Comment Montréal a obtenu les Jeux de 1976

par Alain Guilbert

La décision historique a été prise le 12 mai 1970 lors de la 69e session du Comité international olympique tenue à Amsterdam.

À cette époque, les Jeux étaient attribués six ans avant leur tenue (aujourd’hui, ils le sont sept ans avant).

Trois villes différentes étaient en compétition pour obtenir ces Jeux, soit Montréal, Moscou et Los Angeles. Au premier tour de scrutin, Montréal avait obtenu 25 votes, soit trois de moins que Moscou qui en avait reçus 28 et huit de plus que les 17 enregistrés en faveur de Los Angeles.

Personne n’ayant obtenu la majorité absolue, on a donc procédé à un second tour de scrutin. Los Angeles ayant terminé au dernier rang du premier tour a été éliminé de ce deuxième vote.

Cette fois, les dés sont tombés en place pour Montréal qui a obtenu les 17 votes précédemment accordés à Los Angeles pour un total global de 42, tandis que Moscou ne bougeait pas d’un iota en conservant ses 28 votes originaux.

La conclusion de ce scrutin était beaucoup plus heureuse que celle obtenue six années auparavant alors que Montréal tentait d’obtenir les Jeux de 1972 qui finalement avaient été accordés à Munich. Lors du vote de 1966, quatre villes étaient candidates, soit Munich, Madrid, Montréal et Détroit.

Au premier tour de scrutin, Munich avait obtenu 29 votes, Madrid 16, Montréal et Détroit six chacun. Au second tour, Munich a obtenu 31 votes (seulement deux de plus qu’au tour initial), Madrid est passé de 16 à 18 et Montréal de six à 13, ce qui lui a valu la troisième position (tout comme au premier tour). Le nom de Détroit avait été retiré de la liste.

Que s’était-il donc passé entre 1966 et 1972 pour que Montréal passe de 13 votes seulement lors de sa première tentative à 42 lors de sa deuxième tentative pour obtenir les Jeux?

On pourrait sûrement parler de la ténacité et du prestige du maire Jean Drapeau qui souhaitait donner à Montréal un statut de grande ville internationale reconnue dans le monde entier.

Le maire Drapeau avait déjà obtenu au début des années qu’une exposition internationale de grand prestige ait lieu à Montréal en 1967 — un événement absolument extraordinaire qui avait attiré 55 millions de visiteurs venus du Québec, du Canada, des États-Unis et de partout dans le monde malgré une grève des transports en commun de quelques semaines au cœur de l’été. L’Expo 67 a eu de très nombreuses retombées, entre autres la réalisation du Métro de Montréal, la création d’une île artificielle (l’île Notre-Dame, voisine de la déjà célèbre Île Ste-Hélène). Mais la plus importante retombée d’Expo 67 aura été de donner aux Montréalais en particulier et aux Québécois en général un sentiment immense de fierté. Montréal et le Québec savaient que tout leur était désormais possible.

Dans la lignée de ses ambitions internationales, le maire Drapeau ne désirait pas se limiter à l’Expo 67. Il voulait que cet événement exceptionnel soit suivi des Jeux olympiques, la plus grande manifestation sportive au monde… mais son projet avait déraillé lors du vote de 1966 lorsque les Jeux avaient été accordés à Munich et que le maire était rentré chez lui avec une bien faible troisième position olympique de faire confiance à Montréal et à son maire. Il n’avait pas pu convaincre les membres du Comité international.

Jean Drapeau n’aimait pas les échecs. Croire qu’il n’atteindrait pas son but aurait été bien mal le connaître. L’Expo 67 allait faire la différence… elle allait servir de levier à la réalisation de son autre rêve international.

Durant l’été 1967, la majorité des membres du Comité olympique international sont venus à Montréal comme invités de marque de l’Expo 67. Comme tous les visiteurs étrangers, les membres du CIO ont été fort impressionnés par Montréal devenue la capitale internationale de l’univers cette année-là. Comment ne pas être impressionné par ce spectacle exceptionnel? Nous l’avons tous été, tout autant que les visiteurs étrangers.

À la session suivante du Comité international olympique qui a eu lieu en 1970, c’était à peine trois courtes années après l’Expo 67. Les membres du CIO qui étaient venus à Montréal durant cet été exceptionnel ne pouvaient l’avoir oublié. Ils ne pouvaient que s’en souvenir et ce qui devait arriver arriva.

Au premier tour de scrutin, Montréal obtient 25 voix contre les 28 de Moscou et les 17 de Los Angeles. Jean Drapeau allait-il voir son rêve ne pas se réaliser pour une seconde fois? Mais non, les membres du CIO en avaient décidé autrement. Au tour suivant, Moscou reste « collée » avec ses 28 voix, et Montréal recueille les 17 voix de Los Angeles pour se retrouver avec un total global de 42 et le mandat d’organiser les Jeux olympiques de 1976.

Tout cela grâce à Jean Drapeau, à sa vision et grâce aussi à l’Expo 67. C’est ainsi que Montréal est devenue la capitale internationale de l’univers deux fois en moins d’une décennie.

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C’était il y a 40 ans aujourd’hui…

Ses amis et les lecteurs de mon blogue le savent tous… Alain Guilbert a travaillé pendant 28 mois au Comité organisateur des Jeux olympiques (COJO 76), soit du printemps 1974 jusqu’en septembre 1976. Il qualifie cette aventure de merveilleuse… « Le trip de ma vie » a-t-il déclaré récemment au journaliste Philippe Cantin (La Presse). Lors du 1er anniversaire de la cérémonie d’ouverture qui a eu lieu le 17 juillet 1976, il avait écrit un texte souvenir pour La Tribune. Au 5e anniversaire, il a repris ce texte en le modifiant légèrement pour La Voix de l’Est. Au 15e anniversaire, il l’a refait pour Le Soleil. Et encore une fois pour La Presse lors du 25e anniversaire. Aujourd’hui, il revient à ce texte encore une fois pour marquer le 40e anniversaire de l’ouverture des Jeux de Montréal. Son texte a été repris dans quelques grands journaux. Je publierai d’autres textes d’Alain sur cet événement marquant au cours des prochaines semaines. Je tiens pour acquis que les lecteurs de mon blogue l’apprécieront.

par Alain Guilbert

Il était 17 heures environ.

Depuis deux heures, les 70 000 spectateurs entassés dans le Stade olympique étaient passés par toute la gamme des émotions. Aucun d’entre eux n’aurait voulu être ailleurs en cet après-midi du 17 juillet 1976.

