, et il avait été condamné à l’amende de 750 $ en avril 1981. Une première requête en appel avait été refusée en janvier 1982, et c’est vendredi que la Cour suprême a renversé la décision. » Bélanger pouvait regagner sa réputation.

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Je me souviens bien de lui. Il était arrivé à L’Orignal en 1980 et il n’avait que 35 ans quand le journal a annoncé son décès dans l’édition du 5 mai 1992. « Amputé des deux jambes à la suite d’un accident, M. Roger Bigras menait une double carrière d’homme d’affaires et d’athlète depuis son arrivée à L’Orignal. Propriétaire de la salle d’amusements Bigras, il était surtout connu pour son dévouement inlassable auprès des différents groupes de handicapés physiques de Prescott-Russell, qui trouvaient en lui appui et réconfort. Athlète émérite, il s’est également signalé depuis deux ans lors des Jeux olympiques pour handicapés physiques, notamment à Cornwall et Belleville où il a récolté de nombreuses médailles. Plus récemment, il se faisait le porte-parole de l’Association de parents d’enfants handicapés physiques de Prescott-Russell, lors d’une série de conférences qu’il a prononcées dans la plupart des écoles primaires de la région. » Un exemple de détermination.

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« Le futur comme un rêve ou un cauchemar? »

À la mi-mars de 1982, la « mère » d’Internet n’avait pas encore « accouché » de son rejeton. Il faudrait attendre encore 10 mois, mais le grand public n’en profiterait vraiment qu’une dizaine d’années plus tard, lors de l’avènement du World Wide Web; ces fameux www devant ces adresses modernes qui pullulent le cybermonde. Mais l’adoption par M. et Mme Tout-le-Monde prendrait encore un peu de temps. Trente ans plus tard, les « prédictions » du jeune Jean-Yves D’Amour n’ont pas l’air exagérées. Le jeune D’Amour avait remporté le concours oratoire du Club Richelieu de Hawkesbury et Le Carillon avait jugé bon de reproduire son discours victorieux dans son édition du 10 mars 1982. En le lisant, tenez compte du contexte de l’époque… où rien ne laissait prévoir ce que nous connaissons aujourd’hui. Apple n’avait même pas encore lancé son Macintosh. Vous apprécierez…

« Rarement a-t-on été menacé par une révolution aussi subtile que celle qui éclatera sous peu et qui promet de bouleverser complètement notre monde. Des envahisseurs n’ayant ni cœur ni sentiment chambarderont nos vies, s’empareront de nos salons. Et pourtant, celle nouvelle révolution technologique déclenchée par l’ordinateur évolue à un rythme si vertigineux qu’il nous est impossible d’affirmer avec certitude si nous devons entrevoir le futur comme un rêve ou un cauchemar.

Imaginons, pour un instant, qu’une simple pression sur quelques touches d’un clavier nous indiquera comment réparer le carburateur de notre voiture ou établira notre rapport d’impôts avec toutes les exemptions possibles. Imaginons qu’à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, un écran cathodique nous expliquera comment remédier aux sautes d’humeur de notre conjoint, comment tricher pour gagner notre partie de cartes, comment soulager le mal de tête provoqué par une bonne cuite! Imaginons que selon notre volonté, le téléviseur se transformera en une étude d’avocat, une agence de voyages, une encyclopédie.

Oui, demain, tous nos foyers seront munis de micro-ordinateurs, ce qui aura pour effet de transformer sensiblement notre manière de vivre. Mais, comment au juste, me demanderez-vous, le micro-ordinateur changera-t-il notre vie! Si la question avait été posée à Alexander Graham Bell le jour où il inventa le téléphone, aurait-il pu prévoir tous les bouleversements économiques, sociaux et culturels qu’inaugurait son invention! Aujourd’hui, la technologie nous offre un réseau d’informations de toute première qualité et constamment disponibles. Alors, sommes-nous prêts à relever de nouveaux défis!

