Voilà, nous y sommes en ce fameux Octobre 1970. Paul Huneault se penche sur la situation dans son éditorial de l’édition du 15 octobre du journal Le Carillon. « Il y aura des lendemains aux moments tragiques que vivent les Montréalais, le Québec et le Canada. On serait justifié de le craindre. Car la répression risque d’être à la mesure des crimes perpétrés dans la Métropole ces derniers jours. »
Un peu plus loin, Huneault cite des propos de Pierre Elliott Trudeau. « Si des minorités se rendent compte qu’ils n’ont pas la patience de persuader une majorité de citoyens de changer d’opinion; s’ils veulent, par la violence, par les bombes, par les attaques violentes, s’ils veulent ainsi détruire cet ordre social, ÉVIDEMMENT, la majorité devra répondre par une force contraire, une force répressive. Ce serait dommage. (…) C’est comme ça que la liberté se perd dans les pays; parce qu’une petite minorité est trop impatiente pour convaincre ses citoyens qu’elle a raison; parce qu’elle a recours à la violence plutôt qu’à la discussion, plutôt qu’à l’échange raisonnable, plutôt qu’au dialogue civil. » La suite fait partie de notre histoire commune.
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D’un point de vue local, la ville de Hawkesbury et la région avaient subi les contrecoups. Ainsi, contrairement à des propos qui laissaient supposer différemment, la Loi sur les mesures de guerre dérange les gens du coin. La Sûreté provinciale de l’Ontario et la Sûreté municipale de Hawkesbury exercent une surveillance serrée du pont Perley, ainsi que sur les routes qui bordent le Québec, que ce soit à Pointe-Fortune ou à St-Eugène. La 417 n’est pas encore là, rappelons-le. Les taxis hésitent à traverser les ponts ou le font moyennant un tarif supérieur. Des passagers d’autobus ont même dû traverser le pont Perley à pieds pour se rendre à Grenville. On craignait que des membres du FLQ s’infiltrent en Ontario afin d’y cacher armes, munitions et bombes. « La mise en circulation de fausses rumeurs, parfois invraisemblables, est devenue un fait courant à Hawkesbury depuis que la SPO a érigé des barricades. Un appel à la bombe sous le pont Perley, l’arrestation de manifestants pendant la messe dominicale dans une église de la région, une descente de la police dans une résidence de la rue Laurier ne sont que quelques-unes de ces rumeurs, toutes démenties par les autorités » écrivais-je dans mon article de l’édition du 22 octobre 1970.
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En relisant les propos de Trudeau, on peut regarder dans d’autres pays du monde et constater là aussi les « ravages » d’une minorité devant l’inaction de la majorité. « C’est comme ça que la liberté se perd. » Trudeau n’avait aucune idée bien sûr ce qui allait se produit une trentaine d’années plus tard et qui allait irrémédiablement nous faire perdre plusieurs libertés. Il ne se doutait même pas que 30 ans plus tard, nous serions tous devenus des suspects… des terroristes en instance… des poseurs de bombe « dormants »… des personnes en qui on ne peut avoir confiance à moins de leur faire subir toutes sortes d’examens et de vérifications.