Je reproduis le texte intégral de cet article publié dans l’édition du 15 septembre 1982 du journal Le Carillon. Je ne me souviens pas de la source de l’article, bien que cela puisse avoir accompagné le matériel de presse qu’on m’avait remis. Je pense que ce brin d’histoire intéressera mes lecteurs de la génération qui n’ont pas connu cette usine.
Depuis plus de 80 ans, l’usine de la Compagnie internationale de papier à Hawkesbury domine le paysage non seulement par sa présence physique, mais aussi par sa présence économique.
Pendant plus de trois quarts de siècle, un emploi à la « pulpe » a représenté, pour le travailleur de Hawkesbury, un poste rémunérateur et sûr, qui permettrait à quiconque était assez chanceux pour accéder à la liste de paye la sécurité matérielle et le prospect d’une retraite confortable.
Les volutes de fumée s’échappant de hautes cheminées, les convois de camions chargés de bois, le va-et-vient incessant sur la rue Principale à l’heure des changements de quart, tout ce branle-bas quotidien incessant fait partie des mœurs depuis longtemps.
Comme tant de villes à travers le monde, Hawkesbury a grandi et prospéré en même temps que la CIP, qui était jusqu’à ce jour un des plus gros employeurs et le plus contribuable de la ville.
Il faut remonter à 1898 pour retracer l’histoire de cette usine. D’abord conçue pour produire 68 tonnes métriques de pâte au bisulfite par jour, sa capacité était portée à 182 tonnes métriques dès 1918; en 1919, on lui ajoutait une section de blanchiment afin de produire une pâte au bisulfite blanchie destinée à la fabrication du papier filigrané de haute qualité.
À cette époque, l’usine était la propriété de la Riordon Company Limited qui fit faillite en 1921. L’administration de ses biens fut alors confiée à la Banque de Montréal jusqu’en 1925, année où la CIP, de formation récente, fit l’acquisition de l’usine de Hawkesbury. En 1937, l’usine était transformée afin de produire une pâte de résineux à usage chimique, un produit très pur dont le contenu en cellulose, excédant 90 %, sert entre autres à la fabrication de la rayonne et du cellophane.
À la fin des années quarante, il était devenu trop coûteux d’approvisionner l’usine en bois résineux; des travaux ont donc été entrepris en laboratoire afin de mettre au point une technologie permettant de produire une pâte à dissoudre en utilisant les bois francs communs dans la région même de Hawkesbury. Les travaux donnèrent des résultats positifs de telle sorte qu’au début des années cinquante, l’usine était transformée de façon à être alimentée à 50 % en bois franc. En 1962, on remplaçait la liqueur de cuisson à base de calcium par une liqueur de cuisson à base d’ammoniaque. Puis en 1965, la section de blanchiment était modernisée afin que les opérations puissent y effectuer de façon continue, plutôt que par lots.
Petit à petit, la proportion de bois franc dans la pâte est passée du 50 % initiale à un niveau d’environ 90 %. Actuellement, la capacité de l’usine est de 260 tonnes métriques par jour, soit 93 000 tonnes métriques par année.
Sous bien des aspects, l’usine de Hawkesbury est unique en son genre. Elle est la seule en Ontario à produire de la pâte à usage chimique, la seule au Canada à produire de la pâte au bisulfite à partir de bois francs et la plus petite usine en Amérique du Nord à produire de la pâte à usage chimique.
Difficultés
C’est un fait généralement admis dans Hawkesbury que la CIP locale avait déjà connu des jours meilleurs. La diminution de ses marchés, due en partie à la lenteur de l’économie et en partie à la substitution de produits à base de dérivés du pétrole, et plus récemment la fermeture de deux de ses plus importants clients, ont fait que l’usine n’opérait qu’à demi-capacité depuis plusieurs mois.
L’acquisition de la CIP du Canada, l’été dernier, par les Entreprises Canadien Pacifique au prix de 1,1 milliard $, n’aura pas non plus assuré la survie de l’usine.
Parallèlement à ses difficultés économiques, la CIP a plus d’une fois eu maille à partir avec le gouvernement de l’Ontario à cause de la pollution causée par des procédés manufacturiers. Le problème des particules en suspension dans ses effluents liquides a été pratiquement éliminé en 1962 par la construction d’un vaste bassin de décantation, mais la compagnie n’avait pas réussi à trouver une solution économique au problème de la réduction de la demande biochimique en oxygène.
En même temps, la conversion, en 1966 et 1969, des cinq chaudières de l’usine du charbon au mazout a amélioré la qualité de l’air, mais la CIP est toujours sous le coup d’une ordonnance de contrôle qui l’oblige à apporter d’autres modifications pour réduire les émissions de dioxyde de soufre.
À cause de la qualité supérieure de ses produits, l’usine rejette une plus grande quantité de déchets organiques que la plupart des autres usines de pâte de capacité égale. En outre, le traitement de ses effluents est plus coûteux du fait qu’il s’agit d’une usine de fabrication de pâte au bisulfite plutôt que de pâte au sulfate (kraft).
Un grand nombre de petites usines de pâte au bisulfite ont dû fermer leurs portes un peu partout dans le monde à cause du coût très élevé des installations exigées par les lois sur l’épuration des effluents, énonçait la direction de la CIP dans le cadre d’une réunion publique tenue à Hawkesbury en décembre 1980.
À cette époque également, la CIP avait déclaré que « L’usine de Hawkesbury ne pourra rester viable que si le marché le permet et si les exigences écologiques restent raisonnables ».
En passant, pas moins de 18 pages du journal du 15 septembre avaient été consacrées à la nouvelle de la fermeture de la CIP et aux nombreuses réactions des autorités locales et régionales, de même que de divers organismes. Tous avaient été touchés directement par cette décision.