Afin que la machine ne nous détraque pas, il faudra revaloriser ce qui rend un être humain supérieur à tout ce qui peut exister, notamment le sens du beau, du juste, du bon; toutes ces valeurs qu’on a jadis sacrifiées au nom de la science. Charles Siberman écrit avec raison : « C’est nous-mêmes qui devons donner un sens aux choses… » N’avons-nous pas pour le faire, une capacité de création, la souplesse d’une intelligence, la finesse de notre sensibilité. Conçu sans ces attributs, l’ordinateur restera toujours étranger au monde de l’humain.

Toutefois, devant l’ère nouvelle qu’engendrera l’implantation du micro-ordinateur, certains avec raisons, s’interrogent et même s’inquiètent. Ces techniques viseront-elles vraiment le bien-être de l’homme? Ou plutôt, seront-elles un puissant outil qui maintiendra un peuple dans l’opération des machines avec toute la routine que cela implique? D’ici se précise l’image possible de l’homme assujetti au dieu-ordinateur; ce dernier ayant finalement appris à dominer son propre créateur.

Néanmoins, plusieurs grands philosophes restent optimistes. Entre autres, Alvin Toffler, dans son livre « La troisième vague », prédit que ces nouveaux développements permettront une plus grande tolérance entre citoyens, que les gens seront plus actifs devant le petit écran puisqu’ils devront planifier leurs propres programmes. Pour ce faire, ils devront discuter, confronter, évaluer leur cheminement.

En outre, le micro-ordinateur sera l’outil par excellence que saura débarrasser la mémoire de toutes ces formules, ces règles, ces lois; exercices routiniers, répétitifs et désormais inutiles dans les matières telles les mathématiques, la physique, la chimie. Attention, il ne s’agit pas de supprimer ces disciplines, mais tout simplement de confier à l’appareil tout ce qui peut sans dommage lui être laissé. Effet libérateur qui permettra à l’homme de se consacrer davantage aux exigences de notre société. Cependant, saura-t-il éviter le nouveau piège qui lui sera tendu; celui de s’isoler derrière cet immuable paravent électronique!

Quoi qu’il en soit, si pour certains le monde de l’informatique annonce l’enfer, il ne faut toutefois pas oublier que le paradis, ce sont les hommes qui le feront et non les machines. En fait, ni le rêve ni le cauchemar ne se réaliseront; comme toujours la réalité ne manquera d’être plus séduisante que toutes les aspirations. »

Je pense que Jean-Yves D’Amour est devenu éventuellement un enseignant dans la région de Prescott-Russell et qu’il a contribué à des publications du Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques.

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D’où viennent les Franco-Ontariens? (Deuxième partie)

Jusqu’en 1850, tant du côté québécois qu’ontarien de l’Outaouais, la population des établissements permanents est essentiellement originaire des îles britanniques. Cependant, depuis le début du siècle, une main-d’œuvre canadienne-française, mobile, saisonnière et jeune monte dans les chantiers à l’automne pour redescendre au printemps ou vient faire de la drave. Peu à peu, surtout après la création du diocèse d’Ottawa en 1847, les Canadiens français s’établissent dans l’Est ontarien. Lorsque les comtés de Glengarry, Stormont, Prescott et Russell atteignent leur population rurale maximale au tournant du siècle, ces mouvements migratoires ont suffi à en changer le caractère sociolinguistique : les Canadiens français y sont devenus le plus nombreux groupe ethnique.

En passant du « village subarctique de bûcherons » à la « cabine de pilotage politique », Ottawa attire un nombre considérable de Canadiens-français. Formant un peu plus du quart des 21 541 habitants d’Ottawa en 1871, la population d’origine française garde, à peu de choses près, cette même proportion parmi les 453 280 habitants de l’Ottawa métropolitain en 1971. Au début du siècle, Ottawa commence à s’affirmer, aux yeux des Franco-Ontariens, comme une « métropole ». Dotée d’un réseau d’institutions patriotiques et encadrée par le clergé et les communautés religieuses, sa population francophone peut aussi s’appuyer sur son université bilingue et ses maisons d’enseignement privées. Elle peut en outre compter sur une population francophone sensible à la sauvegarde de ses droits.