Même le ciel avait contribué à cette journée inoubliable. Gris depuis le matin, il s’était complètement dégagé dans l’heure précédant le début de la fête, et le soleil, s’engouffrant par l’anneau technique du stade sans toit, illuminait de tous ses feux la piste sur laquelle s’apprêtaient à défiler ces milliers d’athlètes venus de tous les coins du monde.

À 15 heures précises, Sa Majesté Elizabeth II, reine du Canada (sic), avait pris place dans la loge royale; à ses côtés, hommes politiques et dignitaires de la grande famille olympique se pressaient.

L’atmosphère était quelque peu tendue. Depuis des semaines, les rumeurs les plus farfelues avaient circulé: présence de terroristes à Montréal, danger d’écroulement du stade, complot pour assassiner la reine. Les forces de sécurité étaient omni présentes, au cas où.

La très grande majorité des spectateurs ne demandaient qu’à manifester leur joie. Les huées isolées qui avaient accueilli Elizabeth II avaient été noyées sous des applaudissements nourris, plus chaleureux encore à l’entrée de Jean Drapeau.

Pendant plus de 75 minutes, les athlètes avaient défilé, ceux de la Grèce ouvrant la marche, comme le veut la tradition, ceux du Canada, pays hôte, la fermant, comme le veut aussi la tradition. Les acclamations n’avaient jamais cessé durant cette longue marche menée au son d’une musique qui unissait athlètes et spectateurs.

La clameur avait gagné en intensité pour marquer l’arrivée des athlètes canadiens, les plus nombreux. Leur entrée avait projeté une décharge électrique dans la foule, qui s’était levée d’un bloc pour crier à la fois sa joie et son appui à ces garçons et filles bien décidés à relever le défi du baron Pierre de Coubertin.

Les Québécois montraient du doigt Claude Ferragne et Robert Forget qu’ils avaient reconnu. Les deux sauteurs portaient sur leurs jeunes épaules les espoirs de médaille olympique de tout un peuple, un fardeau sans doute trop lourd pour des garçons à peine sortis de l’adolescence. C’est probablement à cet instant précis que tous deux ont subi l’élimination, 13 jours avant l’épreuve du saut en hauteur.

Dans les minutes suivantes, Elizabeth II, chef d’État du Canada (resic), avait proclamé les Jeux ¨officiellement ouverts¨. On avait ensuite procédé à l’envoi des couleurs, à la remise du drapeau olympique par le maire de Munich (hôte des Jeux précédents) au maire de Montréal. Puis 80 pigeons, symbolisant les années écoulées depuis la renaissance des Jeux en 1896, avaient pris leur envol vers le ciel.

Maintenant, il était 17 heures environ…

Soudain, un murmure qui s’amplifiait rapidement pour devenir un tonnerre. Sandra Henderson et Stéphane Préfontaine arrivaient dans le Stade au pas de course en brandissant la flamme olympique. Deux adolescents pour bien montrer que nos yeux étaient résolument tournés vers l’avenir; une fille et un garçon pour témoigner de l’égalité des sexes; une anglophone et un francophone pour exprimer la dualité canadienne.

Quand Sandra et Stéphane ont gravi le rostre central, mes yeux se sont embrouillés.

Dans ma tête, les images se succédaient à un rythme vertigineux. Je revoyais les manchettes affirmant que les Jeux de Montréal n’auraient jamais lieu; je relisais ces rapports d’experts (!) disant que le Stade ne pourrait être complété à temps; je revivais ces pénibles conflits politiques comme le statut de Taiwan et le boycottage des pays africains; je me rappelais les sarcasmes au sujet du coût des installations, la démission de quelques politiciens, les doutes d’une population parfois charriée par les médias; je ressentais les drames qui avaient durement frappé le COJO, comme la mort de deux vice-présidents, les conflits de travail sur les chantiers de construction, les énergies consacrées à rassurer le Comité international olympique et l’opinion mondiale sur la capacité (ou peut-être l’incapacité) de Montréal à présenter les Jeux.

Au même moment, je savais au plus profond de moi que nous avions triomphé de toutes les difficultés qui avaient parsemé la longue route menant de Munich à Montréal. Je savais que l’idéal auquel nous croyions avait eu raison de tout. La vasque que Sandra et Stéphane venaient d’enflammer en témoignait éloquemment.

Près de moi, des proches, des amis, des compagnons de travail, des inconnus, Canadiens et étrangers. La plupart d’entre eux ne pouvaient savoir ce que nous avions vécu pour en arriver là. Tout avait été difficile.

Mais à cet instant précis, plus rien n’avait d’importance. Le ballet gymnique, hommage de la jeunesse québécoise à la jeunesse du monde entier se déroulait comme un mouvement parfaitement synchronisé. La foule voguait sur un nuage. La flamme brûlait. Plus de 8 000 athlètes étaient au rendez-vous. La vraie fête pouvait commencer. Mission accomplie!!!

Avant de quitter le Stade, j’ai attendu que le dernier athlète en soit sorti. Puis lentement, entouré des miens, j’ai marché avec cette foule soudainement silencieuse et respectueuse du moment historique qu’elle venait de vivre…

C’était y a 40 ans aujourd’hui…

Postes Canada à l’échelle mondiale

La société Postes Canada Gestion de systèmes limitée était l’agence de Postes Canada responsable de la commercialisation de nos systèmes postaux à l’échelle de la planète depuis 1990. C’était un des éléments de mon portefeuille des relations avec les médias. Ses activités étaient particulièrement intéressantes.

En septembre 1994, par exemple, on m’avait informé de la visite prochaine (le 23 septembre) du chef de la direction de la Deutsche Bundespost. Il fallait nous préparer aux questions des médias, le cas échéant. Il serait accompagné d’une délégation de quasiment 40 personnes. Tout ce beau monde visiterait les édifices du parlement, mais aussi le super bureau de poste historique de la rue Elgin, à l’angle de la rue Sparks. Ce bureau est toujours là d’ailleurs. Ils iraient aussi à ce qui est aujourd’hui la librairie Réflexion des Galeries de l’Outaouais à Gatineau et qui, déjà, était l’exemple parfait d’où voulait se diriger Postes Canada dans la prestation des services postaux par comptoirs privés. Un processus qui avait été sensiblement ralenti par l’arrivée des libéraux de Jean Chrétien l’année précédente. Le lendemain, la délégation allemande irait se promener en bateau jusqu’à ce bijou qu’est le Château Montebello. Le lundi suivant, tout ce beau monde visiterait le tout nouveau centre de traitement de Stoney Creek, près de Hamilton, ainsi que l’établissement de traitement des lettres dit « ouest »… un des plus importants du réseau national de Postes Canada.

