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Revue franco-ontarienne de l’année 1985 (1)

Dans mon blogue du 6 mai 2013, j’avais publié une revue semblable de Paul-François Sylvestre, mais pour l’année 1984. Cette fois, il s’agit de sa Revue franco-ontarienne de l’année 1985, publiée dans Le Carillon du 1er janvier 1986.

Il n’y a pas de doute que 1985 aura été, pour les Franco-Ontariens, une année axée sur la question scolaire. Le financement des écoles séparées et la gestion des écoles par les francophones eux-mêmes ont en effet mobilisé l’attention de tous et canalisé les énergies de plusieurs.

L’année 1985 aura aussi été celle des anniversaires. À tout seigneur, tout honneur; Estienne Brûlé est revenu parmi nous pour souligner 375 ans de présence française en Ontario. Il a, par le fait même, rehaussé les fêtes du 75e anniversaire de l’Association canadienne-française de l’Ontario et contribué au 10e anniversaire du Festival franco-ontarien. Certains villages de l’Est ontarien ont célébré leur centenaire en 1986; c’est le cas de Bourget et de Ste-Anne-de-Prescott. Plus ancien, Orléans a fêté ses 125 ans d’existence. En 1985, on a aussi marqué le 50e anniversaire de l’école secondaire d’Embrun et le 10e anniversaire de la Galerie éducative De La Salle, à Ottawa.

Voici, en résumé, les faits saillants de la francophonie ontarienne en 1985.

Janvier

12 – Mort du pédagogue et historien bien connu, Arthur Godbout.

14 – Assermentation des députés Bernard Grandmaître et Jean Poirier.

15 – Selon le Rapport Bovey, les Franco-Ontariens se dirigent deux fois moins vers les universités que leurs collègues francophones.

16 – Début d’une grève de neuf jours chez les 250 enseignants francophones des écoles séparées de Stormont-Dundas-Glengarry.

26 – La semaine française de North Bay bat son plein; y participent le cardinal Léger, l’écrivaine Antonine Maillet, la ministre Andrée Champagne, la comédienne Viola Léger et l’épouse de feu Jules Léger.

Février

2 – Bernard Drainville, de l’Université d’Ottawa, est le premier francophone élu à la présidence de la Fédération des étudiants de l’Ontario. (Note du blogueur : Oui, le même qui est aujourd’hui député du Parti Québécois dans Marie-Victorin et ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne dans le gouvernement de Pauline Marois.)

3 – Mort de Jean-Marc Patenaude, président de la Fédération des caisses populaires de l’Ontario.

8 – Frank Miller présente son nouveau cabinet : René Piché, de Cochrane-Nord, est ministre d’État aux Transports et Allan Pope est responsable des affaires francophones.

14 – Quinze cinéastes franco-ontariens rencontrent le commissaire général de l’ONF pour discuter de l’avenir du cinéma en Ontario français.

18 – La pièce « Les Rogers » est présentée pour la première fois; la controverse ne tarde pas à se manifester; des coupures sont effectuées le 22.

Mars

9 – Douzième édition de la Nuit sur l’étang; Paul Demers remporte le Prix Hector-Bertrand.

10 – Alice Grégoire-Bourdeau est élue présidente de l’AEFO.

14 – Pour souligner le 75e anniversaire de l’ACFO, les Éditions l’Interligne lancent « Le Discours franco-ontarien ».

21 – Gisèle Lalonde, présidente du Conseil des affaires franco-ontariennes, remet sa démission.

26 – Dans son premier rapport annuel, le Commissaire aux langues officielles, D’Iberville Fortier, déplore les « pertes effarantes des communautés francophones hors Québec ».

26 – Lancement d’En production, première revue franco-ontarienne consacrée à la scène musicale.

Avril

10 – Florent Lalonde, de Welland, reçoit l’Ordre du Canada.

17 – Hélène Brodeur reçoit le premier Prix littéraire Le Droit pour son roman intitulé « Entre l’aube et le jour ».

24 – À quelques jours du scrutin, Miller réaffirme son opposition au bilinguisme officiel.

26 – Congrès provincial de la Fédération des élèves du secondaire franco-ontarien, à Hamilton.

Mai

2 – Réélection de Noble Villeneuve, Élie Martel, Bernard Grandmaître et Jean Poirier; défaite de René Piché; élection de René Fontaine, Gilles Pouliot, Luc Guindon et Gilles Morin.

13 – Pierre Hurtubise devient recteur de l’université Saint-Paul.

16 – Ouverture du 12e Festival de théâtre franco-ontarien.

17 – Miller présente son nouveau cabinet; Noble Villeneuve est ministre d’État et Allan Pope garde la responsabilité des Affaires francophones.

25 – Le ministre Pierre-Marc Johnson dévoile la politique d’aide de son gouvernement à l’endroit des francophones hors Québec.

30 – L’ACFO rend publique une étude sur l’analphabétisation, deux fois plus élevée chez les Franco-Ontariens que chez les Anglos-Ontariens.

Juin

4 – Discours du trône : oui au parachèvement des écoles séparées, non au bilinguisme officiel.

6 – Le jeune plongeur Alain Bertrand, d’Orléans, reçoit le premier trophée Gaétan-Boucher à titre de meilleur athlète amateur.

9 – Maurice Sauvé devient chancelier de l’Université d’Ottawa et Jacques Francoeur, propriétaire du Droit, reçoit un doctorat honorifique.

13 – Dépôt du premier projet de loi bilingue à l’Assemblée législative (Loi sur le changement de nom).

18 – Dépôt du projet de loi sur la gestion scolaire. Confirmation du réseau francophone parallèle de TVOntario. Défaite du gouvernement Miller.

20 – Paul Demers reçoit la bourse André-Paiement.

22 – Congrès du 75e anniversaire de l’ACFO.

24 – L’ACFO reçoit le Prix du 3 juillet 1608 (5 000 $) offert par le Conseil de la langue française du Québec.

26 – David Peterson présente son cabinet : Bernard Grandmaître est ministre des Affaires municipales et francophones, René Fontaine est ministre du Développement du Nord et Gilles Morin est président suppléant de l’Assemblée. L’assermentation de Peterson se fait dans les deux langues et celles de Grandmaître et Fontaine en français.

À suivre demain…

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De l’aide! De l’aide! Encore s.v.p.

