Le pont Perley entre Hawkesbury et Grenville était maintenant la priorité du député fédéral Don Boudria. C’est que Boudria venait d’être nommé « critique libéral des Travaux publics » par le chef de l’Opposition libérale, John Turner, et qu’à titre de « critique des Travaux publics, j’aurai un accès encore plus grand au ministre et aux dossiers » pouvait-on lire dans Le Carillon du 11 septembre 1985. Ce n’était pas d’alors que la piètre qualité du « seul pont reliant les deux rives de l’Outaouais entre Ottawa et Montréal » inquiétait les citoyens et les politiciens. Boudria ne chômait pas à la fin de sa première année comme député fédéral. Comme le précise l’article, « il conservera aussi son rôle actuel de critique d’Approvisionnement et Services, de vice-président du Comité du caucus pour les opérations gouvernementales et de vice-président du Caucus libéral de l’Ontario ». Le pont Perley sera sa priorité pendant encore plusieurs années avant qu’un nouveau pont voit le jour.
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Internet n’existait pas encore et il était alors possible de réclamer certaines interdictions comme l’avaient fait les 2 200 signataires d’une pétition visant à « Ramener la religion au foyer ». Aujourd’hui, les réactions pro ou contre envahiraient rapidement les réseaux sociaux. La pétition de gens de Hawkesbury et de L’Orignal avait été présentée au député fédéral Don Boudria après que le groupe eut conclu que les autorités municipales n’avaient pas la compétence nécessaire pour légiférer dans le sens qu’il souhaitait. « La pétition réclame du gouvernement canadien l’interdiction de vendre, louer ou exhiber des ‘livres, journaux, magazines, portraits, audiovisuels, disques, vidéocassettes où il y a nudité, ou toute lecture ou tout matériel visuel ou qui peut être entendu, destiné à éveiller l’appétit sexuel ou à l’inclination érotique’. » On peut aussi lire dans l’article du 18 septembre 1985 que selon Bertrand Jetté, le porte-parole du groupe, les signataires de la pétition lutteront « énergiquement contre la pornographie, l’avortement, les drogues et même le divorce. Il soutient que le divorce est une forme de ‘violence contre l’enfant’ puisque celui-ci se retrouve souvent abandonné et victime de la séparation de ses parents. » Certains conservateurs de Harper adoreraient une telle pétition aujourd’hui.
Ma réaction en éditorial : « Toute forme d’extrémisme, qu’il soit politique ou religieux, est dangereux. Les exemples à travers le monde sont trop nombreux pour les énumérer. Il faut se demander, en effet, où s’arrêteront l’interdiction et le contrôle des âmes. »
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Qu’est-ce qu’on fait quand on est député de l’Opposition officielle? On s’oppose, même si le raisonnement peut sembler douteux. Ainsi, dans le journal du 18 septembre 1985, « le député de Glengarry-Prescott-Russell aux Communes s’oppose au projet de loi visant à interdire la sollicitation en public aux fins de prostitution ». Ses arguments? « M. Boudria reconnaît que ‘nous traversons une période difficile sur le plan économique, et le racolage fournit un revenu lorsque le chômage sévit’. » Et il en rajoutait : « La prostitution est une activité qui permet de gagner sa vie, et même s’il s’agit d’un métier que beaucoup d’entre nous réprouvent, il n’en existe pas moins. Beaucoup de femmes s’y livrent à contrecœur, car elles ne savent pas faire autre chose. » Boudria avait par contre fait remarquer « que le projet de loi ne contient aucune mesure pour réduire ou éliminer les démarches des clients dans la rue ».
Ce qui me rappelle mes premières années à Postes Canada alors que les libéraux étaient encore dans l’Opposition. Un jour, après avoir accompagné mon président-directeur général devant un comité des Communes, j’avais reproché à « mon » député de ne pas être juste envers mon employeur. Il m’avait expliqué que c’était son rôle dans l’Opposition de s’opposer. Je lui avais répliqué de laisser quelqu’un d’autres faire ce travail, pas mon député.