J’en parle parce que Postes Canada a joué un rôle important de conseiller auprès de plusieurs administrations postales ailleurs au monde. L’entreprise n’avait pas été privatisée, mais elle était une société d’État à vocation commerciale (impôts et dividendes). L’expérience de la Deutsche Bundespost intéressait beaucoup Postes Canada.

La Bundespost avait un statut différent depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et la fusion des deux Allemagnes. Quelques mois après la visite de cette délégation, soit le 1er janvier 1995, la Deutsche Bundespost Postdienst (la poste traditionnelle) devenait une société privée, comme deux autres de ses composantes d’ailleurs, la Bundespost Postbank (vous vous rappelez de ma référence aux services bancaires postaux dans mon billet précédent) et la Bundespost Telekom (avec un mandat lié aux communications électroniques).

Quant à Postes Canada Gestion de systèmes limitée, elle a été incorporée sous un nouveau nom le 16 mars 2016… Elle se nomme maintenant Postes Canada Gestem limitée, mais elle a conservé son appellation anglaise de Canada Post Systems Management Limited.

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J’imagine que c’est comme ça dans toutes les grandes entreprises. Je me réfère à la nécessité de réorganiser les structures de fonctionnement régulièrement. À l’automne de 1994, j’étais gestionnaire des relations avec les médias. Le directeur général des Communications à l’époque, Pierre Gosselin, avait décidé de restructurer son groupe en deux volets, celui des Communications avec les employés (11 employés) et des Relations publiques (19 employés). Je faisais partie de ce dernier volet. Mon titre passait à celui de gestionnaire des relations avec les médias et de la planification des communications. On m’ajoutait une équipe spécialisée dans cette planification.

C’est que Gosselin voulait accroître le profil de sa direction générale au sein de l’entreprise. Il voulait que les stratégies de communication s’intègrent mieux aux activités de Postes Canada et que nous participions davantage à la planification des communications. Tout ça sous-entendait l’élaboration de normes et de procédures, des balises de référence et le recours aux meilleures pratiques. La grosse expression… il fallait « créer de la valeur pour nos clients » … ceux des Communications.

Il avait même été question d’impartir l’organisation de deux gros « bébés » des Communications… le programme des lettres au père Noël » et le programme sur l’alphabétisation, alors notre cause externe par excellence. Il faudrait attendre quelques semaines avant la mise en œuvre de cette restructuration, mais l’impartition des deux programmes majeurs n’aura pas lieu.

Les postes et les services financiers

Encore tout récemment, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes affirmait que la prestation de services financiers dans les bureaux de poste constituait la solution à la rentabilité et à la survie de ces bureaux omniprésents dans tous les coins du Canada. Ce message n’était pas nouveau.

En juin 1994, par exemple, le président de la Caisse populaire de Halifax, un certain Gilles Lepage, avait écrit au ministre David Dingwall disant avoir eu vent des intentions de la Société canadienne des postes d’intégrer le marché des services bancaires et des services financiers, non seulement au Canada, mais dans d’autres pays. M. Lepage aurait lu une information à cet effet dans le quotidien Le Devoir de Montréal. Il avait envoyé une copie à son député et les médias en ont pris connaissance.

Il n’en était pas et n’en est pas encore question. C’est qu’il y a très longtemps, dans les premiers temps du service postal, les bureaux de poste offraient en effet des services bancaires, comme cela était coutume ailleurs dans le monde. Il y avait même une Banque postale. Je ne sais plus ce qu’il en est advenu, mais je me souviens d’avoir répondu à des questions de journalistes qui voulaient savoir à quoi servait l’argent qui se trouvait encore dans les livres de la banque. La question se pose encore sans doute.

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En 1994, Postes Canada tentait toujours, une douzaine d’années après sa conversion en société d’État, de solidifier des assises comme entreprise à laquelle les grandes entreprises pouvaient se fier. Un autre slogan est énoncé par les services électroniques tout nouveaux : « Electronic solutions for today’s business — L’électronique : la solution pour l’entreprise d’aujourd’hui ». Vingt-deux ans plus tard, ça fait tout drôle.

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À l’été de 1994, un nouveau concept commence à faire son chemin à Postes Canada… celui d’une adresse universelle. Nos stratèges en distribution postale pensaient à une telle idée selon laquelle chaque Canadien aurait son adresse universelle… une adresse regroupant l’adresse municipale, l’adresse postale et l’adresse électronique (télécopieur et courriel). Les logiciels et les machines de traitement de Postes Canada s’occuperaient d’acheminer les envois au bon endroit. Je crois que cette idée ne s’est pas encore matérialisée.

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J’en avais parlé. La Société canadienne des postes avait obtenu du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney l’adoption d’une loi qui permettrait d’établir un programme d’actionnariat pour les employés. Ce que je trouvais une excellente idée. La loi avait même obtenu la sanction royale. Mais voilà, aussitôt les libéraux de Jean Chrétien arrivés au pouvoir, ils refusent d’activer cette loi. À la mi-août de 1994, le Conseil du Trésor était intervenu auprès de Georges Clermont à cet effet. J’avais trouvé que les libéraux avaient été très influencés par la rhétorique syndicale pour cette initiative et pour d’autres. L’idée des actions pour les employés reviendra sur le tapis lorsque Moya Greene était présidente et sous le règne de Stephen Harper, pas longtemps avant que je prenne ma retraite. L’idée n’a pas fait son chemin… encore sûrement à cause de la pression syndicale.

Revenons à nos moutons…

Où en étais-je quand la vitesse du temps m’a brutalement éloigné de mon parcours de blogueur? Ah, oui! Je vous racontais ma carrière de communicateur à Postes Canada, notamment dans les relations avec les médias… un domaine tout à fait fascinant et qui nous obligeait, mes collègues et moi, à être au courant de quasiment tout ce qui se passait ou, encore mieux, se préparait dans les coulisses de cette grande société d’État. J’en étais rendu à vous parler du grand projet avant-garde UBI, pour lequel je représentais Postes Canada au comité des relations publiques.

