Les villes où j’ai vécu : Québec

Depuis sa naissance, Alain a habité dans une dizaine de villes différentes, dont certaines à plus d’une reprise. Bien sûr, ses souvenirs et ses impressions de chacun de ces endroits où il a vécu sont relatifs à l’âge qu’il avait à l’époque et aux activités auxquelles il s’était livré… ainsi que des souvenirs qu’il en a gardés. Voici donc le douzième article de cette série… qui concerne Québec où il est arrivé en avril 1984 et où il est demeuré trois années… Vous pourrez revoir tous les articles précédents de cette série dans l’onglet
« Les villes où j’ai vécu » sous la subdivision « Mes catégories ». Bonne lecture.

par Alain Guilbert

Comment me suis-je retrouvé à Québec, ayant toujours vécu dans l’axe Sherbrooke (Cantons de l’Est) et Montréal depuis ma naissance en 1940? C’est une longue histoire… dont voici les grandes lignes…

En1983, quatre années après mon arrivée à la tête de La Voix de l’Est et de CHEF-radio à Granby, le directeur général des journaux de Quebecor et bras droit de « Monsieur Péladeau », Maurice Custeau m’invite à luncher en sa compagnie au (défunt) Club St-Denis à Montréal. Je m’imagine bien que s’il m’invite à sa table, ce n’est pas pour lui faire la conversation. Effectivement, il m’offre le poste de directeur général au Journal de Québec (ou au Journal DU Québec… comme disent les gens de Québec qui se sont toujours considérés comme le « centre » de la province). L’offre est alléchante, car elle me permet de gravir un échelon de plus dans ma carrière, moi qui souhaitais d’ailleurs participer davantage dans l’ensemble de la gestion des journaux et non uniquement dans leur contenu rédactionnel. Mais je me méfie de Quebecor… Ayant œuvré précédemment avec Power Corporation (les Journaux Trans-Canada), avec Jacques Francoeur (à ce moment devenu le propriétaire d’Unimédia) et en collaboration avec Transcontinental, disons que je considérais depuis longtemps Quebecor davantage comme un « adversaire » que comme un « ami ». Et de plus, j’étais au courant personnellement de « sales tours » qu’on avait joués à certains journalistes à qui on offrait de gros salaires pour les débaucher et à qui on disait quelques semaines plus tard que « les affaires n’étant plus ce qu’on avait prévu, il fallait diminuer leur salaire »… Disons que Quebecor n’avait pas bonne réputation dans le milieu journalistique à cette époque.

Après quelques jours de réflexion, j’ai finalement annoncé à Maurice Custeau que je trouvais son offre intéressante, mais que je préférais la décliner parce que (je me souviens parfaitement des mots que j’avais alors utilisés!!!) « mon plan de carrière ne passait pas par Québec ». Il faut dire que j’étais fort bien traité par Power Corporation et que j’espérais un jour prendre la présidence de La Tribune (Sherbrooke) lorsque mon ancien patron, Yvon Dubé, prendrait sa retraite… ce qui n’était pas nécessairement près de se produire à cette époque.

Une année plus tard, il s’est produit un certain émoi dans les journaux du Québec, quand Claude Masson, alors rédacteur en chef et éditeur adjoint du Soleil à Québec, a annoncé qu’il quittait la Vieille capitale pour aller rejoindre son ami Claude Beauchamp au journal Les Affaires (et autres publications économiques du Groupe Transcontinental), lui-même ayant quitté Le Soleil une couple d’années plus tôt pour joindre ses forces à celles de
Rémi Marcoux.

Un bon matin, alors que je suis toujours à Granby, mon téléphone sonne… c’est Claude Masson, que je comptais parmi mes amis, qui veut m’annoncer « en primeur » son départ prochain et me prévenir que « Jacques Francoeur, le propriétaire et éditeur du Soleil, va t’appeler dans les prochaines heures pour t’offrir le poste que je laisse vacant », me faisant bien sûr promettre de ne dire à personne qu’il m’avait appelé. Et effectivement, ce même jour, Jacques Francoeur m’invitait à rallier les rangs du Soleil… une offre intéressante à de nombreux points de vue. Je pouvais devenir non seulement éditeur adjoint et rédacteur en chef d’un journal important, mais aussi membre de son conseil d’administration, ainsi que membre du conseil d’administration du magazine Perspectives, un supplément de fin de semaine qui appartenait conjointement à tous les journaux qui le distribuaient, soit La Presse, Le Soleil, La Tribune, Le Nouvelliste, La Voix de l’Est, Le Droit et Le Quotidien. Le salaire et les avantages sociaux étaient intéressants. Mais il y avait un « hic »… Le Soleil avait connu une grève de 11 mois en 1977 et les relations du travail de ce journal étaient sans doute les plus difficiles (pour ne pas dire les plus mauvaises) de toute la presse québécoise. La convention collective entre Le Soleil et ses journalistes comptait près de 200 pages et était considérée comme la plus complexe de tout le Québec et peut-être même de tout le Canada.