Les municipalités pouvaient toujours compter sur l’appui de leur député fédéral Don Boudria et c’était le cas pour Hawkesbury et ses municipalités attenantes. Le député de Glengarry-Prescott-Russell avait « appuyé la ville de Hawkesbury dans ses pressions pour tenter d’obtenir une prolongation de son admissibilité aux programmes d’assistance au développement industriel ». Et comme l’explique l’article de l’édition du 25 décembre 1985 du journal Le Carillon, « la région de Hawkesbury est l’une des sept régions du Canada désignées dans le cadre d’un programme offert par l’Office canadien pour le renouveau industriel. Elle comprend la ville de Hawkesbury, Vankleek Hill, L’Orignal, les cantons de Hawkesbury-Ouest et de Longueuil. (…) Depuis l’instauration de ce programme, 17 projets d’une valeur totale de 17 506 000 $ ont été approuvés pour la région de Hawkesbury, dont 4 607 000 $ ont été couverts par des subventions de l’OCRI, créant 274 nouveaux emplois dans la communauté. » Quant à Boudria, il croyait que le gouvernement Mulroney devrait prolonger le programme qui viendrait à échéance le 31 décembre 1985 parce que « le chômage dans cette région demeure inacceptable à un haut niveau de 14 % ».

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Un petit détail insignifiant pour les lecteurs dans Le Carillon du 1er janvier 1986, mais qui est d’une grande signification pour ceux qui y travaillent, dont moi. La capsule de la page éditoriale comprend un nouveau nom et un nouveau titre : « Marie-A. Paquette, adjointe à l’éditeur ». Dans mon cas, j’y vois un signe qu’elle deviendra un jour éditrice, donc que mon tour ne viendra pas, contrairement à ce qu’on m’avait déjà laissé entendre. Peu de collègues me croient quand je leur signale cette nouvelle intention du grand patron. Mais après tout, le journal lui appartient en presque totalité (nos actions ne totalisent qu’une très infime partie de l’actionnariat total) et il peut bien nommer ses enfants comme bon lui semble. Mon départ se rapprochait encore plus et ce n’était plus qu’une question de temps pour mon acolyte Charles Burroughs. L’année 1986 sera ma dernière année complète au service des Éditions André-Paquette et son journal phare, Le Carillon.

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Sa participation à la période d’entraînement des Islanders de New York avait été sa dernière tentative de percer une fois pour toutes dans la Ligue nationale de hockey. Dans le journal du 8 janvier 1986, on apprend qu’Yvan ‘Puce’ Joly est le nouvel entraîneur-gérant des Hawks de Hawkesbury de la Ligue centrale, « dix ans après avoir été l’une des premières grandes vedettes des Hawks ». Ses deux premiers matchs derrière le banc se terminent mal et Joly n’est pas content : défaites de 7-4 aux mains des Rangers de Gloucester et de 8-1 devant les Lumber Kings de Pembroke. Quelques autres défaites suivront.

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L’Unité sanitaire change de nom; elle « sera dorénavant connue sous le nom de Bureau de santé de l’Est de l’Ontario », un nom qui « correspondait plus précisément à sa vocation » selon l’article du 15 janvier 1986.

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L’ampleur de la tâche dépend de l’appui des Francos

« Le fait de vivre en français dans l’Ontario demeure un acte de foi qui exige un effort personnel et l’appui actif des francophones à travers toutes leurs associations et groupements sociaux et culturels. Jamais l’école et les institutions publiques ne suffiront à la tâche, à moins qu’elles reçoivent l’appui réciproque de la communauté franco-ontarienne. » Ce passage du rapport Churchill « sur les besoins des Franco-Ontariens en matière d’éducation » était à la une de l’édition du journal Le Carillon du 4 décembre 1985. Le message reste d’actualité.

Dans leur document de 405 pages, les auteurs du rapport, Stacy Churchill, Normand Frenette et Saeed Quazi tiraient « toute une série de conclusions, parfois accompagnées de recommandations précises, à propos de l’évolution du contexte franco-ontarien, tant au point de vue démographique que social ». On y retrouvait ainsi « des chapitres sur l’enseignement du français et en français, les disciplines d’avenir et les ressources culturelles de l’école, sans oublier l’école et son organisation administrative, les écoles et les classes mixtes (dont les conclusions sont surtout orientées vers les institutions du Nord et du Centre-Nord de l’Ontario), sans oublier l’attitude des parents face au choix de la langue d’enseignement ». Puisque les auteurs avaient insisté sur l’importance de « l’appui réciproque de la communauté franco-ontarienne », le journal avait consacré pas moins de six pages à différentes sections du rapport Churchill : le renforcement du rôle communautaire, l’abolition des écoles mixtes, l’épanouissement des Franco-Ontariens, les mathématiques et les sciences, les femmes franco-ontariennes et l’éducation, la priorité de la formation préscolaire, les besoins particuliers de formation professionnelle, les défauts majeurs du système officiel, les besoins des francophones et le dilemme démographique.

À titre informatif, le véritable titre du document était le suivant : « Éducation et besoins des Franco-Ontariens. Le diagnostic d’un système d’éducation. » Les lecteurs pouvaient l’obtenir du Conseil de l’éducation franco-ontarienne, à Toronto. Ce conseil existe encore et s’appelle le Conseil de l’éducation et de la formation franco-ontarienne, mais le Rapport Churchill n’est pas accessible sur leur site Web.

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Le ministère ontarien de l’Environnement avait obligé la ville de Hawkesbury à se doter d’une usine d’épuration des eaux-vannes, ce qui avait obligé les autorités municipales à contracter une lourde dette. Sept ans plus tard, dans le journal du 4 décembre 1985, les contribuables apprennent que cette dette sera soulagée grâce à une contribution de près d’un million de dollars du gouvernement ontarien. « L’engagement prévoit que le ministère de l’Environnement effacera une dette de 619 704 $ accumulée depuis la mise en opération de l’usine il y a sept ans, ainsi qu’une autre somme de 323 507 $ en factures de traitement d’égouts impayées au cours de la même période. Une somme additionnelle de 135 180 $ représentant un manque à gagner de la province pour 1985 a également été effacée. » Peut-être était-ce finalement réglé parce que le gouvernement provincial était maintenant libéral et que le maire Lucien Berniquez et le préfet Yves Drouin, sans oublier le conseiller Claude Drouin, étaient des organisateurs libéraux notoires.

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Des roses et des épines! Une note dans ma chronique du 11 décembre 1985. « Un document de travail sur la ‘privatisation’ des services hospitaliers, préparé pour l’Association des hôpitaux du Canada, reconnaît que la société AMI Canada a sans doute réussi une bonne gestion à l’Hôpital général de Hawkesbury, mais que ‘l’hôpital était si pauvrement administré dans le passé que n’importe quel nouveau gérant aurait été capable de changer le cours des choses’. L’Hôpital général de Hawkesbury et le seul hôpital public au Canada à être géré par une firme par des gens de l’extérieur. »

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« Une amie qu’il a fait passer pour sa femme »