Mais entre-temps, il se passait plein de choses. Notamment, le nouveau système intégré de traitement du courrier qui sous-entendait une refonte des principaux produits et services regroupés en quatre grands secteurs : les Services d’expédition intégrés, la Poste-lettres, les produits de la Médiaposte et les Services des publications et du marketing. Tout ça englobait pas moins de neuf marques commerciales distinctes : le Courrier prioritaire, Xpresspost (un produit tout neuf et quasiment sans concurrence à ce prix-là), la Poste régulière, la Poste-publications, le Médiaposte sans adresse, la Médiaposte avec adresse, la Poste-lettres ordinaire, la Poste-lettres à tarifs préférentiels, le Courrier électronique, sans oublier les produits financiers tels les mandats-poste.

Un autre produit avant-garde avait été baptisé Omnipost. C’était un de mes dossiers. Il s’agissait d’un logiciel de communications qui unifiait le courrier ordinaire, le courrier électronique (on ne parlait pas encore de courriels à cette époque de 1994) et la télécopie (qui était alors de mise pour la communication interentreprises. Le service fonctionnait ainsi : vous prépariez d’abord un carnet de vos destinataires les plus fréquents et vous précisiez leur préférence pour la réception de vos envois (courrier traditionnel, électronique ou par télécopie). Dans mon cas, par exemple, je rédigeais un communiqué de presse et je l’envoyais aux journalistes dans mon carnet partout au pays. Ceux qui avaient une rare adresse de courrier électronique le recevaient sur-le-champ, ceux qui avaient préféré la télécopie le recevaient quelques instants plus tard, tandis que pour la poste ordinaire, mon communiqué était imprimé par « courrier laser » dans l’installation postale la plus rapprochée du destinataire, imprimé et livré le lendemain matin… que ce soit à Ottawa, Toronto, Halifax ou Vancouver. Ce type de courrier était tellement différent que les destinataires avaient tendance à l’ouvrir en premier… ce qui se voulait un atout pour les sociétés commerciales. Western Union, par exemple, utilisait Omnipost pour acheminer ses télégrammes. Postes Canada avait prévu que ce service générerait des profits en 1996-1997. C’était sans compter sur ce « monstre » qui pointait la queue à l’horizon et qui viendrait jeter du sable dans nos beaux engrenages UBI et Omnipost. L’arrivée du Web a non seulement nuit à nos projets, mais nos responsables avaient également négligé une autre arrivée… celle de Windows de Microsoft. Omnipost avait été conçu en format MS-DOS, le prédécesseur de Windows, et Postes Canada avait jugé préférable de ne pas développer une nouvelle plate-forme pour Omnipost.

Pendant tout ce temps, le ministre David Dingwall, à qui Jean Chrétien avait confié la responsabilité de la Société canadienne des postes, intervenait de plus en plus dans les affaires de Postes Canada. J’avais eu l’impression que Dingwall et compagnie voyait Postes Canada comme le ministère qu’elle était déjà plutôt que comme la plus vaste société d’État commerciale au pays. Plusieurs groupes internes recevaient des appels des lieutenants du ministre. Je vous en reparlerai.

En avril 1994, il était aussi question d’un nouveau slogan que le président-directeur général Georges Clermont voulait dévoiler à la rencontre suivante de la NAMMU, l’Association nationale des grands usagers postaux… nos plus gros clients, en somme. Ce nouveau slogan serait : « In Business to Serve – En affaires pour vous servir ». Ce serait notre slogan pendant plusieurs années. Ce mois-là, nous annonçons également la nomination de John Fellows, un vice-président de Postes Canada, à la direction générale de GD Express Worldwide, le service international de messageries dont la société était actionnaire avec de grandes administrations postales européennes et le géant australien TNT Express. En fait, GD Express deviendra justement TNT Express Worldwide.

Ce ne sont pas les initiatives qui manquaient à Postes Canada à l’époque.

« J’en ai déjà fait plus en même temps »

Le texte suivant a été publié dans le journal Le Soleil, où Alain Guilbert était rédacteur en chef, le 21 juillet 1984. Il avait connu Jean Lapierre en 1979 (l’année où il a été élu député pour la première fois) à Granby quand il est devenu président du journal La Voix de l’Est, où il a œuvré pendant cinq années. Il a suivi Jean tout au long de sa carrière, soit comme politicien engagé et habile, soit comme analyste politique vraiment exceptionnel. En reprenant ce texte écrit il y a plus de 30 ans et en le diffusant au lendemain de la terrible tragédie qui lui a coûté la vie ainsi que celle de quatre autres membres de sa famille, c’est sa façon de lui rendre hommage.

par Alain Guilbert

À peine 17 ans, trop jeune même pour voter, un étudiant qui doit réaliser un travail dans le cadre de l’un de ses cours au cégep attrape la piqûre de la politique.

Moins de 11 ans plus tard, un tout jeune homme de 28 ans reçoit un appel du premier ministre du Canada, qui l’invite à joindre les rangs de son cabinet.

Ce n’est pas un, mais deux ministères, celui de la Jeunesse et celui du Sport amateur, que John Turner confie à Jean Lapierre, député de Shefford, qui devient par le fait même le plus jeune ministre du pays depuis la Confédération.

Un défi de taille qui pourrait en effrayer plusieurs, mais pas Jean Lapierre, déjà un « vieux » routier de la politique.

Disponible, travailleur, ambitieux, politicien jusqu’au bout des doigts, Lapierre a aussi la chance de pouvoir compter sur un « parrain » puissant à Ottawa, soit André Ouellet, le tout nouveau président du Conseil privé.

Les liens qui unissent les deux hommes se sont tissés au cours des ans. Ils ressemblent presque aux liens qui unissent un père et son fils.

À Granby depuis un an seulement, en 1974 Lapierre préside déjà les destinées des jeunes libéraux provinciaux et fédéraux. Douze mois plus tôt, il vivait encore en Californie où il apprenait l’anglais, après avoir quitté son pays natal, les Îles-de-la-Madeleine. Il songeait même à séjourner au Mexique pour apprendre l’espagnol, mais bifurque plutôt vers Granby pour y rejoindre un copain et poursuivre ses études,

Dans son cours de science politique, il décide de faire un travail sur la campagne électorale (provinciale) de l’automne 1973. Il rencontre les candidats en présence, se lie d’amitié pour le (candidat) libéral et travaille à son élection. C’est là qu’il attrape (vraiment) la piqûre.

Les jeunes étant peu nombreux au sein des organisations politiques, chez les libéraux tout au moins, il constate ce vacuum et se retrouve à la tête de deux associations de jeunes libéraux.

