Huguette Burroughs, originaire de L’Orignal, était notre éditorialiste au Journal de Cornwall, une filiale de la Compagnie d’édition André Paquette. Elle était aussi la sœur de mon bras droit au journal, Charles Burroughs. Dans Le Carillon du 22 décembre 1982, nous avions reproduit « un petit bijou de texte » sur « toutes ces choses qu’on ne dit pas ». Le voici, pour votre plaisir :
« Dans l’intimité du bureau du directeur, un petit garçon fait la rencontre de sa vie. On lui présente son Grand Frère, un adulte qui a accepté de lui consacrer du temps chaque semaine afin qu’il ne se sente pas trop de l’absence de son père au foyer.
Dans une petite maison de la rue York, une jeune mère de famille vient chercher les vêtements qu’il faut pour elle et ses deux enfants et on lui donne en partant un bon qui lui permettra d’acheter l’épicerie pour la semaine.
Dans une résidence en retrait de la ville, un père de famille apprend à vivre sans sa ration quotidienne d’alcool et à redevenir un membre productif de la société.
Dans un hôpital local, une jeune fille donne naissance à un beau gros garçon. Elle aurait pu en disposer, mais elle a choisi de le laisser vivre…
Dans une maison pour personnes âgées, une vieille dame (note du blogueur : voir ma note plus loin) tricote des mitaines pour son petit-fils et y trouve beaucoup de plaisir. À 67 ans, elle a redécouvert le plaisir du tricot qu’elle avait oublié à la suite d’une longue maladie.
Dans une école de langue française, un petit garçon en béquilles rentre pour la première fois dans une classe ordinaire en compagnie de ses camarades de jeu.
Ce ne sont pas là des manchettes qui font la première page des journaux, car le bonheur n’est pas une valeur facilement commercialisable. Au contraire, on semble chercher, pour une raison ou pour une autre, à cacher ce qui se fait de beau ou d’attendrissant dans notre milieu.
Les gens heureux n’ont pas d’histoire, me direz-vous, mais il se passe des faits heureux, tous les jours, des faits qu’il fait bon partager, ne serait-ce que pour prouver que tout n’est pas aussi triste que l’on pourrait être porté à le croire.
Le petit garçon qui trouve enfin un homme dans sa vie pour l’aider à grandir sainement; la mère abandonnée qui trouve le coup de pouce qu’il faut pour repartir à neuf; la jeune mère célibataire qui a été encouragée à garder son enfant et qui le voit enfin naître et qui l’aïeule (note du blogueur: aujourd’hui, j’aurais remplacé ce mot par un autre plus acceptable pour notre génération 30 ans plus tard; elle parle de la femme de 67 ans.) qui ne se sent plus seule dans son foyer parce que quelqu’un a pris le temps d’aller lui montrer à faire quelque chose d’utile pour meubler ses longues heures de loisir, ne sont-ils pas tous la preuve que l’on peut trouver du beau si on se donne la peine de regarder sur le bon côté?
C’est facile de parler de dépression, de fermeture d’usines, de criminalité juvénile, de drogue, de viol, de manifestations violentes, de meurtre ou de suicide, mais ces propos ne font que cultiver notre cafard collectif.
Pourquoi ne pas regarder l’envers de la médaille pour une fois? Pourquoi ne pas considérer les drames qui ne se sont pas produits, les espoirs ressuscités, les sourires ravivés qui sont les signes extérieurs d’une sollicitude profonde que nous nourrissons les uns pour les autres?
Avec le début de la nouvelle année, qui est en quelque sorte un recommencement, il serait peut-être à propos de prendre la résolution de trouver chaque jour une chose positive, une rose parmi les épines, une raison de croire qu’il y a encore du bon monde dans le milieu où nous vivons. »
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Hier, je vous parlais de crime. Dans le journal du 22 décembre 1982, on y lit qu’un « nouveau choix s’offre aux juges de la région, depuis un peu moins de deux mois, quand vient le temps de condamner un délinquant adulte: le service communautaire ». De quoi s’agissait-il? « Le service communautaire est essentiellement un programme permettant aux délinquants adultes de 16 ans et plus, non violents, de demeurer dans la collectivité au lieu d’aller en prison. » Ça faisait drôle de lire cette nouvelle alors que des citoyens inquiets venaient justement de déplorer la trop grande indulgence des juges. Aujourd’hui, les sentences de service communautaire sont monnaie courante dans les jugements criminels.
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Je la trouve bonne encore aujourd’hui. Dans ma chronique du 22 décembre 1982, j’écrivais ceci : « Lu dans le bulletin des Optimistes de Lachute : ‘Dans une petite rédaction sur la création, une fillette écrit : Dieu a d’abord créé Adam. Il l’a bien regardé, puis, il s’est dit : ‘Je dois pouvoir faire mieux’. C’est alors qu’Il a créé Ève.’ Les phallocrates ne l’aimeront pas. »