De la bisbille de la sorte autour de la table du Conseil des écoles catholiques de Prescott-Russell ne s’était pas vue depuis la fameuse affaire Léveillé, mais cette fois, la pagaille était entre les conseillers scolaires eux-mêmes. La nouvelle fait la une de l’édition du journal Le Carillon du 6 novembre 1985. « Le conseiller Rhéal Lalonde, d’Alfred, s’est vu retirer la vice-présidence du Conseil des écoles catholiques de Prescott-Russell, la présidence du comité d’administration des affaires de ce corps public et a perdu son droit de parole pour une réunion. » Et qu’avait-il donc fait pour mériter pareil châtiment? « Le conseiller Rhéal Lalonde avait dénoncé, sans le nommer, un confrère qui s’était présenté à un colloque sur l’éducation avec ‘une amie qu’il a fait passer pour sa femme’. Il avait aussi dénoncé la faible assiduité de certains conseillers aux ateliers. La dénonciation avait pris l’aspect d’un avis de motion qui demandait également que le cas soit porté à l’attention du comité d’orientation du conseil. » Cet avis avait été rejeté. Le président du CECPR, Bernard Clavel, avait expliqué lors de la réunion du conseil du 15 octobre, en se référant à Lalonde, qu’on « l’accuse d’avoir manqué de décorum, d’avoir interpellé plusieurs membres sans les nommer, d’avoir lancé des défis et des menaces, d’avoir proféré des calomnies et des médisances ». Lalonde avait refusé de rétracter ses propos alléguant également que les mesures de ses confrères « avaient pour but de l’empêcher de prendre la parole au conseil et de jouer son rôle de ‘chien de garde’ que lui avaient conféré ses électeurs ». Lalonde ne serait pas réélu au scrutin du 12 novembre et serait remplacé par Roch Lalonde.

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Les élections municipales avaient intéressé un grand nombre d’électeurs dans les municipalités de la région malgré « la température plus que maussade ». Quelques maires ont perdu leur poste dans différentes municipalités comme Conrad Lamadeleine qui a délogé Guy Génier à Casselman et Denis Pommainville qui a montré la porte à Gérard Bertrand dans Cambridge; dans le canton d’Alfred, Yves Laviolette a été élu. À Hawkesbury, je me suis classé sixième (1304 votes) parmi les onze candidats, ce qui suffisait à me faire élire. Le maire Aurèle Fournier a été réélu à Vankleek Hill, de même que Gérald Joly à Alfred, André Langlois à Plantagenet, Rhéal Lalonde à St-Isidore, Claude Gravel dans Plantagenet-Sud, Roger Ravary dans Longueuil, Michel Lalonde dans Hawkesbury-Est et Gaston Patenaude dans Russell.

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Dans ma chronique du 27 novembre 1985, je revenais d’ailleurs sur ma présence en politique. « Ma situation de ‘politicien’ n’est pas nouvelle pour un journaliste dans la région. À venir jusqu’à tout récemment, l’éditeur de l’Express, Jean-Robert Danis, siégeait et présidait le Conseil d’éducation. Notre directeur de l’information, Charles Burroughs, a été conseiller et sous-préfet de L’Orignal. Et pendant près d’un quart de siècle, l’éditeur-propriétaire du journal The Review de Vankleek Hill, André Boyer, a été en politique très active : conseiller et maire de Vankleek Hill, en plus d’avoir présidé le Conseil des comtés unis. Il n’y a pas de problèmes quand tout le monde sait à quoi s’attendre. » Fait à noter, pas un seul lecteur n’avait manifesté d’objection à ma candidature, comme personne ne s’était opposé à celle de mon collègue Charles plusieurs années auparavant. Quand j’ai terminé mon mandat, je n’étais plus à l’emploi du journal.

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Berniquez, Drouin (Yves), Mullin sont réélus

Les élections municipales de novembre 1985, comme c’était coutume, avaient permis la réélection de plusieurs candidats sortants, surtout aux principaux postes. À Hawkesbury, par exemple, le maire Lucien Berniquez, le préfet Yves Drouin et le sous-préfet Edward Mullin sont réélus sans opposition, mais il y a quand même onze candidats pour les six postes de conseillers. La liste complète de tous les candidats des 18 municipalités de Prescott-Russell est publiée dans Le Carillon du 23 octobre 1985. Ainsi est réélu le maire Jean-Marc Lalonde, à Rockland; le préfet Lynn St-Denis et le sous-préfet Gary Barton, à Vankleek Hill; le maire Claude Laflamme et le sous-préfet Bernard Pilon sont les nouveaux titulaires à L’Orignal (l’ex-conseiller Charles Burroughs s’étant retiré de la course à la toute fin); le maire Jean-Paul Charlebois, dans Calédonia; le maire Claude Lemay, dans Clarence; le nouveau maire Neil Levac, dans Hawkesbury-Ouest; le sous-préfet André Simard, dans Longueuil; le maire André Lavigne, dans Plantagenet-Nord; le sous-préfet Simon Poirier, dans Plantagenet-Sud. Tous sans opposition.

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« Le Conseil municipal de Hawkesbury a décidé de se doter d’un commissaire industriel à plein temps et a confié le poste à son ancien administrateur municipal, Pierre Tessier. » Tessier entrerait en vigueur le 11 novembre, veille des élections municipales. Le maire Lucien Berniquez avait expliqué aux membres de la Chambre de commerce de Hawkesbury, comme le rapporte un article du 30 octobre 1985, que « le commissaire industriel a été mis sous contrat pour une période de six mois et que le contrat sera renouvelable par tranche de six mois ». Ce qui n’en faisait pas l’emploi le plus stable. La réaction de Tessier : « C’est un défi que l’on me lance. »

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Du déjà vu, mais à Embrun plutôt qu’à Russell. Décidément, cette région attire les projets de dépotoirs comme on le constate depuis 2010 ou 2011. Cette fois, comme le rapporte le journal du 30 octobre 1985, « plus de 1 200 résidants d’Embrun et des environs se sont catégoriquement opposés à l’implantation d’un dépotoir régional, tel que proposé par la firme d’ingénieurs Bertrand-Hewitt Enterprises Ltée. « L’endroit proposé pour le lieu d’enfouissement sanitaire technique se situe à environ quatre kilomètres au nord du village d’Embrun. Il comprend 150 acres de terrain dont quelque 55 acres serviront à dissimuler l’exploitation du lieu d’enfouissement de la vue du public. Actuellement, 40 acres de ce terrain sont dégagés, cinq acres sont utilisés pour l’exploitation d’un commerce (ferraille) et 105 acres sont couverts de broussailles et d’arbres. » Les arguments des opposants sont quasiment identiques à ceux qui seront soulevés plus de 25 ans plus tard par les citoyens contre un projet de dépotoir dans une partie du canton située cette fois au nord du village de Russell : pas dans ma cour s.v.p. Le projet n’a pas eu lieu cette fois-là non plus.

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J’en parle dans ma chronique du 30 octobre 1985. « Lynne Brisebois, la fille de Rolland et Michèle Brisebois, de L’Orignal, perce de plus en plus sur la scène artistique. Il y a deux semaines, elle a remporté la première manche de sa participation au concours de Montréal En Direct, à Télé-Métropole, ce qui lui a même valu un reportage dans le journal Écho-Vedettes. » Lynne est toujours dans le milieu artistique sous son nom d’artiste, Alex Bay. Je la revois de temps en temps.