C’est à ce titre qu’il invite (André) Ouellet à Granby, surtout que ce dernier agit comme ministre responsable de l’Estrie au sein du cabinet de Pierre Elliott Trudeau. Ouellet hésite, mais Lapierre insiste tellement que le ministre accepte finalement. Lapierre remplit d’étudiants la plus grande salle de la ville. Ouellet en a plein les yeux. C’est le coup de foudre instantané.

Quelques mois plus tard, après les élections fédérales de 1974, le candidat libéral subit la défaite dans Shefford, défaite que Lapierre promet de venger un jour. Ouellet offre un emploi (à Ottawa) au jeune étudiant qui l’avait tellement impressionné lors de sa visite à Granby.

Le ministre met une condition à l’emploi de son nouveau protégé : celui-ci doit poursuivre ses études, et pour prouver son intérêt, il doit même lui soumettre régulièrement ses bulletins. Lapierre accepte. Il travaille et étudie. Heureusement que son amie de cœur (de l’époque), celle qu’il devait épouser plus tard, s’inscrit aux mêmes cours que lui. « Elle prenait de bonnes notes et j’avais une bonne machine à photocopier », raconte-t-il avec le sourire.

En 1976, quand André Ouellet doit démissionner pour avoir critiqué publiquement un jugement de la Cour d’appel, ses adjoints le quittent, sauf Lapierre qui accepte une réduction de salaire pour demeurer à ses côtés.

Quand Ouellet réintègre le cabinet un peu plus tard, il manifeste sa reconnaissance à Lapierre en faisant de lui son chef de cabinet, le plus jeune de l’histoire à 20 ans.

Les événements se précipitent par la suite. Lapierre, par un concours de circonstances, devient candidat libéral dans Shefford en 1978 pour les élections fédérales qui n’auront lieu finalement qu’un an plus tard.

Dans l’espace de quelques semaines, il réussit ses examens du Barreau, se marie, se fait construire une maison et aussi est élu député. Il n’a que 23 ans. Réélu l’année suivante (en 1980) avec une majorité de 23 000 votes, il se fait remarquer parce qu’il est toujours au cœur de l’action.

Participant actif au référendum de 1980, seul représentant du Québec avec Serge Joyal au sein du comité de la constitution, « vendeur » du programme national d’énergie, successivement secrétaire parlementaire au Sport amateur et aux Affaires extérieures, « concepteur » du ministère de la Jeunesse, il multiplie les contacts avec ses collègues, avec les militants et avec la presse, chez qui il a ses entrées. Il ne néglige pas son comté pour autant, où on le voit toujours et partout.

Pendant la campagne au leadership de son parti, il travaille aux côtés de son « père politique » André Ouellet, comme coordonnateur adjoint à la campagne de John Turner.

Quand le nouveau premier ministre forme son cabinet, c’est la consécration et la récompense pour ce tout jeune « serviteur », deux ministères.

Est-ce trop lourd pour ses épaules? Il affirme que non : « J’en ai déjà fait plus en même temps », dit-il.

De toute façon, pouvait-on rêver d’un meilleur choix pour vendre aux jeunes Canadiens l’idée que toutes les portes leur sont ouvertes, que les rêves les plus fous peuvent encore être réalisés…

Yvon Dubé, un grand du journalisme

par Alain Guilbert

L’un des plus grands jours de chance dans ma vie est survenu quand le directeur de la rédaction de La Tribune et plusieurs de ses journalistes ont décidé à la fin de l’été 1959 de se joindre à La Presse qui avait décidé d’ouvrir des bureaux régionaux à Sherbrooke (et aussi à Trois-Rivières, à Québec et à Chicoutimi).

Ces départs en masse ont ouvert la porte à toutes sortes de changements. D’abord, un nouveau directeur de la rédaction, Yvon Dubé, qui avait fait ses classes à Coaticook et qui s’était joint à La Tribune depuis quelques mois à peine. Et aussi l’arrivée de plusieurs nouveaux journalistes… dont j’ai été du nombre.

Jamais je n’avais imaginé que cet emploi, qui devait me permettre de financer mes études universitaires ainsi que ma vie dans un nouveau milieu deviendrait le début d’une carrière de près d’un demi-siècle dans le milieu des communications.

Et cette carrière dont je suis fier et qui m’a permis d’extraordinaires satisfactions je la dois à une personne en particulier, Yvon Dubé, le premier « boss » de ma vie professionnelle et mon « mentor » pendant des dizaines d’années.

Grâce à Yvon Dubé, j’ai gravi tous les échelons de la salle de rédaction au cours des années. Il m’avait adopté en quelque sorte… Même quand j’ai été président du syndicat des journalistes pendant une courte période, j’ai poursuivi les discussions quotidiennes que j’avais avec lui, les « lunches » que nous prenions ensemble avec différents acteurs de la vie sherbrookoise, des « lunches » qui nous ont permis d’apprendre des dizaines et des dizaines de nouvelles que nous n’aurions jamais su sans ces rencontres « cédulées ou pas » au moins quatre midis par semaine.

Yvon Dubé n’écrivait pas de nouvelles… mais il avait un flair incroyable pour les détecter… Yvon Dubé n’écrivait pas de textes, mais il avait une connaissance parfaite de la langue française et des expressions qui signifiaient quelque chose. Yvon Dubé n’avait jamais dirigé de journaux avant La Tribune (où il a été directeur de la rédaction et par la suite en est devenu président et directeur général jusqu’à sa retraite). Il n’avait jamais fait de gestion avant sa venue à Sherbrooke… pourtant il a été un gestionnaire exceptionnel.

Yvon Dubé était un innovateur exceptionnel… c’est lui qui a donné naissance aux pages régionales dans La Tribune… ce qui signifie que toutes les régions aux alentours de Sherbrooke avaient leur propre page quotidiennement… Drummondville, Victoriaville, Thetford Mines et Lac-Mégantic, Magog et Coaticook, Asbestos et Richmond, même Granby (pendant une longue période).

C’est lui qui a développé de nouveaux concepts publicitaires qui ont généré des revenus à la hausse année après année.

C’est encore lui qui a donné naissance aux chroniques immensément populaires comme le « Carnet King-Wellington », le « Persiflage » et combien d’autres. Ses initiatives devançaient tout le monde… et ont depuis longtemps été reprises dans de nombreux journaux.

