par Alain Guilbert
Quand nous sommes arrivés à quelques jours seulement du début des Jeux olympiques de Montréal, le grand patron de l’équipe des communications, Jean Loiselle, nous a annoncé qu’il avait retenu les services des quelques spécialistes des relations publiques, « les meilleurs au Québec », nous avait-il dit.
Ces recrues de dernière minute n’étaient pas là pour leurs connaissances des Jeux et de l’organisation derrière l’événement, mais plutôt pour nous aider dans les situations difficiles ou imprévues.
Dans mon cas, j’avais été jumelé avec Pierre Tremblay, sans doute le relationniste le mieux connu de la ville de Québec, dont j’ai pu apprécier l’efficacité et les connaissances, et que j’ai eu l’occasion de côtoyer régulièrement quelques années après les Jeux, lorsque je suis allé travailler au journal Le Soleil.
Pierre m’a accompagné partout où je suis allé pendant deux semaines. Inutile de dire qu’il a pu apprendre beaucoup en peu de temps sur les Jeux, leur organisation en plus d’assister à quelques séances de gymnastique, d’athlétisme, de natation, de cyclisme, de boxe, d’haltérophilie et d’autres encore.
J’ai beaucoup apprécié sa présence et ses sages conseils. Je me souviens d’une occasion en particulier où j’ai bien compris ce qu’était un spécialiste des relations publiques et de l’image. Nous étions à environ la moitié des Jeux quand le centre de contrôle du COJO nous a fait savoir, à Pierre Tremblay et à moi, que le Stade olympique se préparait à recevoir ce soir-là, vers 19 heures, son millionième spectateur. On nous demandait de l’accueillir et de lui offrir un traitement de faveur pour toute la soirée.
À l’époque, comme vous le savez tous, il n’y avait pas d’ordinateurs, ni de cellulaires, ni d’outils super précis de communication. Les spectateurs de tous les lieux de compétition devaient franchir des tourniquets munis de compteurs qui n’étaient pas reliés entre eux. Au Stade, par exemple, il y avait 12 ou 15 tourniquets; chacun enregistrait le nombre de personnes qui y passaient et ce n’est qu’à la fin qu’on pouvait additionner les entrées de chaque tourniquet et obtenir l’assistance totale.
Dans ce contexte, il était évidemment impossible de déterminer avec certitude lequel de tous les spectateurs serait le MILLIONIÈME. Nous devions donc choisir quelqu’un qui serait à quelques dizaines de plus ou de moins « le millionième » spectateur.
Pierre Tremblay m’avait expliqué qu’il fallait dans la mesure du possible choisir une personne qui serait photogénique, qui parlerait français et qui habiterait la grande région métropolitaine. Et pourquoi pas? Vers 7 heures du soir, nous avons pris place près des tourniquets, assez loin l’un de l’autre pour voir entrer tout le monde ou presque, mais aussi assez près l’un de l’autre pour ne pas nous perdre de vue et pouvoir nous faire des signes.
Après une dizaine de minutes à regarder passer des dizaines et des dizaines de spectateurs, une dame dont l’âge devait se situer fin trentaine début quarantaine se présente à un tourniquet. Elle est accompagnée de six enfants. Pierre et moi l’avons remarquée en même temps et aussitôt nous avons tous deux faits « OUI » d’un signe de tête.
Nous nous sommes alors approchés de la dame, et nous lui avons posé quelques questions. Elle s’appelait Léonie Pilon. Elle était francophone. Elle habitait Laval. Des six enfants qui l’accompagnaient, trois étaient les siens et chacun d’eux était accompagné d’un ou une amie. Tout était parfait. Nous avions la personne idéale pour notre millionième spectateur. Je lui ai annoncé la bonne nouvelle… elle n’en croyait pas ses oreilles.
Nous avons pris des photos… puis avons conduit toute la famille dans des sièges spéciaux, et leur avons remis des cadeaux souvenirs du COJO. D’autres photos ont été prises. Le grand tableau indicateur du Stade a salué leur présence. À la fin de la soirée, nous avons salué notre millionième spectateur une dernière fois. Madame Pilon n’était définitivement pas prête à oublier cette soirée bien spéciale. Une dizaine de jours plus tard, les Jeux étaient terminés, mais j’ai reçu une magnifique lettre de remerciements signée de sa main.
Nous n’aurions pu faire un meilleur choix.
Après les Jeux, madame Léonie Pilon, avait fait parvenir une chaleureuse lettre de remerciements à Alain. Il vient tout juste de retrouver cette lettre dans ses « vieux » fichiers.
Le 8 août 1976,
M. A. Guilbert,
En mon nom, celui de mes filles et de mes neveux et nièces, je ne veux pas rater la chance de vous dire un gros merci… gros comme le Stade…
Tous ces souvenirs sont gravés dans nos cœurs, et le plus profond, je pense, c’est celui de votre extrême gentillesse et de votre sourire moqueur.
Merci encore,
Léonie G. Pilon (Sylvie, Diane, Chantal)
que de beaux souvenirs de ces jours là. J’ai en main mes billets pour le stade, je les ai gardé en souvenir.