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Sont-ils riches aujourd’hui?

La Caisse populaire de Hawkesbury célébrait son 35e anniversaire et pour marquer l’événement, ses dirigeants avaient décidé que la caisse « ouvrira un compte d’épargne à tous les nouveau-nés, fils ou fille d’un sociétaire ». Comme on peut le lire dans l’édition du 18 septembre 1985 du journal Le Carillon, « cette mesure a pour but de souligner l’importance accordée à la famille par cette institution financière coopérative, en même temps qu’on assurera la relève à une date ultérieure. Chaque nouveau-né dont les parents sont sociétaires de la Caisse populaire de Hawkesbury aura donc droit à une part sociale et à un dépôt initial de dix dollars dans un compte d’épargne ouvert à son nom. » Intéressant! J’aimerais bien savoir combien de ces « nouveau-nés » sont encore, aujourd’hui, sociétaires de la Caisse populaire de Hawkesbury. La Caisse devrait s’en vanter si le nombre est important.

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En cet été et cet automne de 1985, le débat public tourne autour du « parachèvement des écoles secondaires catholiques » et les opinions sont très partagées aux quatre coins de la province. Il s’agit, essentiellement, de prolonger le financement des écoles secondaires catholiques jusqu’au niveau de la 13e année (qui existait alors) au lieu de la 10e année. L’intérêt des contribuables, comme je le note dans mon éditorial du 25 septembre 1985, est inexistant. « Le sort des Expos, des Concordes, des Canadiens ou des Nordiques soulève un intérêt plus grand que les questions d’ordre politique ou social. La frivolité de la société humaine n’est plus à démontrer. Les lions qui mangeaient les chrétiens attiraient plus grande foule que les discours de Socrate ou de Platon. » Je déplorais le désintéressement du public surtout pour les questions scolaires.

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Son visage et ses cheveux blancs bouclés étaient reconnaissables au loin à Hawkesbury et à L’Orignal. « Le Dr Pierre Arcade Perrier est décédé lundi matin des suites d’une longue maladie. Il était âgé de 72 ans. Le Dr Perrier, aimable figure d’un homme jovial adorant les enfants et les jeunes, a longtemps œuvré auprès de la jeunesse. » L’article était publié dans le journal du 25 septembre 1985. « En 1947, alors qu’il avait été conseiller municipal l’année précédente, le Dr Perrier lançait le slogan ‘La jeunesse est l’espoir de demain’ comme thème de sa campagne électorale à la préfecture municipale. Le 1er décembre de cette année-là, il se faisait élire avec une majorité de 211 voix sur le préfet sortant Omer Laurin. Le maire était alors le Dr Charles-Émile Lafrance. (…) Le Dr Perrier était réélu sans opposition en novembre 1951, mais était défait en 1953, alors qu’il postulait la mairie. Cette année-là, le peuple avait donné un mandat très fort au nouveau maire Rosaire Gascon, le préférant au Dr Perrier, à Me Omer Chartrand et à Maurice Théorêt. » Des médecins et des avocats en politique municipale, il n’y en a plus tellement dans les petites communautés.

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Un article d’apparence anodine dans les pages intérieures du journal du 9 octobre 1985. Il était question de ma candidature à un des six postes de conseillers au Conseil municipal de Hawkesbury lors du scrutin du 12 novembre suivant. « Filion explique que son expérience de contribuer directement au service communautaire, par l’entremise du hockey mineur, lui a donné le goût d’en faire davantage, en sollicitant un mandat de la population locale. » J’y reviendrai bien sûr. Cela confirmait aussi en quelque sorte que le journalisme ne comblait plus toutes mes aspirations.

L’éditeur André Paquette avait par ailleurs signé un éditorial dans lequel il rappelait la philosophie et les politiques du journal, de même que ses attentes si jamais j’étais élu. De toute façon, la réputation du journal d’ouvrir ses colonnes à toutes les critiques imaginables à son endroit était en quelque sorte garante que quelqu’un quelque part surveillerait mes agissements et ma capacité à différencier mes deux rôles.

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Boudria en faisait sa priorité

Le pont Perley entre Hawkesbury et Grenville était maintenant la priorité du député fédéral Don Boudria. C’est que Boudria venait d’être nommé « critique libéral des Travaux publics » par le chef de l’Opposition libérale, John Turner, et qu’à titre de « critique des Travaux publics, j’aurai un accès encore plus grand au ministre et aux dossiers » pouvait-on lire dans Le Carillon du 11 septembre 1985. Ce n’était pas d’alors que la piètre qualité du « seul pont reliant les deux rives de l’Outaouais entre Ottawa et Montréal » inquiétait les citoyens et les politiciens. Boudria ne chômait pas à la fin de sa première année comme député fédéral. Comme le précise l’article, « il conservera aussi son rôle actuel de critique d’Approvisionnement et Services, de vice-président du Comité du caucus pour les opérations gouvernementales et de vice-président du Caucus libéral de l’Ontario ». Le pont Perley sera sa priorité pendant encore plusieurs années avant qu’un nouveau pont voit le jour.

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Internet n’existait pas encore et il était alors possible de réclamer certaines interdictions comme l’avaient fait les 2 200 signataires d’une pétition visant à « Ramener la religion au foyer ». Aujourd’hui, les réactions pro ou contre envahiraient rapidement les réseaux sociaux. La pétition de gens de Hawkesbury et de L’Orignal avait été présentée au député fédéral Don Boudria après que le groupe eut conclu que les autorités municipales n’avaient pas la compétence nécessaire pour légiférer dans le sens qu’il souhaitait. « La pétition réclame du gouvernement canadien l’interdiction de vendre, louer ou exhiber des ‘livres, journaux, magazines, portraits, audiovisuels, disques, vidéocassettes où il y a nudité, ou toute lecture ou tout matériel visuel ou qui peut être entendu, destiné à éveiller l’appétit sexuel ou à l’inclination érotique’. » On peut aussi lire dans l’article du 18 septembre 1985 que selon Bertrand Jetté, le porte-parole du groupe, les signataires de la pétition lutteront « énergiquement contre la pornographie, l’avortement, les drogues et même le divorce. Il soutient que le divorce est une forme de ‘violence contre l’enfant’ puisque celui-ci se retrouve souvent abandonné et victime de la séparation de ses parents. » Certains conservateurs de Harper adoreraient une telle pétition aujourd’hui.