En longeant l’Outaouais, puis traversant l’Ontario d’est en ouest, de Mattawa à Thunder Bay, en passant par North Bay, Sudbury et Sault Ste Marie, le chemin de fer du Canadien Pacifique ouvre l’accès au Nord ontarien durant les deux dernières décennies du XIXe siècle. Le gouvernement ontarien soude le nord à Toronto par le Timiskaming and Northern Ontario Railway, qui atteint Cochrane en 1910. Cette même époque voit la construction d’une autre voie ferroviaire, le National Transcontinental, qui relie Lévis à Winnipeg, en ligne droite.

Le Nouvel Ontario révèle des richesses insoupçonnées. La plaine de Nipissing, le bassin de Sudbury ainsi que les Clay Belts (Haileybury-Hearst) offrent déjà de bonnes perspectives au développement agricole. Mais les découvertes minières, nickel et cuivre à Sudbury, argent à Cobalt et or à Timmins, Kirkland Lake, s’avèrent de puissants facteurs de développement économique. Les grandes forêts riches en conifères se révèlent vite importantes pour la production de pulpe de papier et de vois de sciage, notamment à Sturgeon Falls, Iroquois Falls et Kapuskasing.

Canadiens français du milieu rural québécois comme de l’Est ontarien vont s’établir en grand nombre dans le Nouvel Ontario, travaillant d’abord à la colonisation agricole avant de s’adonner plus exclusivement au travail en forêt, et, plus tard, de s’embaucher dans les mines. En 1976, près de 20 % de la population du nord de l’Ontario est de langue française. Massée le long de l’axe North Bay-Hearst d’autre part, la population de langue maternelle française y représente 34 % de la population, soit 142 080 sur 417 330 dans les comtés de Cochrane, Témiscamingue Nipissing et Sudbury.

Dans l’enclave sud de la province, du Golden Horseshoe à Windsor, des Canadiens français sont attirés depuis le tournant du siècle par les « mirages » de la civilisation industrielle. Travaux publics et chantiers de construction à Toronto, industrie automobile à Windsor, industrie pétrochimique à Sarnia, industries textiles et métallurgiques à Welland, ou encore usines de guerre durant les deux conflits mondiaux, offrent de nombreux emplois qui viennent prendre des Franco-Ontariens au profit des régions du nord et de l’est de la province, des Québécois et des Acadiens.

L’Ontario est aussi une terre d’adoption pour un certain nombre d’immigrants de langue maternelle française. Son développement économique accéléré depuis la Deuxième Guerre attire des immigrants francophones de l’Europe, de l’Afrique du Nord et l’Asie du Sud-Est. Ainsi, en recensement de 1971, il y avait 15 740 Ontariens de langue maternelle française nés à l’extérieur du Canada.

Le recensement de 1971 révèle également qu’en Ontario il y a, en plus de 93 000 unilingues français, 716 000 bilingues (anglais et français), pour un total de 809 000 Ontariens qui ont une connaissance du français, c’est-à-dire 10,5 % de la population totale.

En 1978, dans les écoles élémentaires et secondaires anglophones de l’Ontario, environ 883 000 élèves étudient le français.

Voilà pour un brin d’histoire!

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D’où viennent les Franco-Ontariens? (Première partie)

Depuis 2010, l’Ontario reconnaît officiellement le 25 septembre de chaque année comme le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. C’est une reconnaissance qui a mis du temps à accoucher et qui est venue 25 ans après l’adoption de la Loi sur les services en français en Ontario, en 1986. J’ai retrouvé récemment dans Le Carillon du 1er août 1979 un long texte intéressant sur les origines des Franco-Ontariens et qui provenait d’un rapport publié par le Conseil des affaires franco-ontariennes. Cet organisme a été dissout en 1987, l’année suivant l’adoption de la loi, et remplacé par la Commission des services en français de l’Ontario. C’était la même année que l’entrée en ondes de la chaîne française de TVOntario. Puisque je n’ai trouvé aucune trace de ce texte sur le Web, j’ai pensé qu’il vous intéresserait… surtout si vous êtes, comme moi, fier Franco-Ontarien.