Il n’avait jamais fabriqué de journaux avant La Tribune… mais il a été un précurseur dans le format six colonnes (au lieu des traditionnelles huit colonnes). Quand de grands journaux américains ou canadiens se présentaient comme les créateurs des présentations typographiques sur six colonnes, il y avait longtemps que La Tribune avait créé ce modèle. Je me souviens même d’un jour où nous avions monté une première page de La Tribune en deux formats… la moitié de la page était selon le modèle traditionnel et l’autre moitié de la page était selon le modèle tabloïd. C’était bien avant que La Presse ne transforme sa section des sports en tabloïd, et bien des années-lumière avant que Le Quotidien, La Voix de l’Est, La Tribune, Le Droit, Le Nouvelliste et même Le Soleil n’adoptent le format tabloïd pour de bon. Nous avions « testé » le concept bien avant tout le monde.

Yvon Dubé avait aussi une capacité à détecter les journalistes de talent. Après mes 11 premières années professionnelles à La Tribune, je suis allé à Montréal pour diriger le magazine L’Actualité puis la division de l’information au Comité organisateur des Jeux olympiques de 1976. C’est un peu lui qui m’avait incité à aller ailleurs, à vivre d’autres expériences. Il m’avait dit un jour que le seul regret de sa vie était de « ne pas être allé voir ailleurs ce qui s’y passait »… selon lui, c’était une façon sûre d’apprendre, de s’améliorer. Après les Jeux, je suis revenu à La Tribune à sa demande comme rédacteur en chef et éditeur adjoint. Nous avions alors la plus formidable équipe dont puissent rêver tous les quotidiens du monde (j’exagère à peine!!!). Il y avait André Préfontaine, qui a été par la suite vice-président de la Presse canadienne et président des Publications Transcontinental; Pierre Francoeur, qui a été le « grand patron » du Journal de Montréal puis aussi de tous les quotidiens français et anglais du Groupe Québecor; et aussi Guy Crevier, qui aura été le président de TVA, de Vidéotron, de La Presse, du Groupe Gesca et le créateur de La Presse +. Je pourrais en nommer de nombreux autres qui ont atteint des sommets grâce à lui.

Dans mon cas, c’est lui qui m’a enseigné à être un patron. Il m’avait expliqué un jour qu’il y avait seulement deux façons de fonctionner dans la vie… ou « on faisait des choses… ou on faisait faire des choses »… Les premiers étaient des « faiseurs »… les seconds étaient des « patrons ». C’était simple… mais il l’avait compris depuis bien longtemps.

Je suis resté en contact avec lui bien des années après mon second départ de La Tribune. Souvent, quand j’avais des doutes sur des décisions à prendre, tant professionnelles que personnelles, je l’appelais pour en discuter. Sa philosophie était celle du « gros bon sens ». Au cours des dernières années, nous avions perdu contact… mais je pensais souvent à lui… Même si je ne lui ai pas parlé depuis longtemps, il me manquait… et maintenant qu’il est parti pour un monde meilleur, il va me manquer davantage. (Note du blogueur : Yvon Dubé est décédé le 20 novembre 2015 à l’âge de 89 ans. Il avait pris sa retraite de La Tribune en 1989.)

Je ne peux résister à l’envie de vous raconteur un incident survenu il y a bien longtemps (en 1981). Yvon avait obtenu le très prestigieux Prix littéraire Juge Lemay décerné par la Société St-Jean-Baptiste de Sherbrooke (qui comptait alors plus de 23 000 membres). J’avais écrit un texte sur l’honneur qu’il recevait dans le magazine Perspectives (qui était alors distribué à près d’un million d’exemplaires chaque semaine). J’avais commencé mon texte comme suit : « Un prix littéraire décerné à un homme qui n’écrit pas dix lignes par année ».

Cela pouvait surprendre… mais c’était parfaitement cohérent avec ce qu’il était… Il ne « faisait pas »… Il « faisait faire ». Sous sa direction, La Tribune a fait une extraordinaire contribution à la promotion de la langue et de la culture française. Toute sa vie professionnelle aura aussi été une extraordinaire contribution à la qualité du journalisme tant régional et québécois.

Il n’y avait personne comme lui… et il n’y en aura jamais.

MERCI pour tout, Yvon… et à un de ces jours…

Le « Grand Jean », un surnom à la mesure de Jean Béliveau

par Alain Guilbert

À Québec, on l’appelait le « gros Bill »… à Montréal, et ailleurs au Québec, on l’appelait plutôt le « Grand Jean », un surnom tout à fait à sa mesure.

Comme je suis né il y a bien longtemps (plus de 70 ans), j’ai eu le plaisir et le privilège de le voir jouer au hockey tant en personne qu’à la télévision. Ceux et celles qui ont moins de 50 ans ne peuvent pas en dire autant. Pourtant, tout le monde le connaît jeunes et « vieux ». Jean Béliveau, c’est une légende… Dans les faits, c’est l’une des trois seules « véritables légendes » dans la longue et « glorieuse » histoire des Canadiens de Montréal.

Oui, trois, seulement, les numéros 9, 4 et 10…. Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur… Bien sûr, il y a eu de nombreux « grands joueurs » qui ont porté les couleurs du CH… les Jacques Plante, Doug Harvey, Bernard Geoffrion, Jacques Lemaire, Larry Robinson, Serge Savard, Patrick Roy, etc., mais des légendes authentiques, je n’en compte que trois… et aujourd’hui une seule est encore vivante, soit Guy Lafleur.

En écrivant ce texte, mon intention n’est pas de vous rappeler les péripéties qui ont amené Jean Béliveau de Québec à Montréal, après qu’il ait étincelé de tous ses feux tant avec les Citadelles (junior) et les As (senior) de Québec… un passage qui n’est pas étranger à l’éternelle rivalité Québec-Montréal. Certains « Québécois » n’ont pas encore digéré (60 ans plus tard) le fait que Montréal ait « volé » Jean Béliveau à Québec.

Mon intention n’est pas non plus de rappeler ses performances éblouissantes durant ses 18 saisons complètes avec les Canadiens, ses 1125 matches, ses 507 buts, ses 712 aides pour un total de 1219 points (le 2e plus haut total de l’histoire du CH après les 1246 points de Guy Lafleur). Cela n’inclut pas ses 162 matches en séries éliminatoires, ses 79 buts et 97 assistances, pour un total de 176 points. Et enfin, cela n’inclut pas ses 10 bagues de la Coupe Stanley, ni ses nombreux trophées, ni ses nombreuses sélections au sein des équipes d’étoiles.

La radio, la télévision et les journaux seront remplis de tous ces chiffres pendant les prochains jours.