Ma réaction en éditorial : « Toute forme d’extrémisme, qu’il soit politique ou religieux, est dangereux. Les exemples à travers le monde sont trop nombreux pour les énumérer. Il faut se demander, en effet, où s’arrêteront l’interdiction et le contrôle des âmes. »

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Qu’est-ce qu’on fait quand on est député de l’Opposition officielle? On s’oppose, même si le raisonnement peut sembler douteux. Ainsi, dans le journal du 18 septembre 1985, « le député de Glengarry-Prescott-Russell aux Communes s’oppose au projet de loi visant à interdire la sollicitation en public aux fins de prostitution ». Ses arguments? « M. Boudria reconnaît que ‘nous traversons une période difficile sur le plan économique, et le racolage fournit un revenu lorsque le chômage sévit’. » Et il en rajoutait : « La prostitution est une activité qui permet de gagner sa vie, et même s’il s’agit d’un métier que beaucoup d’entre nous réprouvent, il n’en existe pas moins. Beaucoup de femmes s’y livrent à contrecœur, car elles ne savent pas faire autre chose. » Boudria avait par contre fait remarquer « que le projet de loi ne contient aucune mesure pour réduire ou éliminer les démarches des clients dans la rue ».

Ce qui me rappelle mes premières années à Postes Canada alors que les libéraux étaient encore dans l’Opposition. Un jour, après avoir accompagné mon président-directeur général devant un comité des Communes, j’avais reproché à « mon » député de ne pas être juste envers mon employeur. Il m’avait expliqué que c’était son rôle dans l’Opposition de s’opposer. Je lui avais répliqué de laisser quelqu’un d’autres faire ce travail, pas mon député.

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50 emplois pour des ceintures

« La compagnie Belts-By-Us, de St-Eugène, recevra un prêt d’encouragement à terme de 130 000 $ de la Corporation de développement de l’Est ontarien. (…) Le prêt s’ajoute au capital de 215 000 $ investi par la compagnie et contribuera à payer une partie des salaires des 50 nouveaux emplois créés par l’ouverture de cette nouvelle usine. » Comme on peut le lire dans Le Carillon du 28 août 1985, « cette entreprise confectionnera des ceintures, bretelles et autres accessoires vestimentaires, en mettant l’accent sur le marché américain ». Je dois reconnaître que je n’ai jamais entendu parler de cette entreprise par la suite.

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Fernand Guindon était un politicien très connu de l’Est ontarien et sans doute l’un des plus respectés. Dans le journal du 28 août 1985, on apprend qu’il est décédé à l’âge de 68 ans. « Fernand Guindon, de Cornwall, a d’abord été élu à l’Assemblée législative ontarienne comme député de Glengarry, en 1957. Deux ans plus tard, il sollicitait et obtenait le poste de député de Stormont; il devait être réélu trois fois à ce poste. Il a fait son entrée en cabinet provincial en 1967 et est alors devenu vice-président de la Commission des parcs du Saint-Laurent. Plus tard, il devait occuper les postes de ministre du Tourisme et de ministre du Travail. En 1974, il a abandonné la scène provinciale afin de tenter sa chance sur la scène fédérale. Il devait toutefois être défait dans la circonscription de Stormont-Dundas par le libéral et ancien maire de Cornwall, Ed Lumley. Depuis sa retraite, il avait également été vice-président de la Société des loteries de l’Ontario. » Il était président fondateur de Guindon-Glenoco, une entreprise de produits pétroliers de Cornwall.

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Il siégeait au Conseil municipal de L’Orignal depuis 1977 et il en était alors sous-préfet quand il a annoncé sa candidature à la mairie de son village le 12 novembre suivant. La nouvelle de la candidature de Charles A. Burroughs, mon bras droit et chef de l’information au journal Le Carillon, est publiée dans le journal du 28 août 1985. Avant son élection du Conseil, Charles s’était fait avantageusement connaître dans sa communauté par la Commission de la bibliothèque et par sa présidence du Comité du centenaire de L’Orignal en 1976, en plus de plusieurs autres organismes locaux. J’y reviendrai.

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Décidément, la question ne serait jamais tranchée puisqu’elle revenait à la surface quasiment une fois par année. « Le statut particulier pour certains et confus pour d’autres de l’école catholique St-Joseph de Russell soulève une nouvelle vague de mécontentement chez les parents francophones. » Un groupe de parents, comme le signale un article dans le journal du 11 septembre 1985, demande « que l’école de Russell soit une fois pour toutes proclamée école française et qu’un comité administratif soit mis sur pieds pour assurer que les élèves qui fréquentent l’école soient bel et bien francophones ». Le problème découlait de l’augmentation galopante des inscriptions d’élèves de langue maternelle anglaise. « L’inscription est d’ailleurs passée de seulement quelque 70 élèves en 1976 à plus de 300 maintenant. » Pour le directeur général du Conseil des écoles catholiques de Prescott-Russell, Jean-Paul Scott, « l’école de Russell est une école française avec des programmes adaptés aux anglophones qui sont inscrits à l’école. Ce type d’école semble satisfaire les parents. Selon toutes les indications que nous avons eues, c’est un petit groupe de parents seulement qui désapprouvent le contexte actuel. » Voilà! Fin de la conversation. En 2013, la situation de l’école St-Joseph de Russell est à peu près la même… école française avec une grande proportion d’enfants dont la langue maternelle est l’anglais. Ils en sortent bilingues éventuellement.

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De brèves anecdotes de l’été 1985

Après le départ de Monique, une nouvelle recrue arrive au service de nouvelles, Sylvie Gauvreau, de Ste-Cécile-de-Masham, une bachelière en communication de l’Université d’Ottawa. Je dois avouer n’avoir aucun souvenir d’elle; elle n’a pas dû rester longtemps à notre service. J’en parle dans ma chronique du journal Le Carillon du 24 juillet 1985. Dans cette même chronique, j’avais signalé qu’une stagiaire en journalisme passait un deuxième été avec nous. Dianne Paquette était étudiante en communications à l’Université d’Ottawa. Elle rejoindra la salle de rédaction du journal quelques années plus tard pour ensuite passer au journal Le Droit jusqu’à il y a quelques années.

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J’ose affirmer que tous les citoyens de Hawkesbury avaient rencontré leur greffier municipal Jean-Baptiste Cuillerier au moins une fois pendant sa longue carrière à ce poste. Lorsqu’il prendrait sa retraite le 26 novembre suivant, après les élections municipales, il serait remplacé par le trésorier municipal Jean-Jacques Poulin, lui-même employé municipal depuis 20 ans. Comme journaliste, je côtoyais les deux depuis justement 20 ans.

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La nouvelle clinique Trillium ouvre ses portes au 1040 rue Ghislain, juste de l’autre côté du nouvel Hôpital général de Hawkesbury et la région. En plus des bureaux des professionnels de la santé, les docteurs Jean Fairfield, Jacques Bergevin, François Théorêt (alors mon médecin de famille) et Lowesha Kapijimpanga, les clients y trouvent aussi une pharmacie, celle de Lise St-Denis. Il y avait aussi les médecins Arnold, Borduas, Caron et Therrien. Neuf spécialistes y venaient comme consultants de façon régulière. L’édifice est toujours là et a toujours la même vocation.

