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Tiens, tiens! Du déjà-vu!

Le scandale des commandites ne ferait surface qu’une vingtaine d’années plus tard et la Commission Charbonneau encore plus tard, mais les deux avaient en commun les ristournes à des partis politiques. Au début de 1985, ce n’est nul autre que notre député libéral fédéral Don Boudria qui demandait à la Gendarmerie royale du Canada de mener une enquête « sur les circonstances entourant l’octroi par le gouvernement d’un contrat de publicité à des entreprises liées de près avec le parti conservateur ». L’histoire est racontée dans Le Carillon du 16 janvier 1985. Un peu moins de 20 ans plus tard, le même Boudria se retrouverait en plein « scandale des commandites » pour la même situation qu’il décriait, mais cette fois avec les rumeurs de ristournes à son parti. En politique, les leçons de l’histoire sont souvent mal apprises.

Se référant à un article publié dans le quotidien The Toronto Star du 5 janvier 1985, Boudria n’y allait pas par quatre chemins et ses propos de l’époque sont drôlement révélateurs en rétrospective. L’article du Star alléguait « que les entreprises en question se sont vu accorder des contrats conditionnels à l’acceptation de remettre un pourcentage de leurs frais au parti conservateur. (…) La compagnie chargée de l’administration des contrats gouvernementaux devrait administrer des contrats d’une valeur d’environ 60 millions de dollars par année et aurait droit en retour à une commission d’environ 3 p. cent ». Décidément, ce pourcentage semble être un standard en politique!

Boudria avait été surpris d’apprendre que « M. Roger Nantel, conseiller de M. Mulroney pour le Québec, et copropriétaire de la firme qui aurait été choisie par le gouvernement, aurait déclaré qu’une ‘partie des profits n’irait pas à des individus, mais servirait à l’organisation d’événements spéciaux permettant au parti de se rapprocher de la base lors de séminaires avec les ministres québécois. » Au moins, il ne s’en cachait pas. Boudria croyait « que les profits découlant d’un tel contrat pourraient servir les intérêts du parti conservateur et constituer ‘une violation des articles 108 et 110 du Code criminel ». En réponse aux attaques de Boudria, le ministre Harvie Andre avait déclaré « qu’il n’y avait rien là pour justifier la tenue d’une enquête. Les journaux torontois ont déjà fait marche arrière au sujet des déclarations relevées. Les deux personnes ont tout simplement été mal citées ou mal interprétées. » L’excuse universelle!

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À mon point de vue, ce jugement de la Cour suprême du Canada était trop passé inaperçu et pourtant, ses conséquences futures étaient dangereuses « à cause des discussions sur le financement des écoles secondaires catholiques en Ontario ». La Cour suprême avait « statué que les enseignants dans les écoles catholiques peuvent être congédiés ou disciplinés s’ils ne suivent pas les directives et les lois de l’Église ». J’avais commenté que « les conséquences sont inquiétantes pour la liberté individuelle des parents comme des enfants et non pas seulement des employés ». En ce 16 janvier 1985, la date de l’édition du journal Le Carillon dans laquelle je commentais la décision, la Charte des droits et libertés était encore toute nouvelle, peut-être que les juges ne l’avaient pas tous comprise.

Quoi qu’il en soit, la Cour suprême avait décrété que « la direction de l’école St-Thomas-d’Aquin de Vancouver-Nord n’avait pas enfreint le Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique quand elle avait discipliné une enseignante catholique qui s’était mariée à un divorcé méthodiste ». Je traitais de la question à la lumière de la décision du premier ministre William Davis de prolonger le financement des écoles catholiques jusqu’à la fin du niveau secondaire. Davis avait « indiqué que les conseils scolaires catholiques devront embaucher des enseignants non catholiques pendant une période de dix ans » et cela, à mon avis, allait à l’encontre de la décision de la Cour suprême qui avait décrété « que les conseils catholiques ont le droit d’accorder une préférence d’emploi à un catholique pratiquant ». J’avais conclu que « la seule façon d’éviter une répétition d’une décision semblable, hautement rétrograde à notre avis est de changer les lois ». Je n’ai pas entendu parler d’autres causes semblables ou d’autres situations similaires bien que nous sachions tous que la pratique catholique est loin d’être ce qu’elle était à ce moment-là et encore.

