Nous sommes au début des années 70 et le défi est d’atteindre l’épanouissement de l’individu. C’est au moins l’opinion de Torrance Wylie, directeur national du Parti libéral qui prononce une conférence devant les membres du club Richelieu de Rockland. « Le défi des années 70 est d’atteindre une qualité de vie qui réponde aux aspirations des Canadiens et qui permette l’épanouissement global de l’individu. » Wylie, ne l’oublions pas, est à ce moment-là pressenti pour être le successeur du député libéral Viateur Ethier, qui a confirmé sa retraite de la vie politique. Wylie « croit que la législation future accordera un choix croissant au Canadien dans les décisions qui se rattachent aux valeurs personnelles, au niveau d’instruction et au genre et mode de travail ». Il a fait aussi référence au « besoin de sensibiliser et d’humaniser la démocratie qui dessert la citoyenneté ». Selon Wylie, « il est absolument essentiel que les fonctionnaires comprennent que les institutions bureaucratiques n’existent qu’en fonction du citoyen qu’elles se doivent de servir. » Le conférencier se demandait si « ces organismes ne vivent pas plutôt d’une vie interne qui leur est propre et qui place le citoyen et ses droits au second plan, sinon au tout dernier ». Il pourrait répéter ses propos aujourd’hui et ils seraient sans doute pertinents. Je me demande jusqu’à quel point Wylie a joué un rôle dans la conception de la Charte des droits et libertés si chère à Trudeau et qui serait adoptée plusieurs années plus tard. L’article est dans l’édition du 9 mars 1972.
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Cette fois c’est à Grenville. Claudette Laporte, 29 ans, sa fille Lise, 5 ans, ses fils Omer, 6 ans, Alain, 3 ans, Luc, 2 ans, Guy, 14 mois, et Jean, 4 mois, périssent dans l’incendie de leur demeure. « Les deux aînées, Annette, 9 ans, et Jocelyne, 8 ans, ont réussi à s’échapper en sautant par la fenêtre de la salle de bain et elles se sont rendues à l’épicerie de M. Martin Lowe, où les pompiers de Hawkesbury ont été appelés. » Il était 7 h 40 un lundi matin et le père Omer Laporte, 31 ans, était à son travail sur les chantiers du futur « aéroport international de Montréal à Ste-Scholastique ». Arnold Farms Ltd, de Grenville, avait un contrat pour le défrichage de l’emplacement de l’aéroport et c’est cette même entreprise qui était propriétaire de l’habitation de la famille Laporte. « Des tuyaux de poêle surchauffés sont à l’origine du sinistre », selon un représentant de l’escouade des incendies criminels de la Sûreté provinciale du Québec. Deux pages sont consacrées à cette tragédie dans l’édition du 16 mars 1972 du journal Le Carillon.
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Un court entrefilet dans l’édition du 16 mars 1972 annonce quelque chose qui allait éventuellement déterminer le sort de cette entreprise. « La Commission des relations ouvrières de l’Ontario tiendra une audience publique à l’hôtel de ville de Hawkesbury (…) dans le but d’entendre la demande d’accréditation syndicale des employés de l’usine locale de la compagnie Patchogue Plymouth, une division de la compagnie Amoco Canada Petroleum Ltd. Les employés veulent devenir membres du Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique. » Lors de l’audience, que j’avais couverte, la compagnie avait accusé le syndicat d’utilisation de tactiques malhonnêtes. L’entreprise alléguait également qu’un syndicat de l’industrie du bois ne pouvait représenter des travailleurs du secteur du textile. Des employés opposés à la venue d’un syndicat avaient reçu des menaces. En fin de compte, les employés avaient obtenu leur accréditation plusieurs mois plus tard. L’avenir ne serait pas rose pourtant. J’y reviendrai.