Découvrir ce qui existe chez son voisin

Comme je le mentionnais dans mon billet précédent, j’avais eu le privilège de participer à la conférence « Destinée Canada » que le premier ministre Bill Davis avait organisé dans le but de permettre à tout le monde de mieux comprendre ce qu’était le Canada. Le tout, bien sûr, à la lumière de l’élection de René Lévesque et de son Parti québécois à la tête du Québec le 15 novembre 1976. Voici ce que j’écrivais à mon retour; cela me rappelle de bons souvenirs.

« Il suffit de rencontrer pendant trois jours des compatriotes d’un bout à l’autre du pays pour constater jusqu’à quel point nous pouvons être égoïstes dans notre petit patelin, au point d’ignorer tout des réalités de notre pays.
      Dès le début des ateliers de discussion, le premier jour du colloque Destinée Canada, à Toronto, il était évident que la principale cause de la crise que connaît présentement le Canada était l’incompréhension mutuelle. Au fil des idées, il devenait également évident que les séparatistes ne sont pas seulement au Québec. Le Québec veut le Québec; l’Alberta veut l’Alberta; Terre-Neuve veut Terre-Neuve. Dans tous les cas, cela dépasse les questions de langue et de culture pour faire Par exemple, en Alberta, les citoyens se sentent suffisants par eux-mêmes place aux préoccupations économiques et jugent, dans bien des cas, qu’ils n’ont plus besoin du Canada et que le Québec est loin de leurs préoccupations. Pourtant, un membre du parlement albertain nous a expliqué que les richesses nouvelles de sa province ne sont pas inépuisables et que l’Alberta, un jour, aura encore besoin des autres provinces. Pour bien des gens, il n’est pas facile de penser en fonction d’un siècle à venir ou même un quart de siècle.
       À Terre-Neuve, les citoyens voudraient eux aussi contrôler un peu plus leur économie. Un délégué de cette province a indiqué qu’il était ridicule qu’il en coûte moins cher pour acheter du bœuf de l’Ouest dans cette province que des produits de la mer. Les pêcheurs terre-neuviens doivent expédier leurs produits à l’extérieur de la province pour la transformation, ce qui fait que les produits reviennent dans la province à des coûts plus élevés. En Alberta comme à Terre-Neuve, on voudrait être plus indépendant.
       Dans l’Ouest, une autre question retient l’attention des citoyens: la protection des groupes ethniques. Dans Prescott-Russell, des villages entiers ne comprennent que des francophones; dans l’Ouest, dans certains endroits, il n’y a par exemple que des Ukrainiens. Cette situation des groupes ethniques a également retenu l’attention des délégués. Le Dr Kévork Baghdjian, le président de la Fédération des groupes ethniques du Québec – porte-parole de quelque 600 000 représentants d’ethnies – signalait que l’unité canadienne doit se faire en considération des trois tiers des citoyens: le tiers des anglophones et le tiers des francophones, les deux peuples fondateurs, de même que l’autre tiers des groupes ethniques, parce qu’ils sont effectivement le tiers.
        À l’université York, dans une sorte de retraite fermée de trois jours, il nous a été permis de constater que les problèmes des différentes régions sont très importants pour ces groupes mêmes et que les problèmes des Franco-Ontariens, par exemple, ont à peine commencé à intéresser les populations. Des délégués du Québec, pour la première fois, ont compris qu’il était important pour eux de s’intéresser à la situation des francophones hors Québec, dont ils soupçonnaient à peine l’importance.
       À notre avis, la conférence Destinée Canada a constitué un important pas dans la bonne direction et tous ont exprimé un avis semblable. Chacun doit chercher, au cours des prochains mois, à découvrir davantage ce qui existe chez son voisin des autres provinces, tenter de comprendre leurs problèmes individuels ou collectifs et tenter de trouver ce qui semble être les meilleures solutions. Chacun doit y donner du sien! »

Voilà, ça se passait il y a 35 ans. Est-ce que nous nous comprenons réellement mieux en 2012?

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