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Les locataires étaient contents, mais pas les propriétaires. « La nouvelle loi sur la révision des loyers prévue par le gouvernement de l’Ontario signifie que les responsabilités des propriétaires et des locataires seront modifiées avec effet rétroactif au 1er août 1985. » La publicité est dans le journal du 21 août. « À compter de ce jour, une ligne directrice de la révision des loyers de 4 % s’appliquera à la plupart des immeubles d’appartements, aux maisons jardins de locations, aux duplex, aux logis en copropriété et aux logements individuels tels que les maisons. (…) Jusqu’au 1er août 1985, une ligne directrice permettant une hausse de 6 p. 100 des loyers s’appliquait à la plupart des logements locatifs privés, sauf dans les cas d’unités habitées après 1975 et certaines unités louées à 750 $ par mois ou plus. »

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Une autre longue grève prend fin. « Une entente est intervenue vendredi entre le local 495 du Syndicat des employés unis du textile et l’usine Dominion Textile de Hawkesbury, mettant ainsi fin à près de quatre mois de grève. » Les détails dans le journal du 28 août 1985.

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Le témoignage d’une famille éprouvée (3)

La présentation de Monique Castonguay devant la Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India, le 3 octobre 2006, est aussi un témoignage à la première personne de ce qu’a vécu sa famille entière en lendemain de cet terrible acte de terrorisme. Je tenais à partager ce témoignage avec mes lecteurs et à le consigner sur le Web dans mon blogue. Comme je l’écrivais lundi, il n’y a pas eu d’autres événements du genre qui ont touché des communautés de Prescott-Russell d’une telle façon. Voici la dernière de trois parties :

Au moment de la présentation du rapport de M. Rae, prévue le 23 novembre 2005, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une invitation spéciale à me rendre à l’avance au dévoilement. Le privilège de prendre connaissance du rapport avant sa présentation était réservé aux membres de l’exécutif de l’association des familles.

En cherchant les représentants des familles des victimes, la télévision d’État a coupé au montage la personne blanche au milieu du groupe; ils ont dû me prendre pour une employée chargée des relations avec les familles, puisque j’étais blanche. On n’en sort pas. À chaque fois que ce genre d’exclusion se produit, c’est comme si on nous enlevait le droit d’inclure Rachelle au nombre des victimes d’Air India, et de pleurer sa perte.

Dans son rapport, M. Rae avait recommandé une commission d’enquête à pouvoirs réduits, en espérant que la Chambre des communes lui accorde par la suite des pouvoirs supplémentaires au moment opportun, s’il était confronté à un refus de collaborer de la part des personnes qu’il devait entendre. Cette forme d’enquête supposait la participation volontaire de tous, sans réserve. M. Rae a été confirmé responsable de cette enquête les jours suivants, juste avant le déclenchement des élections qui pouvaient tout compromettre.

Nous apprenions par la suite que les pouvoirs limités de la commission auraient pu mettre en péril la réalisation des objectifs des travaux de la commission. De plus, le jeu politique prévoit que les projets embryonnaires d’un gouvernement ne survivent pas nécessairement à une élection, que le gouvernement soit réélu ou non. Nous aurions eu à recommencer les mêmes doléances auprès du gouvernement suivant.

Dès l’entrée au pouvoir du gouvernement actuel, le Premier ministre Stephen Harper a signifié son intention de donner suite à la tenue d’une enquête publique, une enquête publique avec pleins pouvoirs judiciaires. C’est inhabituel de la part d’un jeune gouvernement minoritaire d’agir aussi rapidement sur une question qui a déjà traîné aussi longtemps sur les tablettes. Nous avons été agréablement surpris que nos réclamations de justice soient considérées aussi tôt dans le cours de son mandat.

Il fallait revenir à notre but premier : cette enquête concerne tout le cafouillage qui a entouré l’acte de terrorisme le plus important qui ait été perpétré au Canada.

J’ai assisté à la rencontre du Premier ministre Harper avec des membres des familles à Ottawa en février. Il s’en est suivi votre nomination, Monsieur le Commissaire, et peu de temps après, une nouvelle rencontre au printemps entre les familles et vous.

Nous avons été étonnés, et soulagés à la fois de franchir cette nouvelle étape. Bien qu’elle nous redonne espoir, c’est aussi pour nous, en quelque sorte, l’occasion de la dernière chance de mettre en lumière toute la tragédie : celle du 23 juin 1985, autant que celle de l’enquête et du procès durant les années qui ont précédé et suivi l’attentat.

L’inauguration des travaux de la Commission, le 21 juin cette année, a été pour nous un point marquant dans la recherche de la justice. J’ai été particulièrement touchée de voir défiler les noms de chacune des victimes sur un écran géant durant le moment de silence. Trop souvent, la référence que l’on fait aux victimes se borne au chiffre 329, une simple statistique, et combien de fois la minute de silence n’a pas été respectée dans l’auditoire. Cette nouvelle approche a véritablement créé un climat de recueillement et de respect où nous étions tous unis dans cet hommage ultime rendu à la mémoire de nos chers disparus. Cet instant précieux a été des plus émouvants pour chacun des participants; il avait sa raison d’être.

Durant les heures qui ont suivi, j’ai été invitée avec certains autres membres des familles à me rendre à la Chambre des communes, dans la galerie des invités du Premier ministre, afin d’assister aux débats de la journée après le repas. On devait y faire référence à l’inauguration de la Commission lors de la période de questions. Sur place, on m’a désigné une place bien à l’écart des autres invités représentant les Indo-Canadiens. Au moment où on a souligné l’ouverture des travaux de la Commission, un groupe d’une quinzaine d’hommes portant le turban, que nous n’avions pas vus le matin, lors de l’ouverture des travaux de la Commission, se sont levés pour signifier leur présence dans la galerie réservée au public; ils sont partis immédiatement après. Je ne peux faire autrement que de m’interroger : qui étaient-ils? Était-ce une nouvelle tentative d’intimidation afin de faire pression sur les travaux de la Commission? J’ose espérer que non et que la Commission conservera son intégrité.

Depuis cet assassinat collectif, les membres de notre famille ont passé par toute une gamme de sentiments relatifs au deuil : le choc initial, le refus de croire, la colère, la culpabilité de l’avoir laissée partir, et la tristesse. L’acceptation devrait en être la dernière étape. Un deuil normal dure de six mois à quatre ans en moyenne. Oui, nous avons accepté que Rachelle ne soit plus des nôtres, mais nous n’accepterons jamais la façon dont elle a été enlevée à la vie, non plus les tentatives de nous induire en erreur en nous cachant la vérité.