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Deux chapeaux… lequel porter?

Je n’ai jamais compris la logique de la décision du conseil d’administration de l’Hôpital général de Hawkesbury et la région de nommer son directeur général comme ombudsman. Les intérêts de l’un étaient en contradiction avec les responsabilités de l’autre… pourtant entre les mains d’un même individu. « Tout en essayant d’obtenir de hauts standards de performance et de qualité au service des bénéficiaires de l’hôpital, peut-on lire dans Le Carillon du 16 janvier 1985, le conseil d’administration a délégué son directeur général afin d’agir comme ombudsman avec l’objectif primaire d’obtenir des membres de la communauté qui utiliseront les services hospitaliers, tout problème, plainte ou suggestion. Tout problème et toute plainte ne peuvent être corrigés si l’hôpital n’en est pas informé. » Logiquement, donc, le conseil d’administration s’attendait à ce que son directeur général Michel P. Lalonde donne suite à toute recommandation que pourrait lui proposer l’ombudsman Michel P. Lalonde. L’article ne dit pas si Lalonde obtenait un ajustement salarial pour cette nouvelle responsabilité!

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Il n’y avait pas de casinos dans la région à cette époque et, conséquemment, les soirées de bingo jouissaient d’une grande popularité à Hawkesbury comme ailleurs. Il ne fallait donc pas se surprendre, en lisant le journal du 16 janvier 1985, d’apprendre que des entrepreneurs indépendants voulaient une part du gâteau. « L’existence de l’entreprise ‘Chez Bingo’, qui devait ouvrir ses portes ce soir dans le centre commercial Hawkesbury Centre, semble sérieusement compromise à cause de pressions qui seraient exercées de part et d’autre. Le propriétaire du nouvel établissement, Dennis Turnbull, n’a pas caché que son entreprise éprouvait présentement quelques ‘petits problèmes’ découlant du fait que certains groupes reliés à des paroisses exerceraient des pressions à l’endroit des organismes qui avaient manifesté un certain intérêt. (…) Le Carillon a appris que ‘Chez Bingo’ approchait des groupes des villages voisins (L’Orignal et Vankleek Hill, par exemple) qui seraient intéressés dans la proposition d’organiser des bingos à cet endroit, faute de l’intérêt décroissant des groupes locaux. » Je ne me souviens pas si l’entreprise avait finalement ouvert ses portes.

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Jack Histed était un spécialiste en recherches sur les pâtes et papiers de la CIP Research Ltd à Hawkesbury et il s’était vu « conférer un honneur d’envergure internationale » en étant accepté comme « fellow de la Technical Association of the Pulp and Paper Industry », une société professionnelle qui regroupait alors 26 000 membres dans 70 pays. L’association ne comptait que 232 ‘fellows’, dont Jack Histed. « M. Histed a acquis une réputation internationale à la suite de ses recherches effectuées dans les techniques de blanchissage. Ses travaux ont permis à l’industrie de la pulpe et du papier de développer des méthodes simplifiées de blanchiment, qui ont entraîné des économies substantielles en dépenses capitales et en frais d’exploitation. Le processus simplifié découvert par M. Histed est utilisé dans une dizaine d’usines en Amérique du Nord. Ses études ont conduit à des méthodes de réduction des effluents et à un meilleur contrôle de la qualité dans le blanchiment de la pulpe. Il a également été à l’origine de l’introduction d’un procédé de blanchiment à l’hypochlorure à haute température qui a rendu possible un contrôle plus étroit de ce procédé ». Jack était actif au club Rotary de Hawkesbury et il était le conjoint de Roberta, bien connue dans le milieu de gestion des écoles publiques de Prescott-Russell. À ce moment-là, Jack était déjà à l’emploi de CIP Research depuis une trentaine d’années.