D’où viennent les Franco-Ontariens? Question académique peut-être, mais dont la réponse n’est pas aussi simple qu’il y paraît de prime abord.

Le Conseil des affaires franco-ontariennes, dans un récent rapport publié sous forme de livret et qui contient des statistiques fort intéressantes sur la composition et la répartition de la population franco-ontarienne, indique qu’ils proviennent de trois sources principales : de la France, pendant l’Empire français; du Québec et du Nouveau-Brunswick, et plus récemment, d’autres pays francophones.

En 1610, deux ans après la fondation de la ville de Québec, le premier Occidental à fouler le sol ontarien est un jeune éclaireur du nom d’Étienne Brûlé, au service de Samuel de Champlain. Comme tant d’autres Français qui sillonneront après lui les vastes Pays d’en haut, c’est la fourrure qui l’a attiré, première grande richesse naturelle de la province.

Sous le Régime français, les Pays d’en haut ne font pas l’objet d’une politique systématique de peuplement. À Paris comme à Québec, on craint plutôt que la colonisation des terres au-delà de l’Outaouais ne provoque une hémorragie démographique dans la vallée du St-Laurent. Ainsi, la population française des Pays d’en haut ne dépasse guère le minimum requis pour la traite des fourrures, la défense militaire et l’évangélisation des Amérindiens. Composée essentiellement de militaires, en garnison, de colons, d’hommes de métier affectés au service des postes de défense, de coureurs de bois, d’interprètes, de missionnaires et de voyageurs, elle est surtout concentrée autour de forts tels que Pontchartrain (Détroit), Frontenac (Kingston), Niagara et Rouillé (Toronto).

En 1763, à la cession à l’Angleterre de la plupart des possessions françaises d’Amérique, la population des Pays d’en haut, soit l’Ontario actuel, l’Illinois et l’Ouest, atteint peut-être 7 000 personnes. États-majors, hommes de troupe et administrateurs coloniaux rentrent en France, seuls restent pour témoigner de près de deux siècles d’aventure coloniale française en terre ontarienne une petite colonie agricole établie dans la région de Détroit depuis 1701, des missionnaires et une population flottante de coureurs de bois et de voyageurs.

Jusque vers 1840, la population française de l’Ontario n’augmente guère qu’en raison de son accroissement naturel et du recrutement continuel de voyageurs par les compagnies anglaises de fourrures. La délimitation des frontières entre les colonies britanniques de l’Amérique du Nord et la nouvelle République américaine provoque certains déménagements : témoin le déplacement de colons français établis sur la rive américaine de la rivière Détroit et qui, fidèles du roi d’Angleterre, élisent domicile du côté ontarien après la guerre d’indépendance américaine. Ou encore celui des voyageurs de l’île Drummond qui, au début des années 1830, jettent les bases des villages agricoles de Penetanguishene et Lafontaine, au sud de la baie Georgienne.

Depuis le début de la colonisation par les Loyalistes, en 1784, l’Ontario s’est beaucoup développée. En 1849, sa population, surtout concentrée dans l’enclave Kingston-baie Georgienne-Windsor, atteint 427 441. Par ailleurs, depuis les premières années du XIXe siècle, le Québec est aux prises avec une crise agricole et ne réussit guère plus à retenir sa population. Ainsi, à partir de 1840, et pendant un siècle environ, les migrations canadiennes-françaises se font d’autant plus nombreuses que le développement industriel et urbain tarde à absorber le trop-plein des paroisses rurales. Tâchant de faire contrepoids à l’émigration vers les états américains et la Nouvelle-Angleterre, les élites cléricales nationalistes proposent et encouragent la colonisation des terres vacantes et marginales du Québec, ou encore celles de l’Ontario et de l’Ouest.

À suivre demain…