Je veux surtout vous parler de Jean Béliveau, l’homme souriant, gentil, disponible, respectueux, attentif, dévoué, et ainsi de suite, que j’ai eu le privilège de connaître personnellement. Je veux vous parler de ce « grand homme », tant par sa constitution physique et ses performances sur la patinoire, que par ses qualités morales et humaines qu’il a toujours démontrées tant sur la patinoire qu’hors de la patinoire.

J’ai vraiment connu Jean Béliveau en 1975 alors que j’occupais le poste de directeur de l’information au sein du Comité organisateur des Jeux olympiques de Montréal (Cojo 76). Comme c’est la coutume, le Cojo a organisé des compétitions internationales en 1975 dans toutes les disciplines au programme des Jeux olympiques de 1976. Ces compétitions « préolympiques » (mais nous n’avions pas l’autorisation de les appeler ainsi) devaient servir à plusieurs fins : tester la majorité des stades et facilités où auraient lieu les Jeux olympiques, tester le fonctionnement de notre organisation pour accueillir les athlètes, les accréditer, les transporter, les loger, les nourrir, etc. En fait, il s’agissait de mini-olympiques sans en avoir le nom. Ces compétitions devaient également servir à initier les organisateurs, les journalistes et le public en général à des sports avec lesquels ils n’étaient pas ou peu familiers.

Entre mai et novembre 1975, nous avons donc organisé les Compétitions internationales Montréal 1975 à l’intérieur desquelles nous avons présenté des épreuves de volleyball, handball, football (soccer), basketball, athlétisme (courses, sauts et lancers), gymnastique, natation (nage, plongeon et water-polo), boxe, lutte (libre et gréco-romaine), canot, aviron, voile, sports équestres, tir à l’arc, tir au fusil, pentathlon moderne, haltérophilie, et d’autres.

À cette époque, peu de personnes connaissaient ces sports, et encore moins ceux et celles qui étaient les meilleur(e)s au monde et susceptibles de remporter des médailles à Montréal l’année suivante.

Pour créer un peu plus d’intérêt auprès des médias et du public en général pour ces compétitions, le Cojo avait demandé à Jean Béliveau d’agir comme président d’honneur de ce programme étendu sur sept mois. Le « Grand Jean » avait pris sa retraite du hockey quelques années plus tôt, soit en 1971. Réagissant à l’invitation de Simon St-Pierre, qui était alors le vice-président directeur du Cojo, l’ex-numéro 4 du Canadien a accepté avec sa gentillesse proverbiale de tenir ce rôle.

Durant les sept mois où ces compétitions ont eu lieu, j’ai eu le plaisir de rencontrer Jean Béliveau des dizaines et des dizaines de fois. Jamais il n’a fait défaut une seule fois. Il a assisté à toutes les compétitions sans exception. Certaines n’avaient duré qu’un jour; plusieurs s’étaient étendues sur deux ou trois jours.

À chaque compétition, il rencontrait le personnel du comité organisateur. Nous lui expliquions le sport en question, ses principales règles. Nous lui parlions des athlètes présents, de leur origine, de leurs performances, de leur classement mondial. Lui, il avait toujours un bon mot pour tout le monde; c’était comme si nous lui faisions une faveur d’être « notre président d’honneur », alors que c’était nous qui lui étions redevables d’avoir accepté cette responsabilité.

Jamais il n’a été en retard à une de ces rencontres préparatoires. Chaque fois, il a manifesté un intérêt réel pour notre équipe d’organisation (après deux ou trois compétitions, il nous saluait tous par notre prénom), pour chaque sport en compétition, pour les athlètes participants. Il voulait tout savoir. Il écoutait patiemment toutes nos explications et il les retenait très bien. Il a assisté à toutes les compétitions au complet, qu’elles durent quelques heures, un jour, deux ou même trois. Jamais il n’est parti avant la fin d’une compétition. À la fin de chaque compétition, il présentait les médailles aux vainqueurs; il s’arrêtait devant chaque athlète pour échanger quelques mots avec lui ou avec elle. Nombre de ces athlètes ne connaissaient rien au hockey; mais on percevait dans leurs yeux et leurs gestes qu’ils admiraient ce « grand homme » qui prenait le temps de leur parler et de les féliciter pour leur performance.

Ces sept mois de l’année 1974 seront toujours inoubliables pour moi. Ils n’étaient sûrement pas au niveau de l’émotion vécue à l’occasion des Jeux en 1976, mais grâce à Jean Béliveau ils ont obtenu une importance qui n’aurait pas été aussi grande sans sa présence.

Pendant ces sept mois, nous avons eu l’occasion de côtoyer à des centaines de reprises l’une des légendes vivantes des Canadiens de Montréal… mais encore plus… un « grand homme » dans le sens le plus large du mot – un des hommes les plus extraordinaires qu’il m’a été donné de rencontrer au cours de ma vie.

Plus de 25 années plus tard, alors que j’étais responsable des communications de Postes Canada, et aussi du programme philatélique, nous avons émis des timbres mettant en vedette les plus grands joueurs de l’histoire de la Ligue nationale de hockey. Dès la seconde année de ce programme qui s’est déroulé sur cinq ou six ans, Jean Béliveau faisait partie des rares joueurs qui ont été immortalisés par un timbre. Une cérémonie spéciale de présentation des timbres avait eu lieu à Denver, au Colorado, où avait le match annuel des Étoiles cette année-là.

Bien sûr, Jean Béliveau était présent; dès que je l’ai croisé, il m’a immédiatement reconnu et m’a salué d’un chaleureux « Bonjour Alain ». Il se souvenait des Compétitions internationales Montréal 1975 qui s’étaient déroulé un quart de siècle plus tôt. Pendant les deux jours passés à Denver, je l’ai observé dans toutes les rencontres avec le public et surtout avec les ex-étoiles et les étoiles d’alors de la Ligue nationale. Tous sans exception avaient les yeux remplis d’admiration en saluant Jean Béliveau. J’ai vraiment ressenti que tout un chacun le considérait comme un « grand homme ». Comme le GRAND JEAN!

Jean Béliveau… reposez en paix… vous l’avez bien mérité!

Carol Vadnais en retour de Guy Lafleur!!!???

par Alain Guilbert

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de l’ex-joueur de hockey Carol Vadnais cette fin de semaine (31 août 2014), un homme que j’ai trouvé sympathique au premier abord. Ce qui m’a rappelé une intéressante anecdote à son sujet.

Bien sûr, comme tous les « vieux » amateurs de hockey, j’ai vu Carol Vadnais évoluer avec le Canadien junior, puis avec le CH avec son « très grand ami » Serge Savard, les Golden Seals d’Oakland (ou de la Californie, selon ce que vous préférez), les Bruins de Boston, les Rangers de New York et, enfin, les Devils du New Jersey.