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Revue franco-ontarienne de 1984

Paul-François Sylvestre, comme vous l’aurez constaté, se retrouvait souvent dans les pages du journal Le Carillon. J’aimais bien ce qu’il nous soumettait; des textes toujours pertinents sur nous, les Franco-Ontariens. Pour l’édition du 26 décembre 1984, il avait pondu une « revue franco-ontarienne » des événements de l’année écoulée. Il faut préciser que ces années-là ont été favorables à la progression de la francophonie ontarienne. Voici donc ce texte, pour votre bon plaisir :

Inaugurée sous l’emprise d’un Orson Welles, 1984 aura en effet été une année pleine de bouleversements, pleine de surprises aussi. Pour les Franco-Ontariens, l’année qui s’achève demeure sans doute une de bon cru. En voici les faits saillants.

Janvier

1er – M. Clément Sauté succède à Don Stevenson en tant que coordonnateur provincial des services en français. Il est le premier francophone à occuper ce poste.

8 – TVOntario commence une série de treize émissions intitulée « Les Ontariens » et « C’est demain la veille » (reprise et traduction à l’automne).

12 – La ministre des Affaires civiques et culturelles nomme une coordonnatrice des services de bibliothèque en français pour l’Ontario, dans la personne de Mme Joanne Cournoyer-Farley, anciennement de la Bibliothèque nationale du Canada.

16 – Les Franco-Ontariens plaident leur cause en Cour d’appel. La Loi sur l’éducation est-elle incompatible avec la Charte canadienne des droits?

18 – Deux finissants de l’école secondaire Charlebois, Daniel Roy et Jean-François Deschênes, remportent le concours national qui leur permettra de voir réaliser une expérience de leur cru à bord de la navette spatiale, soit la fabrication de miroirs optiques de qualité supérieure.

Février

9 – L’hebdomadaire « L’Écluse du Niagara » ferme ses portes.

26 – Inauguration de la Librairie du Sud-Ouest, à LaSalle-Windsor; c’est la seule institution du genre à l’ouest de Toronto.

Mars

27 – Victoire! Le conseil scolaire de Michipicoten accepte de créer une unité de langue française à l’école secondaire de Wawa.

29 – Félicitations! Le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques célèbre son dixième anniversaire : tournée provinciale, lancement de l’ « agenda historique de l’Ontario français », spectacle portant sur Jeanne Lajoie, etc.

Avril

9 – Son honneur Paul R. Bélanger, d’Ottawa, est nommé juge titulaire de la cour provinciale; il est le premier francophone à occuper un tel poste.

17 – Le ministre Thomas Wells dépose un amendement garantissant l’accès en français aux services sociaux.

24 – Le projet de loi no 100, qui rend le français officiel dans les cours ontariennes, est adopté en dernière lecture.

Mai

4 – Éric Demers, de l’école secondaire Charlebois, est proclamé lauréat du troisième concours annuel de français pour les élèves de la 12e année.

12 – Fondation du Regroupement ontarien des journalistes de langue française.

14 – Le gouvernement met sur pied un Comité consultatif sur les services de bibliothèque en français.

15 – Le Dr Antoine D’Iorio est nommé recteur de l’Université d’Ottawa.

30 – Le premier ministre annonce que Mme Gisèle Lalonde deviendra présidente du Conseil des affaires franco-ontariennes.

Juin

3 – Centenaire de l’arrivée des Dominicains en Ontario.

12 – Le gouvernement ontarien étend le financement des écoles séparées jusqu’à la 13e année.

13 – Le premier ministre Davis répond à Trudeau et refuse une fois de plus de rendre sa province bilingue.

26 – Victoire! La Cour d’appel de l’Ontario rend un jugement accordant aux Franco-Ontariens le droit absolu d’être éduqué dans leur langue et leur ouvrant la porte à une gestion exclusive de leurs institutions scolaires.

29 – Accord Ottawa-Toronto sur le financement de l’enseignement du français, langue première et seconde (137 millions $ en trois ans).

Juillet-août

La campagne électorale donne lieu à quelques démissions; ainsi, Albert Roy et Don Boudria quittent la scène provinciale pour tenter leur chance dans l’arène fédérale. Le chef conservateur, pour sa part, trouve anormal que les Franco-Ontariens ne bénéficient pas des mêmes droits que les Anglo-Québécois; il se dit prêt à faire « amicalement, mais fermement pression » sur Bill Davis pour corriger la situation…!