Cependant depuis 21 ans, le cours de l’enquête, la reprise des communications après des années de silence, le procès, l’incroyable verdict, les rencontres, les entrevues avec les médias et la lecture des livres publiés sur a question, nous ont tour à tour ramené encore et encore au début du processus normal du deuil. À chaque fois, nous avons ressenti la vive douleur de la perte injustifiable de celle qui nous était chère. Combien de fois faudra-t-il encore revenir aux premières émotions de ce deuil?

Il est clair pour nous que, tout comme les révélations du procès et celles des livres qui ont été écrits sur le sujet, ce que nous découvrirons durant les travaux de la Commission risque de nous blesser de nouveau. C’est un risque à courir afin de faire toute la lumière sur la question. Rachelle n’en aurait pas fait moins elle-même si elle avait été confrontée à la même perte d’un proche ou d’un ami.

Jusqu’à maintenant, la justice et la sécurité de notre pays ont failli honteusement. Le résultat du procès en mars 2005 est un pied de nez à la mémoire de 331 personnes qui ont été assassinées en incluant les victimes de Narita, au Japon; le verdict donne de façon tacite l’assentiment de notre justice à tout autre complot terroriste. Il est primordial que l’enquête publique aille au fond des choses. Nous espérons que cette enquête publique puisse recommander les correctifs nécessaires aux procédures et aux lois canadiennes. Cette enquête créera, de plus, une ouverture au gouvernement canadien afin qu’il puisse reconnaître et réparer ses torts auprès des familles des victimes et de toute la population canadienne, malgré les vingt-et-une années écoulées.

La Commission d’enquête publique représente pour un peuple comme le nôtre la seule voie civilisée et démocratique ayant pour but de corriger les erreurs du passé. Celle-ci permettra, nous l’espérons, d’identifier les failles à la Cour fédérale comme à celles des provinces, devant des aberrations telles que les verdicts de non-culpabilité et de culpabilité à accusations réduites accordés par la Justice de la Colombie-Britannique. Une étude exhaustive s’impose également afin d’identifier ces lacunes trop souvent utilisées à l’avantage des responsables mis en accusation. Il y a amplement de place à l’amélioration. La Commission nous offre cette possibilité, et nous comptons sur vos recommandations.

Il y aurait lieu également d’étudier la collaboration avec les agences de sécurité et de renseignements d’autres pays, les différentes juridictions de sécurité et toutes les parties impliquées de près ou de loin dans cet attentat. Il en va de même concernant la position des gouvernements qui se sont succédé au pays quant au débat sur l’acte de terrorisme le plus important qu’ait connu le Canada, le plus sérieux au monde touchant le transport aérien avant ceux du 11 septembre 2001. Le gouvernement canadien pourra modifier ses lois et ses ententes internationales à la lumière des révélations de l’enquête. Si en 1985 le mandat de notre Service de sécurité ne prévoyait pas collaborer avec les forces de l’ordre, il faut admettre que sans cette collaboration vitale, d’autres machinations aussi déplorables telles que celle qui visait à détruire les édifices du Parlement d’Ottawa, ou à faire exploser les avions américains en partance de Londres, tout récemment, n’auraient pu être évitées. Bien que ces événements éveillent en nous des souvenirs malheureux, nous avons tous été soulagés qu’on ait pu, dans les deux cas, entraver le cours d’actes dévastateurs répugnants, et épargner la vie de centaines d’innocents.

Nous en venons à penser que la Loi sur le terrorisme devrait permettre de retirer la citoyenneté canadienne à tout Néo-Canadien qui se sert du Canada comme pied-à-terre dans le but de commettre un acte terroriste, ou de gérer des cellules terroristes satellites afin de détruire d’autres vies humaines au Canada ou ailleurs dans le monde. C’est usurper la citoyenneté canadienne en faisant le faux serment de respecter les lois du pays. Qu’en est-il actuellement? Sommes-nous à la merci de ces groupes de lâches?

La tenue des travaux de la Commission a le pouvoir de soulager les membres des familles des victimes du lourd fardeau de tenter de mener l’enquête eux-mêmes et de faire la preuve qu’il y a eu défaillance à plusieurs niveaux depuis 1985. Une enquête publique comme celle de la Commission accordera également aux membres des familles (y compris la nôtre) la possibilité de vivre complètement leur deuil, jusqu’au bout. Un procès tel que celui qui s’est terminé en 2005, doublé d’une série de gouvernements qui sont entêtés en 20 ans à ne pas reconnaître les évidences et les responsabilités du Canada, ne fait qu’ajouter au cauchemar de tous les instants que vivent les membres des familles éprouvées. Si l’enjeu de cet attentat nous était étranger dans notre pays, cette tragédie a véritablement pris racine au Canada!

Nous aurions également désiré que les travaux de la Commission puissent se pencher, dans le contexte de la tragédie d’Air India, sur les contributions politiques versées par des personnes qui pourraient être impliquées dans cette machination terroriste et qui auraient tout avantage à ce que les coupables demeurent impunis. Malheureusement, le mandat la Commission est limité. Nous resterons sur notre faim de justice quant aux éventuels liens entre ces gens-là et les élus de nos gouvernements depuis juin 1985, de même que sur la nationalité des membres des partis politiques canadiens qui sont appelés à diriger nos provinces ou notre pays.

Les procédures de la Commission laissent entrevoir un processus long et lourd, qui risque de se perdre dans les dédales de multiples injonctions lucratives aux bureaux d’avocats. Nous vous enjoignons de comprendre notre douleur, et notre désir de prévenir tout dérapage, et de maintenir la direction de cette enquête afin d’en arriver à des analyses et à des conclusions appropriées et hautement justifiées.

Comme on l’a constaté durant le procès des présumés auteurs de cet attentat (couronné d’un verdict de non-culpabilité rendu en Colombie-Britannique 20 ans après le fait), plusieurs témoins importants étaient morts depuis la tragédie (deux d’entre eux ont même été assassinés avant de pouvoir témoigner), d’autres n’avaient plus de souvenir indiscutable des événements. Ces oublis ont donné lieu au « doute raisonnable », cette douloureuse expression bouche-trou qui semble avoir été apprêtée à plusieurs sauces durant le procès. Le tour de force reste de s’assurer de mener rapidement une enquête en profondeur. Il nous tient à cœur que vous puissiez éviter d’escamoter les éléments importants qui ont mené à ce désastre et au cafouillage de nos institutions canadiennes au cours des vingt-et-une années qui ont suivi.