Carol a connu une excellente carrière de 17 saisons dans la Ligue nationale, dont deux seulement (et d’ailleurs très courtes… soit 42 matches au total) avec le CH.

Un jour (il y a quatre ou cinq ans de cela), alors que je jouais au golf à Hilton Head en compagnie de Serge Savard et Claude Boulay, Carol était le quatrième membre de notre quatuor. Il se relevait à peine de sa première grande bataille contre le cancer (qu’il avait gagnée, du moins temporairement, et qui l’a finalement emporté). Après une complexe chirurgie, des traitements de chimio et de radio qui s’étaient étalés sur plusieurs mois, il se sentait assez bien et assez fort pour passer quelques jours sous le soleil de la Caroline du Sud chez celui qu’il considérait comme un frère, Serge Savard.

Bien sûr, avec Serge et Carol dans notre groupe de golf, on ne pouvait éviter de parler « hockey », surtout que Claude et moi nous trouvions avec deux « vrais » experts.

À un moment donné, Claude a demandé à Carol dans quel contexte il avait quitté l’uniforme Bleu, Blanc, Rouge… pour se retrouver en Californie. Et Carol de lui répondre immédiatement : « Le Canadien m’a échangé aux Golden Seals en retour de Guy Lafleur ».

La réponse m’a vraiment surpris… et je n’ai pu retenir un grand sourire. Bien sûr, Carol se donnait un beau rôle avec cette réponse, mais il ne s’agissait quand même pas d’une fausse réponse… disons qu’il s’agissait d’une simplification de la vérité… d’une façon de colorer la réalité.

Je me rappelais très bien des faits survenus lors de cette transaction. Le directeur général du CH à cette époque était le très « rusé » Sam Pollock. Celui-ci avait de nombreuses cordes à son arc et il savait vraiment comment les utiliser, tout un chacun d’elles.

À la fin de la saison 1967-1968, Pollock savait déjà que le premier choix au repêchage à la fin de la saison 1970-1971 (et oui, trois ans plus tard) serait très certainement le déjà célèbre ailier droit des Remparts de Québec et déjà une « grande vedette » dans toute la Ligue junior majeure du Québec, Guy Lafleur. Et Pollock voulait bien s’assurer de mettre la main sur lui. À cette époque, l’équipe qui finissait en dernière position obtenait automatiquement le premier choix au repêchage, l’équipe qui terminait en avant-dernière position, le deuxième choix, et ainsi de suite. Il n’y avait pas de tirage au sort entre les cinq dernières équipes, comme c’est maintenant le cas.

Le Canadien était alors l’une des meilleures équipes de la LNH, sinon la meilleure. Ses chances de terminer en dernière position trois saisons plus tard étaient pratiquement nulles. Alors, comment s’assurer les droits sur Guy Lafleur? Sam Pollock avait conçu un plan… il allait céder l’un de ses bons joueurs (Carol Vadnais) en échange du premier choix au repêchage des Golden Seals à la fin de la saison 1970-1971. Vraiment… astucieux!

Mais au milieu de la saison 1970-1971, sans doute avec l’aide de Carol Vadnais, les Golden Seals avaient quitté les bas-fonds du classement, position qu’ils occupaient au cours des saisons précédentes. Les Seals avaient cédé la dernière place aux Kings de Los Angeles, qui auraient alors obtenu le premier choix au repêchage s’ils demeuraient dans la « cave » du classement jusqu’à la fin de la saison.

Mais le « vieux Sam », comme on le surnommait à l’époque, avait plus d’un tour dans son sac. Il expédia alors son troisième meilleur joueur de centre (après Jean Béliveau et Henri Richard), Ralph Backstrom, aux Kings en retour de « considérations futures ». Et le plan de Pollock a fonctionné.

Avec l’aide de Backstrom, les Kings ont grimpé en avant-dernière place, tandis que les Seals glissaient en dernière place… et obtenaient ainsi le premier choix au repêchage – choix qui appartenait toutefois au CH – est c’est ainsi que Guy Lafleur s’est retrouvé à Montréal à la grande satisfaction du directeur général et des partisans… et c’est ainsi aussi que Carol Vadnais a pu dire sans vraiment raconter un mensonge qu’on l’avait « échangé » aux Seals en retour de Guy Lafleur. En vérité, on devrait plutôt dire que le choix du « Démon Blond » a été obtenu en retour de Carol Vadnais… et de Ralph Backstrom.

Un « long shot »… dit-on dans le langage des parieurs!

Petit détail intéressant… Vous souvenez-vous du joueur qui a été repêché en seconde place (après Guy Lafleur) cette année-là? Oui, bien sûr, il s’agissait du centre des Black Hawks de St. Catharines de la Ligue junior majeure de l’Ontario… Marcel Dionne.

Entre vous et moi, Dionne n’aurait sans doute pas été un mauvais premier choix pour le CH! Il a sans doute été moins « spectaculaire » et moins « flamboyant » que Lafleur, mais il a obtenu 1771 points au cours de sa carrière (dont 731 buts – le quatrième meilleur marqueur de tous les temps dans la LNH) contre 1353 points pour l’ailier droit du Canadien (dont 560 buts).

À ces chiffres, il faut ajouter les séries éliminatoires auxquelles Lafleur a participé plus souvent que Dionne. Le premier a obtenu 134 points (dont 58 buts) et le second, 45 points (dont 21 buts).

Dionne aurait-il aussi bien fait que Lafleur s’il s’était retrouvé à Montréal? Voilà un bon sujet de discussion pour les amateurs – mais, quelle que soit la réponse à cette question, ce sera toujours une simple supposition!

Salut, Carol…, et repose en paix!

Note du blogueur : Alain m’a fait parvenir son texte le jour même de mon départ pour l’Europe. Il n’est jamais trop tard pour publier un bel hommage.

Je ne vous oublie pas…

Vous vous demandez sûrement ce que le blogueur peut bien faire tout à coup. Nous a-t-il abandonnés? Lui est-il arrivé quelque malheur? Rien de ça… simplement que je suis débordé par toutes sortes de choses qui retiennent mes énergies ailleurs que vers mon blogue. Sans oublier que repasser mes notes sur mes années à Postes Canada est un exercice assez laborieux, merci; surtout que je ne veux pas vous embêter avec des thèmes qui seraient moins intéressants… trop routiniers. Ne perdez surtout pas patience…