Septembre

19 – Le pape est en Ontario et l’Association canadienne-française de l’Ontario lui offre un souvenir franco-ontarien, soir « Les communautés religieuses en Ontario français », par P.-F. Sylvestre.

23 – Le projet de Centre artistique Guigues est finalement accepté, après deux ans de négociations avec la Commission des écoles séparées d’Ottawa.

30 – L’ACFO tient sa XXXVe assemblée générale à Niagara Falls, adopte un plan global de développement et élit Serge Plouffe à la présidence.

Octobre

1er – Pas moins de 55 p. cent des Vanierois se prononcent en faveur de la fusion avec la ville d’Ottawa lors d’un plébiscite où 30 p. cent des résidents se rendent aux urnes.

8 – L’honorable William Grenville Davis annonce qu’il se retire de la vie politique… sans auparavant donner à sa province un statut bilingue.

Novembre

13 – Le ministre de la Santé dépose une série d’amendements visant à donner des services de santé en français.

29 – Une somme de 370 000 $ sera investie dans un nouveau programme visant à rendre les services de bibliothèque en français plus accessibles aux Franco-Ontariens.

Décembre

1er – L’ACFO rend hommage à quatre personnalités de l’Ontario français, aujourd’hui disparues : M. Séraphin Marion, Mme Rose-Alma Sauvé-Boult, le Frère Jacques Faucher et M. Louis Charbonneau.

6 – Queen’s Park adopte, en deuxième lecture, la version finale du projet de loi garantissant le droit à l’éducation en français.

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Un record de non-participation

Le taux de participation populaire avait été de 38,2 p. cent; un record dans Prescott-Russell. Mais il ne fallait pas s’en surprendre outre mesure, après tout, ce n’était qu’une élection complémentaire pour élire le successeur du député provincial démissionnaire Don Boudria. Comme nous l’apprend Le Carillon du 19 décembre 1984, la population a décidé que le libéral Jean Poirier prendrait la relève et 10 238 électeurs l’avaient préféré au candidat conservateur Gaston Patenaude qui, lui, en obtenait 8 420. Une majorité relativement mince pour Poirier, mais c’est lui qui irait siéger à Queen’s Park pendant quelques années. Il aura fallu moins de deux heures pour compter tous les votes étant donné la faible participation. Le néo-démocrate Rhéo Lalonde s’était contenté de 1 805 votes à peu près le même appui que le NPD avait reçu en 1981. Quant aux conservateurs, c’est l’amertume qui avait caractérisé leur soirée à St-Isidore. « Et la rancœur de bien des militants à l’égard de l’ancien député libéral Don Boudria était également bien évidente. ‘On lui fera du tort comme il nous a fait du tort,’ d’expliquer un d’eux à ses compagnons attachés devant une bière. » Leurs menaces ne donneraient rien.

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Ce n’est pas parce que les partisans conservateurs l’avaient préféré à Gaston Patenaude lors du congrès d’investiture à Rockland que Rolland Saumure, de Bourget, allait se taire et disparaître. Au contraire! Par exemple, il n’avait pas aimé la façon de procéder de l’organisation du parti pour choisir les délégués au congrès à la chefferie qui se tiendrait à Toronto en janvier suivant. Il a obtenu de la direction du parti que l’on recommence le processus de sélection. « Les conservateurs provinciaux ont perdu leur sens des réalités et ils doivent se rapprocher davantage de la population de Prescott-Russell s’ils veulent un jour retourner au pouvoir dans la circonscription », peut-on lire dans le journal du 26 décembre 1984. Quant au choix des délégués, M. Saumure s’était « aperçu que les cultivateurs et les gens ordinaires de Prescott-Russell n’ont pas eu la chance d’être présents à cette rencontre et d’être choisis comme délégués pour choisir le futur premier ministre de l’Ontario ». Quant à sa candidature éventuelle dans une future élection, Rolland Saumure n’était pas encore décidé. « Quant à la ferveur politique dont ne semblent pas avoir fait preuve les conservateurs dans l’élection complémentaire du 13 décembre, M. Saumure estime que les gens, en 1984, ‘ne sont pas aussi motivés que jadis… ils ne sont pas aussi fervents que nos parents et ils ont tendance à voter pour l’homme plutôt que pour le parti’. »

