L’effet d’une véritable bombe…

« La nouvelle de la fermeture a eu l’effet d’une véritable bombe, mercredi après-midi dernier, puisque tous les concernés croyaient fermement que la direction de l’entreprise cesserait ses opérations pour une période de six mois, le temps de procéder à d’importantes rénovations. » C’est ce qu’on pouvait lire, entre autres, dans l’édition du 15 septembre 1982 du journal Le Carillon.

« CIP Inc., de Montréal, achetée il y a à peine plus d’un an par les Entreprises Canadien Pacifique, de Calgary, avait annoncé son intention au gouvernement ontarien samedi (le 4) et, au retour après la fête du Travail, soit mardi, c’est la direction de l’usine locale qui était avisée. Mercredi après-midi, des représentants du siège social arrivaient à Hawkesbury, déjà prêts avec les dossiers des employés et les lettres communiquant la mauvaise nouvelle. La nouvelle était aussitôt relayée aux surintendants, qui la communiquaient aux contremaîtres, qui, à leur tour, se rendaient chacun dans leurs services, annoncer la fermeture. En même temps, des lettres recommandées étaient postées au bureau de poste de Hawkesbury afin que chacun des employés les reçoive dès le lendemain. » Simultanément ou presque, les autorités municipales puis la presse locale étaient mises au courant. Voilà pour la mécanique de l’annonce.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. « Un comité spécial, baptisé ‘Comité de la continuité’, tentera de tout mettre en œuvre pour assurer la continuité des opérations de l’usine de la CIP, malgré la fermeture décrétée pour le 1er décembre prochain. » Les autorités municipales emboîtaient le pas, de même que les députés. Par exemple, le Conseil municipal nommait l’administrateur Pierre Tessier au poste de commissaire industriel pour que ce dernier multiple « ses démarches pour accélérer la venue de nouvelles industries dans la région ». Quant à la CIP, elle avait confirmé qu’il n’y avait pas de solution de son côté; le marché n’étant plus là et des clients importants les ayant abandonnés (par ex. Dupont de Shawinigan et Transparent Papier Lining d’Angleterre).

La réaction du « local 28 du Syndicat canadien des travailleurs du papier » avait été amère et virulente. « Ils reprochent également aux grosses banques de n’avoir que des présidents de compagnie à leurs conseils d’administration et aucun représentant des travailleurs. » Le syndicat s’inquiétait bien sûr de l’avenir de ses membres locaux. « La plupart des employés (343) avaient une fiche de service de plus de vingt ans auprès de la compagnie. » En fait, selon les statistiques obtenues alors par Le Carillon, la CIP comptait un employé de 45 années de service continu, alors que neuf autres avaient 40 années et plus. « Pas moins de 77 possèdent une expérience de plus de 35 années avec la CIP et 111 offrent un record de plus de 30 ans. Par ailleurs, un total de 145 employés sont dans la catégorie des plus de 20 ans de service. » En d’autres mots, la très forte majorité n’avait jamais travaillé ailleurs qu’à la CIP. Une trentaine d’employés avaient pu profiter d’une retraite prématurée sans réduction. Quant à la CIP, elle avait mis sur pied un centre d’information pour aider les employés à se trouver un autre travail le plus rapidement possible et pour les renseigner sur les aspects financiers et autres. En d’autres mots, les employés avaient été bien traités… mais ils se retrouveraient quand même sans emploi le 1er décembre. Et les producteurs de bois de la région perdraient des millions de dollars au fil des années.

En éditorial, j’avais écrit, entre autres, qu’il « était pratiquement impossible de décrire la consternation qui a secoué Hawkesbury – et pas seulement les employés de la CIP – alors que la nouvelle se répandait comme un feu de poudre aux quatre coins de la ville ». De ma longue carrière au journal, cela avait été assurément la nouvelle la plus difficile à couvrir et commenter.

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