La mesure de la moindre action reliée à Postes Canada revêtait la plus grande importance, comme je vous l’ai écrit. Mais il fallait beaucoup plus pour redorer le blason de la nouvelle société d’État. Peu de temps après mon arrivée à Postes Canada, au printemps de 1987, l’entreprise avait consacré des efforts et de l’argent à se doter d’une nouvelle image publique. Cela sous-entendait les camions et le matériel de rue (les boîtes aux lettres).
Et il fallait ôter de la tête des gens l’expression « Postes Canada », alors liée dans la perception populaire à un ministère du gouvernement fédéral. La mode (encore actuelle en fait) était de se plaindre de tout aux députés. Les syndicats étaient maîtres dans l’utilisation de cette tactique. En fait, cela était toujours de mise quand j’ai pris ma retraite 23 ans plus tard. Encore aujourd’hui, un fort pourcentage de l’opinion publique (et même de députés, si l’on en juge par leurs réactions et commentaires) croit que la société est financée par les impôts des contribuables.
Quoi qu’il en soit, la haute direction (Don Lander en tête) avait voulu associer l’entreprise à son nouveau nom… celui de la Société canadienne des postes… the Canada Post Corporation comme diraient nos compatriotes de l’autre langue officielle. Aux Communications, nous avions reçu les directives de privilégier… en fait d’utiliser… exclusivement cette dénomination à l’avenir. En répétant le message, la nouvelle image s’installerait. Disons que les gens continuaient à se référer à nous comme « Postes Canada », n’en déplaise aux vaillants communicateurs dont j’étais.
Quelques années plus tard, sous Georges Clermont si ma mémoire est bonne, le nom allait changer encore une fois. En fait, je précise que c’est plutôt le logo de l’entreprise qui serait transformé. Nous arborerions « Mail/Poste », avec le nom de la société en dessous. Vous comprenez la subtilité, nous étions « the mail », « la poste »… pas un ministère. (En passant, c’était sous-estimer la détermination des libéraux, après leur élection de 1993, de nous ramener quelque peu dans la mentalité d’un ministère… sur lequel ils pourraient exercer une plus grande autorité.
À Postes Canada, après cette élection, nous avions remarqué un changement radical de nos relations avec l’actionnaire (c’est le rôle du gouvernement, en effet, de détenir la totalité des actions de la société d’État… même si de telles actions n’existaient que dans l’image d’entreprise que nous tentions d’inculquer dans l’esprit des gens… surtout par la voie des médias).
Contrairement aux progressistes-conservateurs de Brian Mulroney (à ne surtout pas confondre avec les conservateurs ultra-interventionnistes de Stephen Harper), les libéraux ont commencé leurs interventions constantes dès leur élection. Une de leurs premières décisions, décréter un moratorium sur la fermeture des bureaux de postes. Étrangement, ce moratorium serait prolongé sous la gouverne des harperistes. Ces décisions ont eu comme effet de retarder les plans de rationalisation de la société et, par conséquent, sa rentabilité durable. Je vous reparlerai de tout ça plus tard de toute façon.
Pour revenir à nos moutons de l’image de marque, les libéraux avaient également imposé un changement, particulièrement au lendemain du référendum québécois de 1995 aux résultats si serrés. Il fallait absolument, à leurs yeux, rappeler aux Québécois que la Société canadienne des postes, c’était le Canada. Nous sommes devenus… ou plutôt redevenus… « Postes Canada », « Canada Post ». C’est ce qui prévaut encore aujourd’hui. Vous aurez peut-être remarqué que ce logo est idéalement présenté avec le français en premier. En le lisant la ligne du haut, de gauche à droite, c’est « Postes » et « Canada » puis « Canada » et « Post » sur la ligne du bas; quand vous le lisez de haut en bas, la partie à gauche se lit « Postes Canada » et la partie à droite, « Canada Post ». Dans la version du logo anglais premier, cela n’est pas possible. Plusieurs avaient conclu à l’époque que le concepteur était forcément francophone.
Quels que soient le nom et le logo que nous utilisions, l’image du service postal était dictée par une seule chose… la capacité de l’entreprise de livrer lettres et colis rapidement et sans nous tromper d’adresse.
Dans mes quatre premiers billets sur « Mes 23 ans à Postes Canada », je voulais vous situer dans le contexte dans lequel je me retrouvais; celui d’une société d’État fière de sa raison d’être et qui tentait par tous les moyens de se transformer en véritable entreprise au même titre que ses concurrents. J’y reviendrai.
Je vous reviens au début de la nouvelle année.
D’ici là, je vous souhaite un joyeux Noël
et que 2014 vous procure santé, satisfaction et bonheur.