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Le projet de loi fédérale C-15 sur l’investissement au Canada faisait l’objet de débat aux Communes et, évidemment, le député libéral Don Boudria avait mis son grain de sel. « Nous voulons protéger nos industries canadiennes, et nous voulons en posséder une grande partie nous-mêmes. Les investisseurs étrangers sont les bienvenus, mais ils doivent servir les intérêts supérieurs du pays. » Un article fait référence à son intervention dans le journal du 26 décembre 1984. En parlant des Américains, il avait ajouté que « moi aussi j’ai des amis, mais ils ne viennent pas s’emparer de ma maison. (…) Si je me trouve à côté d’un éléphant et si ce dernier me tombe dessus, le résultat sera le même que l’éléphant soit amical ou non – je serai transformé en planche à repasser. (…) La question n’est pas de savoir si nous voulons des investissements étrangers, car nous en voulons, mais de veiller à ce qu’ils servent au mieux les intérêts de tous les Canadiens. »

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Au cinéma Laurentien de Grenville, en cette période des Fêtes de 1984, le film « The Terminator » avait été retenu à l’affiche deux semaines.

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Les députés franco-ontariens à Queen’s Park (2e partie)

Le balayage tory

En 1929, les conservateurs de Ferguson sont reportés au pouvoir. Il n’y a pas eu de ressac chez les anglophones; qui plus est, tous les comtés francophones passent aux mains des tories. L’est ontarien, pourtant de tradition fort libérale, fait élire Charles Séguin (Russell), Joseph St-Denis (Prescott) et Louis Côté (Ottawa-Est). Paul Poisson et Henri Morel sont réélus dans Essex-Nord et Nipissing-Ouest respectivement. Enfin, Albert Aubin ramène la circonscription de Sturgeon Falls sous un ciel bleu-tory.

C’est à se demander si les Franco-Ontariens ont la mémoire trop courte. Pourquoi cette confiance en un parti qui a bafoué les droits les plus élémentaires d’une communauté tout entière? Le geste réparateur d’un Ferguson a-t-il cicatrisé si rapidement la plaie? Il faut croire que non puisque les Franco-Ontariens ne sont pas prêts à appuyer le nouveau chef conservateur, G.S. Henry, aux élections de 1934. Les libéraux, sous la bannière de M.F. Hepburn, remportent en effet tous les sièges « francophones : Arthur DesRosiers (Russell), Aurélien Bélanger (Prescott), Adélard Trottier (Essex-Nord), Théo Legault (Nipissing-Ouest), Ed. Lapierre (Sudbury) et Paul Leduc (Ottawa-Est). Ce dernier est même nommé ministre des Mines.

Les libéraux se maintiennent au pouvoir pendant une dizaine d’années et, malgré le retour des conservateurs au pouvoir en 1943 (minoritaires) et en 1945 (majoritaires), les députés francophones conservent leur allégeance libérale. Ce sont les anciens, comme Leduc, Bélanger et Trottier, puis des nouveaux comme Roméo Bégin (Russell), Aurélien Chartrand (Ottawa-Est), J.E. Cholette et Victor Martin (Nipissing), ainsi qu’Alex Parent (Essex-Nord).

C’est à partir de 1948 que la situation change, que les couleurs politiques des Franco-Ontariens se modifient. Prescott et Russell brisent la tradition libérale, notamment avec l’arrivée de l’honorable Louis Cécile; de plus, le nouveau comté de Glengarry est occupé par le conservateur Osie Villeneuve. Les libéraux gardent Ottawa avec Chartrand et Essex-Nord avec Arthur Réaume. Au scrutin de 1955, les Franco-Ontariens accordent encore plus leur confiance aux hommes de Leslie Frost. Jules Morin se fait élire à Ottawa, Rhéal Bélisle à Sudbury (Nickel Belt) et Jean-Marc Chaput dans Nipissing-Ouest. La région de l’est reste bleue, tout comme Essex-Nord demeure rouge avec Réaume. Celui-ci est le dernier francophone à représenter le sud-Ouest à Queen’s Park.

