Le conflit serait long… très long

Dès mon arrivée dans notre « suite de travail », une suite du Château Laurier aménagée en lieu de travail expressément pour notre équipe, il fallait bien établir certains paramètres. Après tout, pour un homme « cotravaillant » (à ne pas confondre avec cohabitant) du matin au soir avec trois femmes, ce n’aurait pas toujours été de tout repos. Je vous épargne un abus de détails, mais disons que j’aurais pu me passer des bas-culottes pendus dans une des salles de bain. Heureusement, il y avait une deuxième salle pour moi et nos collègues de passage.

J’ajoute qu’Ida et Deborah m’avaient depuis longtemps qualifié de « one of the girls », un « running gag » qui me resterait collé tout au long de ma carrière. En fait, pendant notre séjour, l’équipe des relations du travail comptabilisait les « présences » et au bas de chaque colonne hommes et femmes, il y avait « ½ »… J’étais le demi et la demie! J’en ris encore. Ce dont je ris moins, c’est que mes deux collègues Ida et Deborah sont toutes deux décédées à un âge où tout est encore à espérer.

Je reviens à nos moutons. Le 23 août 1991, les négociations sont rompues. Pour vous donner une idée de l’ampleur de la tâche des relations avec les médias, je vous dresse un bilan de mes entrevues ce jour-là (Ida et Deborah en avaient faites autant ou presque) : Martine Couture, CBC Radio Edmonton; Jeremy Loons, Fort Francis Times; Janice Landry, ATV Halifax; John Pater, CBC Radio Iqualuit; Dan Lett, Winnipeg Free Press; François Jalbert, CJMS Montréal. Il y avait eu Réjean Léveillé de TVA (oui, celui-là qui a failli ne pas sortir d’un accident d’hélicoptère et qui est présentement chef d’antenne de la fin de semaine à TVA). Puis, ce fut le tour d’Adam Vaughan, de CBC Toronto; Grant McInnis, de CJOB Winnipeg; François Berger, de La Presse; France Beaudry, qui me réservait pour une entrevue à 7 h 15 le lundi matin suivant; Denis St-Roch, également de CKAC, mais aussi pour Broadcast News de Vancouver. Broadcast News est le pendant radiophonique de La Presse canadienne.

Vinrent ensuite, toujours en ce même 23 août, Jennifer Cook, de CFSN Quesnel C.-B.; John Young, d’Interior News, en C.-B. aussi; Judith Goldman, de CBC Montréal; Chantal Carignan, de CJTR Trois-Rivières; Sylvain Blanchard, de La Presse; John Geddes, du Financial Post; un journaliste du Medicine Hat News dont je n’ai pas noté le nom; Isabelle Maher et Guy Gendron, de TVA : Joanne Schnur, de CJOH; David Pugliese, du Ottawa Citizen; Dwayne Deslauriers, de Standard Broadcasting; Jules Bordeleau, dont je n’ai pas noté le média; Alain Martineau, de NTR; Alex Binckly, de la Canadian Press; Pauline Vanasse, de Radio-Canada Montréal; Michel Bellemarre, de CKAC; Pierre Champagne, de CJMS; Mathieu Turbide, de CKCH (Mathieu est aujourd’hui cadre au Journal de Montréal et Sun Media). Il y en avait eu quelques autres. Ce serait semblable encore quelques mois, le temps que le conflit se règle.

Nous avions nos « lignes » pour les médias. Contrairement aux porte-parole syndicaux, nous ne pouvions nous permettre des balivernes. Nous étions, après tout, redevables aux contribuables canadiens, alors que le syndicat, en « lutte continue », n’avait pas à se justifier. J’allais oublier de préciser que le Syndicat des postiers du Canada était alors sous la présidence de nul autre que Jean-Claude Parrot. C’est lui qui annoncerait ce soir-là que le syndicat déclencherait des grèves tournantes un peu partout au pays, mais sans en préciser le calendrier. Auparavant, le syndicat avait annoncé par voie de communiqué que les négociations étaient rompues. Nos divers porte-parole, y compris Gilles Courville, un des négociateurs, expliquaient qu’il aurait été plus décent que le syndicat nous en informe autrement que par une dépêche de La Presse canadienne et nous répétions, comme à chaque grève, que « nous ne négocierions pas avec le public, mais avec lui », en parlant de Parrot. Et nous affirmions, comme nous le faisions et ferions souvent, que notre objectif ne fût pas « de créer des milliers d’emplois qui dépendraient de tarifs plus élevés ou de subsides gouvernementaux pour éponger nos déficits ». L’ampleur de l’écart entre les demandes syndicales et les offres patronales étaient à ce moment-là de l’ordre de 260 millions de dollars. Je vous avais dit que, Postes Canada, c’était un énorme bateau. Ça en prenait des dollars pour le mener à bon port ou, à tout événement, le mettre sur le bon chemin.

Ce 23 août, nous réaffirmions que le service à la clientèle serait maintenu; que nous n’avions pas de plans de grève, que nous n’étions pas en grève. Et il y avait encore tout ce qui s’ensuivrait…

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