Mais revenons un peu en arrière pour comprendre le contexte dans lequel évoluaient les journaux de l’époque. J’avais connu Jacques Francoeur quand il avait fait équipe avec
Paul Desmarais (Power Corporation) dans l’acquisition de La Tribune (et plus tard du Nouvelliste, puis de La Voix de l’Est). Par la suite, Paul Desmarais avait fait l’acquisition de La Presse, mais celle-ci était régie par une loi privée de l’Assemblée nationale, et pour conclure la transaction, Power avait dû procéder à la création d’une nouvelle entité totalement indépendante des autres journaux, soit Gesca. Cette société était propriétaire de La Presse alors que sa filiale Journaux Trans-Canada était propriétaire des quotidiens de Sherbrooke, Trois-Rivières et Granby. Et encore plus tard, quand le groupe Desmarais-Francoeur a voulu faire l’acquisition du Soleil, le premier ministre de l’époque, Robert Bourassa, s’y est fortement opposé afin de prévenir une concentration trop importante de journaux quotidiens dans les mains d’une même entreprise. C’est alors que Paul Desmarais et Jacques Francoeur se sont séparés à l’amiable, le premier conservant les quatre quotidiens mentionnés précédemment et le second reprenant ses hebdos métropolitains, son Dimanche-Matin (ces publications faisaient alors partie des Journaux Trans-Canada) ce qui lui a permis de faire l’acquisition du Soleil et du Quotidien à Chicoutimi (puis, plus tard, du Droit à Ottawa). Tous les journaux de M. Francoeur ont été regroupés au sein de la société Unimédia, celle-là même qui m’offrait le poste à Québec.

Il faut dire que quelques mois auparavant, quand Jacques Francoeur avait fait l’acquisition du Droit (à Ottawa), je l’avais appelé pour lui offrir mes services comme président et éditeur quand l’éditeur en place, Robert Bélanger, prendrait sa retraite. Donc, lorsqu’il m’a offert de diriger Le Soleil, je lui ai demandé de me dire ce que j’aurais à gagner en occupant un poste aussi difficile, alors que j’étais davantage intéressé par la gestion générale plutôt que par la rédaction. Il m’avait répondu qu’il y avait de nombreux changements en vue au Soleil, dont la négociation d’une nouvelle convention collective, le passage d’un journal d’après-midi à un journal du matin, la création d’une section sportive en format tabloïd et un été 1984 « mer et monde » avec la venue des Grands Voiliers à Québec. « Les prochains mois seront vraiment intéressants », m’a-t-il assuré… et il avait raison. « Monsieur Guilbert, a-t-il ajouté, faites-moi deux ou trois bonnes années au Soleil, mettez les grands changements en marche… et je vous offrirai ensuite la présidence du Droit. Après de longues hésitations et de nombreuses discussions avec mes patrons de Power Corporation qui me laissaient miroiter la présidence possible du Nouvelliste à Trois-Rivières, j’ai finalement opté pour Le Soleil.

Pendant cette période de négociations avec Jacques Francoeur et Unimédia, une lutte interne se déroulait à l’intérieur du groupe des journaux de Power Corporation alors que le président de La Presse de l’époque, Roger D. Landry, voulait aussi placer sous son aile la direction des quotidiens de Sherbrooke, Trois-Rivières et Granby, une lutte qu’il devait finalement remporter aux dépens de mes patrons des Journaux Trans-Canada, ceux qui étaient prêts à me nommer à Trois-Rivières. J’ai avisé de mon départ de Granby pour Québec quelques heures avant que la nomination de Roger D. Landry à la tête des Journaux Trans-Canada (en plus de La Presse) ne soit annoncée, ce qui me confirmait que j’avais pris la bonne décision.

Quand Roger D. Landry a pris les rênes des journaux de Sherbrooke, Trois-Rivières et Granby, deux postes de direction se sont libérés au même moment, celui de Granby, puisque je venais de confirmer mon départ, et celui de Trois-Rivières, parce que le président de l’époque, Charles D’Amour (celui que j’aurais possiblement remplacé), a annoncé qu’il préférait prendre sa retraite plutôt que « de recommencer sous un nouveau patron ». C’est à ce moment que Roger D. Landry a offert la direction du Nouvelliste à Claude Masson, avant que celui-ci ne rejoigne son ex-patron et ami Claude Beauchamp. Et après quelques années à Trois-Rivières, Claude est devenu éditeur adjoint et rédacteur en chef de La Presse où il a fait un travail admirable, bien secondé par le regretté Marcel Desjardins, un ancien du Droit que Claude était allé chercher à la salle de nouvelles de Radio-Canada (que Marcel dirigeait). Et mon poste à Granby a été rapidement pourvu par Guy Crevier, que j’avais chaudement recommandé. J’avais dit à Roger D. Landry que s’il ne le nommait pas, je l’amènerais avec moi à Québec. Guy a rapidement obtenu mon ancien poste, et après quelques années et aussi des détours par TVA, Vidéotron et Téléglobe, il s’est finalement retrouvé à la tête de La Presse (puis de tous les journaux du Groupe Power), poste qu’il occupe encore aujourd’hui. Quant à Claude Masson, il a connu une mort tragique en compagnie de son épouse Jeannine, lorsque l’avion qui devait les amener en Égypte, un pays qu’il rêvait de visiter depuis plusieurs années, s’est écrasé dans l’Atlantique après son départ de New York à la fin d’octobre 1999. Le pilote de cet avion a plongé son appareil dans l’océan pour se donner la mort, entraînant avec lui 217 passagers, dont Claude et Jeannine.

De mon côté, j’ai entrepris en avril 1984 un séjour de trois années au Soleil, trois années bien remplies dont je vous parlerai dans un (ou plus d’un) prochain texte.

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