Robarts et Davis

Comme on le sait, les conservateurs sont au pouvoir depuis quarante ans. Durant les années soixante, le premier ministre Robarts démontre une véritable compréhension à l’endroit des Franco-Ontariens et à l’égard de leurs droits. Ce sont aussi les années où ceux-ci sont le mieux représentés au sein du Cabinet : Fernand Guindon et René Brunelle. Le Moyen-Nord reste plus sceptique, du moins partagé, alors que le néo-démocrate Elie Martel se fait élire à Sudbury-Est et que le conservateur Gaston Demers succède à Rhéal Bélisle, devenu sénateur.

Sous Bill Davis, les Franco-Ontariens semblent satisfaits, du moins au début. Ce premier ministre n’a-t-il pas été ministre de l’Éducation sous Robarts? Des gains scolaires n’ont-ils pas été obtenus? Aussi les Bélanger, Villeneuve, Guindon et Brunelle demeurent-ils en place. Léo Bernier vient même s’ajouter au clan en se faisant élire dans le nouveau comté de Kenora. Le libéral Albert Roy reprend cependant Ottawa-Est et Elie Martel maintient Sudbury-Est. Aux dernières élections, les Franco-Ontariens affichent davantage leur mécontentement vis-à-vis de monsieur Davis, alors que Don Boudria ramène Prescott-Russell dans la tradition libérale.

Les Franco-Ontariens ne mettent plus tous leurs œufs dans le même panier. Pour défendre leurs droits, ils comptent sur trois conservateurs, deux libéraux et un néo-démocrate.

(Note du blogueur : Dans Prescott-Russell, depuis Boudria, il n’y a eu que des députés libéraux franco-ontariens à Queen’s Park (Jean Poirier et Jean-Marc Lalonde), alors que le successeur de Lalonde, Grant Crack, est un libéral anglophone.)

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Les députés franco-ontariens à Queen’s Park de 1883 à nos jours (1ère partie)

« À nos jours » se référant à l’année 1983, un siècle d’histoire politique provinciale. Le texte ci-dessous, de la plume d’Yves Quinty et de Paul-François Sylvestre, avait été reproduit dans l’édition du 17 août 1983 du journal Le Carillon. Je vous l’offre parce que nous n’avons pas appris ça sur les bancs de l’école et ce n’est sûrement pas enseigné de nos jours (cette fois en me référant à 2013).

La représentativité francophone à l’Assemblée législative de l’Ontario est-elle aussi importante qu’autrefois? Comme on le sait, certains comtés de la province comptent une population largement et, dans un cas, essentiellement française. Pourtant, ces comtés situés principalement à l’est, au nord et au sud-ouest n’ont pas toujours été représentés par des francophones, tant aux niveaux provincial que fédéral.

Au XIXe siècle

Dès la Confédération canadienne, en 1867, les immigrés irlandais, les orangistes et le clergé protestant tentent de faire comprendre aux Canadiens français que l’Ontario est une province anglophone et que le français ne saurait y être reconnu. Jusqu’en 1875, cette façon anglophobe de voir les choses persiste et les Ontariens de langue anglaise peuvent gouverner à leur guise. Toutes les fonctions lucratives sont d’ailleurs détenues par leurs protégés. C’est alors que les Franco-Ontariens décident de prendre leur juste part de l’administration des affaires qui, après tout, affecte leur mode de vie autant que celui des anglophones.

Après maintes réunions publiques dans les comtés à concentration française, il est décidé de présenter des candidats franco-ontariens aux élections provinciales. Messieurs Montreuil et Gignac sont défaits dans le comté d’Essex-Nord, au sud-ouest, respectivement en 1875 et 1879. Honoré Robillard, pour sa part, est élu dans le comté de Russell (est ontarien) lors du scrutin de 1883.

