À l’instar des autres régions, peut-on vraiment parler d’une tradition journalistique dans cet immense territoire qu’est le Nouvel-Ontario? Il y a des embryons qui font du progrès, certes, mais la vie de plusieurs journaux dépasse rarement le cap de l’enfance. C’est à Bonfield, près de Mattawa, que le premier hebdomadaire de langue française voit le jour, en 1886. La Sentinelle, fondée par Joseph-Alphonse Lévesque, disparaît avant même le tournant du siècle.
D’autres initiatives sont tentées ailleurs. L’Écho du Nord se fait entendre de 1917 à 1918, à Cobalt; Le Nouvel Ontario naît à Sturgeon Falls, en 1924, pour mourir dix ans plus tard à Sudbury; deux expériences sont également tentées à Timmins, soit Le Nord ontarien de 1933 à 1935 et La Voix populaire de 1935 à 1940. On connaît peu de choses de ces premières entreprises de presse francophone.
En revanche, on sait bien quel genre de journal Camille Lemieux fonde en 1942, à Sudbury. Dès 1938, au Collège du Sacré-Cœur, il exprime son talent en relançant Le Gaillard. Quatre ans plus tard, Camille Lemieux cherche à faire œuvre d’éducation populaire et nationale; c’est pour assurer la survivance des Canadiens français en milieu minoritaire qu’il publie L’Ami du peuple, « une tribune indépendante de toute attache politique ». Le dynamique rédacteur s’attaque souvent aux libéraux, aux politiciens « suiveux » qui, pour garder leur poste, vendent leurs compatriotes et commentent les injustices les plus criantes. Ses amis révèlent son identité : François Hertel, Henri Bourassa et le chanoine Lionel Groulx. Des textes de ceux-ci remplissent plus d’une page du journal.
L’Ami du peuple accepte la publicité des seuls commerçants locaux qui s’affichent en français et il encourage les jeunes à poursuivre leurs études pour mieux faire face à l’anglicisation. Mais ce n’est pas un journal qui s’intéresse beaucoup à l’économie. De plus, on y retrouve une page féminine où prédominent les stéréotypes traditionnels. Entreprise familiale qui suscite parfois la controverse, l’hebdomadaire de Camille Lemieux disparaît en 1968; il servira d’exemple à d’autres organes d’information.
Diverses publications font leur apparition à divers moments; il importe de citer L’Observateur du Nouvel Ontario (1957-1961) et Le Canadien de l’Ontario-Nord, publié à Timmins et à Kapuskasing entre 1061 et 1964. La région bénéficie aussi d’une Édition du Nord diffusée par Le Droit de mars 1959 à août 1963. De plus, le 30 mars 1963 (lors du quatre-vingtième anniversaire de la première messe à Sudbury), Mgr Alexander Carter lance L’Information, journal diocésain qui s’adresse aux fidèles francophones de son diocèse et qui a pour devise « La vérité vous rendre libre ». L’initiative cesse cinq ans plus tard.
En 1968, il n’y a que 250 familles abonnées au Droit. Il faut, au dire de l’évêque auxiliaire Mgr Roger Despatie, une « presse catholique pour se former un jugement chrétien sur tous les événements ». Le Voyageur aura cette vocation; dès sa première édition de mai 1968, il entend favoriser le développement intellectuel et religieux de ses lecteurs. Ce journal au vocable si historique révèle un coup de solidarité magnifique grâce à des chefs de la trempe de Germain Bourgeois et Émile Guy, mais aussi grâce au père Hector Bertrand, directeur depuis 1975. Fort de l’appui de 5 000 abonnés répartis entre North Bay et Elliot Lake, Le Voyageur s’est courageusement relevé du criminel incendie qui a ravagé ses locaux le 31 octobre 1981. Il a repris son rythme de croisière orignal à temps pour célébrer le centenaire de sa ville natale (Sudbury 1883-1983).