Nous souhaitons spécifiquement que l’enquête permette d’expliquer et révéler :

UN – Les raisons qui ont entouré la négligence du gouvernement à prévenir cette tragédie (services secrets, sécurité, avertissements du gouvernement de l’Inde, entre autres sources), alors qu’on savait qu’Air India n’offrait qu’une seule envolée par semaine vers l’Inde, ce qui donne à croire que les passagers ont été tout simplement été envoyés à l’abattoir faute d’une action de prévention immédiate appropriée;

DEUX – Les raisons et les lois qui ont entouré le manque de surveillance à l’aéroport de Vancouver, les services de sécurité confiés à une entreprise privée par le gouvernement fédéral en place, les systèmes habituel et manuel de vérification des bagages qui ont été défaillants simultanément au moment de vérifier les bagages contenant les bombes;

TROIS – Les raisons qui ont entouré l’incompétence et le manque de jugement des employés de la sécurité chargés d’enquêter sur le dossier (la mauvaise préparation, l’ignorance de la langue des individus à surveiller, le refus d’échanger des renseignements cruciaux entre les services secrets et la GRC, les conflits de personnalités reconnus par les autorités, la destruction de matériel à conviction, l’inaction face à une bombe testée et l’excuse du « coup de fusil »), le manque de sanctions apparent envers le personnel fautif et de prise de mesures pour rectifier la situation;

QUATRE – Les raisons qui ont entouré le manque d’appuis aux familles des victimes individuellement et la désinformation sur les positions réelles du gouvernement canadien qui a tenté de se soustraire de ses responsabilités face à cette tragédie;

CINQ – Les raisons qui ont entouré la mauvaise préparation de la Couronne en vue d’un long procès onéreux, rendu stérile par son verdict; le manque d’encadrement par la sécurité auprès du juge lorsqu’il a dû s’absenter pour les funérailles de son frère (le rendant ainsi, lui et les membres de sa famille, vulnérables à toute forme d’intimidation);

SIX – Les raisons et les lois qui ont permis aux terroristes de se financer à même les deniers publics et les campagnes de recrutement de fonds de leur communauté religieuse;

SEPT – Bien que le mandat de la Commission ne prévoie pas enquêter à ce niveau, nous aurions bien aimé connaître les raisons véritables qui ont entouré le refus des membres des gouvernements précédents de mener une enquête publique sur la tragédie d’Air India, en particulier lorsqu’un vote favorable a été inscrit sur la motion de l’Opposition le 12 avril 2005 à la Chambre des communes.

Il est primordial que la Commission d’enquête publique puisse obtenir toutes ces réponses, sans pour autant nuire à la progression des enquêtes policières présentement en cours ni à la sécurité nationale. C’est à cette seule condition que nous accepterons l’utilisation des audiences à huis clos.

Les événements qui ont marqué les deux dernières décennies ont laissé les membres de notre famille déçus, désillusionnés, sans voix auprès des autorités, trahis par une justice qui donne trop de latitude aux terroristes et aux malfaiteurs, et peu confiants sur la volonté du gouvernement de réellement faire tout en son possible afin d’aider non seulement les membres des familles des victimes, mais aussi la Justice. D’un point de vue strictement culturel, notre famille est entraînée au cœur d’un remous auquel nous pouvons difficilement nous identifier, d’une part en raison de la majorité culturelle, d’autre part à cause du processus judiciaire auquel nous n’étions aucunement initiés. La Commission d’enquête nous apporte un vent d’espoir.

Il est déplorable que le Canada soit utilisé comme tremplin à des horreurs comme celle que nous avons vécue, que notre pays serve de terrain à des règlements de compte politiques de sources étrangères, et que ces actions répréhensibles soient souvent menées par des personnes qui ont obtenu une citoyenneté canadienne grâce à un serment d’allégeance bidon. L’objectif de cette vendetta contre le gouvernement de l’Inde était de détruire deux de ses avions; ce faisant, ils ont assassiné 331 personnes. Le dommage a davantage atteint le Canada, pays de paix, par la perte de pas moins de 280 de ses citoyens, dont 60 enfants. Qu’est-ce qui a été fait pour contrer le terrorisme entre 1985 et septembre 2001?

Les événements du 23 juin 1985 semblent aussi avoir donné le ton à d’autres actes terroristes de par le monde, qui mettent en scène des citoyens qui font fi du gouvernement et de ses lois dans le pays qui les accueille, et qui utilisent des méthodes de financement à même les deniers publics et les œuvres de charité. Leurs leaders se cachent derrière leurs militants et leur font prendre les vrais risques à leur place pour commettre des actes meurtriers et des tueries aux multiples victimes innocentes (en utilisant dorénavant des avions). Et le règne des ces mouvements terroristes se perpétue ici, dans nos villes canadiennes comme ailleurs, sous la forme d’intimidation, de règlements de compte et d’assassinats. La violence n’a jamais rien réglé, et à long terme, entraîne une escalade d’actions plus meurtrières les unes que les autres.

Les membres de notre famille sont meurtris par les événements des dernières décennies, bafoués par les revers des autorités et de la justice depuis 21 ans, épuisés de réclamer justice. Rachelle était pour nous tous, d’abord le premier enfant d’Hervé et Dolorès, une fille, et aussi une sœur, une confidente, une compagne de jeu, une belle-sœur, une marraine, une petite-fille, une filleule, une nièce, une tante, une cousine, une amie, une collègue, une camarade de classe, une voisine, un grand amour, une personne affirmée, déterminée, engagée et ouverte au monde, une jeune femme talentueuse et brillante, une employée dévouée, une citoyenne canadienne et une contribuable.

Nous espérons donc la conclusion de cette enquête publique dans les meilleurs délais, et que le gouvernement prenne des mesures afin de modifier en conséquence notre système judiciaire, et que justice puisse avoir lieu là où ce sera possible. Les révélations de cette enquête devront inciter le gouvernement à s’engager sérieusement à corriger les méandres et les échappatoires de nos lois. Trop d’événements ont entravé le cours de la justice et la sécurité de la population, les travaux de la Commission serviront, nous l’espérons sincèrement, à prévenir le retour d’événements semblables.

Mon témoignage à la Commission s’achève ici. Le récit que je vous ai livré relate la façon dont la famille Castonguay a vécu ces pénibles événements et les demandes que nous adressons à la Commission. Il est prévu qu’il n’y aura pas de contre-interrogatoire pour les membres des familles par les procureurs de la Commission; je ne désire pas non plus m’y exposer à l’extérieur des cadres de ce témoignage. Je souhaite de tout mon coeur que l’attention soit maintenant entièrement tournée vers le but de la Commission : celui d’identifier les lacunes dans tout ce qui entoure la tragédie d’Air India, ce jour-là et toutes les années qui l’on précédé et ont suivi, et de recommander les correctifs qui s’imposent afin rendre mon pays un endroit où la justice se fait respecter de tous. Personne au Canada ne devrait avoir à revivre les événements des 21 années que nous venons de vivre. Les membres de ma famille désirent maintenant s’abstenir de commentaires et vivre leur deuil pour que dans un avenir proche, Rachelle puisse enfin reposer en paix.

Note du blogueur : Vous pourrez retrouver les principales observations de cette enquête publique, au cours de laquelle Monique a témoigné, sur le site Web suivant : http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/commissions/air_india/2010-07-23/www.majorcomm.ca/fr/reports/finalreport/principales-observations.pdf.