C’est cependant la campagne électorale de 1886 qui marque véritablement la fin du monopole anglophone sur le pouvoir ontarien. Gaspard Pacaud est victorieux dans Essex-Nord; F.E.A. Evanturel se place les pieds dans Prescott (est ontarien) et un autre Robillard garde le comté de Russell. Lors des élections de 1890, Pacaud mord la poussière alors qu’Evanturel et Robillard sont réélus, le premier par acclamation. Tous deux demeurent en poste au scrutin de 1894. À la fin du siècle, la circonscription de Russell est représentée par Onésime Guibord et le populaire Evanturel devient président de l’Assemblée législative. Tous les députés mentionnés jusqu’à maintenant sont d’allégeance libérale.

Trois bastions

Avec le début du siècle, la députation d’expression française à Queen’s Park s’élargit. Le Dr Joseph Réaume reprend le comté d’Essez-Nord, au nom des conservateurs, alors que les libéraux sont réélus dans Prescott et Russell. Au nord, au cours de cette même élection de 1902, Joseph Michaud place le nouveau comté de Nipissing dans le clan libéral. Trois ans plus tard, les Bleus et les rouges se partagent les comtés francophones, les libéraux dans l’est et les conservateurs au sud ainsi qu’au nord. Le Dr Réaume entre au Cabinet à titre de ministre des Travaux publics.

Le scrutin de 1908 confirme, à n’en point douter, les châteaux forts franco-ontariens. Les trois bastions sont l’Est, le Sud-ouest et le Nipissing. Cette année-là, les conservateurs occupent Essex-Nord, Nipissing-Ouest, Prescott et le nouveau comté de Sturgeon Falls. Le seul libéral d’expression française demeure Damasse Racine, dans la circonscription de Russell. En 1911, cependant, Sturgeon Falls et Prescott passent dans le camp libéral.

Règlement XVII

En 1910, les Franco-Ontariens infiltrent la politique scolaire, municipale, provinciale et fédérale. Ils se sentent de plus en plus solidaires, surtout après le congrès de fondation de l’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario. Or, la confiance en prend un dur coup le 25 juin 1912, alors que le gouvernement Whitney impose le désormais célèbre… et inique Règlement 17, interdisant à toutes fins utiles l’usage du français dans les écoles ontariennes. Pas de discussion en Chambre; le ministre Réaume vote en faveur de la guillotine linguistique. Mais la population francophone ne l’entend pas ainsi. Forts de l’appui des députés et sénateurs fédéraux, soutenus par le nouveau quotidien Le Droit, les Franco-Ontariens revendiquent leurs droits, manifestent leurs indignations et exercent un intensif lobbying. On leur répond : « la loi est la loi ».

La population aura son mot à dire et le message sera on peut plus clair. En effet, lors des élections de 1914, Réaume est battu dans Essex-Nord par le libéral Séverin Ducharme; les comtés d’Ottawa-Est et de Sturgeon Falls passent également aux mains des libéraux. Seule la circonscription de Nipissing-Ouest reste conservatrice, mais les libéraux la raflent au scrutin de 1919, alors que Joseph Marceau défait Henri Morel.

Forts de l’appui des Irlandais, des orangistes et des catholiques de la trempe de Mgr Fallon, les conservateurs se maintiennent allègrement au pouvoir, tant sous Hearst que sous Ferguson. Pour mener la bataille sur le terrain de l’ennemi, les Franco-Ontariens choisissent le député de Russell, Aurélien Bouchard. Entre 1923 et 1927, le parquet de la Chambre devient un champ clos où l’on assiste à un duel serré et sans répit entre Bélanger et Ferguson. Le député de Russell se lève vingt fois plus souvent qu’à son tour et attaque chaque fois le sujet le plus brûlant de l’actualité. D’un doigt accusateur, il pointe vers le premier ministre et entonne son « You, Mister Ferguson », devenu classique et mémorable. Ses envolées trouvent vite des alliés des deux côtés de la Chambre. Bravant la réaction des journaux anglophones et celle des fournisseurs de fonds à la caisse électorale, le premier ministre cède aux pressions. Le Règlement 17 est déclaré sans application à partir de 1927.

À suivre demain, le balayage tory et l’ère Robarts-Davis