« Il fallait décourager cette tendance »

« La crise consiste en une confrontation, à savoir si oui ou non l’unité vaut le coup. » La phrase est de Jean-Jacques Blais, ministre canadien des Postes, alors qu’il prononce un discours lors d’une rencontre du chapitre des caisses populaires de la région St-Laurent-Outaouais, au motel Holiday de Hawkesbury. Nous retrouvons un compte rendu de son intervention dans Le Carillon du 9 février 1977. Il se réfère, bien sûr, à la question de l’unité nationale, à l’avant-plan du débat politique national depuis l’élection du gouvernement de René Lévesque trois mois auparavant au Québec. Blais affirme devant les 150 participants que « les Canadiens doivent consacrer leurs énergies à solutionner les problèmes économiques, au lieu de poursuivre le débat sur la séparation du pays ». En 2012, on pourrait facilement entendre Stephen Harper répéter le même message si le débat national avait encore son cours de la même manière qu’à l’époque.

Blais jugeait que « la tendance est de ne pas discuter des vrais problèmes, mais de séparation » et il insistait sur le fait qu’il fallait « décourager cette tendance, parce qu’il y a de nombreux problèmes à résoudre ». Jean-Jacques Blais avait parlé « de contrôle de notre économie nationale, une économie où 49 p. cent des revenus taxables sont gagnés par des entreprises américaines ». Je serais curieux de savoir quelle est la proportion aujourd’hui. « Le ministre s’est référé davantage à la concurrence de l’industrie du textile et aux problèmes de cette industrie au pays; aux riches réserves des sables bitumineux de l’Alberta, une réserve plus importante que celle qui existe au Moyen-Orient, mais qui demeure non développée; la création d’un marché international pour le Canada, un pays en compétition avec General Electric et Westinghouse dans le monde. »

Blais, un ministre libéral d’origine franco-ontarienne bien sûr, avait « fait remarquer que les Canadiens-français ont encore beaucoup de droits à faire respecter au pays et qu’il n’est pas facile d’être Canadien-français. Il a cité en exemple la question des Gens de l’air, des conflits scolaires de Cornwall et Windsor, de la télévision française à Vancouver et Régina, du journalisme irresponsable qui insiste indûment sur deux députés qui restent assis pendant le chant du ‘God Save the Queen’. Il a rappelé que le premier ministre René Lévesque s’était rendu à New York et a parlé de la séparation comme un fait acquis alors qu’il n’a pas obtenu de mandat à cet effet. » Mais Blais devait reconnaître que « certains changements constitutionnels sont peut-être nécessaires, mais qu’il faut considérer toutes les conséquences et que cela ne peut se faire efficacement si tout le monde se bat ». C’était cinq ans avant le rapatriement de la Constitution.

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Toujours dans l’édition du 9 février, je me réfère à l’échec de l’expérience d’administration de la justice dans les deux langues officielles que le gouvernement ontarien avait tenté à Sudbury. « Le Palais de justice à L’Orignal est l’endroit où le gouvernement ontarien doit maintenant poursuivre ses expériences de justice bilingue, c’est-à-dire où les Franco-Ontariens peuvent s’exprimer dans leur langue, les Anglo-Ontariens pouvant le faire depuis longtemps. Depuis des dizaines et dizaines d’années, les francophones sont omniprésents à la Cour de L’Orignal. Actuellement, le juge est francophone, les avocats sont majoritairement francophones et le personnel est majoritairement composé de Franco-Ontariens… les accusés aussi d’ailleurs. La situation veut donc dire que tous ces francophones parlent anglais quand ils se retrouvent ‘officiellement’ dans l’enceinte de la Cour. Cela est ridicule, il va sans dire. » J’invitais le député Albert Bélanger à transmettre le message à Queen’s Park, sans savoir qu’il l’avait déjà fait quelques semaines plus tôt. Bélanger avait écrit au procureur général Roy McMurtry que « la population francophone de ma circonscription veut ces services ». Finalement, ce sont tant les cours de L’Orignal que de Rockland qui bénéficieraient des services en français après Sudbury.

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