Le « Grand Jean », un surnom à la mesure de Jean Béliveau

par Alain Guilbert

À Québec, on l’appelait le « gros Bill »… à Montréal, et ailleurs au Québec, on l’appelait plutôt le « Grand Jean », un surnom tout à fait à sa mesure.

Comme je suis né il y a bien longtemps (plus de 70 ans), j’ai eu le plaisir et le privilège de le voir jouer au hockey tant en personne qu’à la télévision. Ceux et celles qui ont moins de 50 ans ne peuvent pas en dire autant. Pourtant, tout le monde le connaît jeunes et « vieux ». Jean Béliveau, c’est une légende… Dans les faits, c’est l’une des trois seules « véritables légendes » dans la longue et « glorieuse » histoire des Canadiens de Montréal.

Oui, trois, seulement, les numéros 9, 4 et 10…. Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur… Bien sûr, il y a eu de nombreux « grands joueurs » qui ont porté les couleurs du CH… les Jacques Plante, Doug Harvey, Bernard Geoffrion, Jacques Lemaire, Larry Robinson, Serge Savard, Patrick Roy, etc., mais des légendes authentiques, je n’en compte que trois… et aujourd’hui une seule est encore vivante, soit Guy Lafleur.

En écrivant ce texte, mon intention n’est pas de vous rappeler les péripéties qui ont amené Jean Béliveau de Québec à Montréal, après qu’il ait étincelé de tous ses feux tant avec les Citadelles (junior) et les As (senior) de Québec… un passage qui n’est pas étranger à l’éternelle rivalité Québec-Montréal. Certains « Québécois » n’ont pas encore digéré (60 ans plus tard) le fait que Montréal ait « volé » Jean Béliveau à Québec.

Mon intention n’est pas non plus de rappeler ses performances éblouissantes durant ses 18 saisons complètes avec les Canadiens, ses 1125 matches, ses 507 buts, ses 712 aides pour un total de 1219 points (le 2e plus haut total de l’histoire du CH après les 1246 points de Guy Lafleur). Cela n’inclut pas ses 162 matches en séries éliminatoires, ses 79 buts et 97 assistances, pour un total de 176 points. Et enfin, cela n’inclut pas ses 10 bagues de la Coupe Stanley, ni ses nombreux trophées, ni ses nombreuses sélections au sein des équipes d’étoiles.

La radio, la télévision et les journaux seront remplis de tous ces chiffres pendant les prochains jours.

Je veux surtout vous parler de Jean Béliveau, l’homme souriant, gentil, disponible, respectueux, attentif, dévoué, et ainsi de suite, que j’ai eu le privilège de connaître personnellement. Je veux vous parler de ce « grand homme », tant par sa constitution physique et ses performances sur la patinoire, que par ses qualités morales et humaines qu’il a toujours démontrées tant sur la patinoire qu’hors de la patinoire.

J’ai vraiment connu Jean Béliveau en 1975 alors que j’occupais le poste de directeur de l’information au sein du Comité organisateur des Jeux olympiques de Montréal (Cojo 76). Comme c’est la coutume, le Cojo a organisé des compétitions internationales en 1975 dans toutes les disciplines au programme des Jeux olympiques de 1976. Ces compétitions « préolympiques » (mais nous n’avions pas l’autorisation de les appeler ainsi) devaient servir à plusieurs fins : tester la majorité des stades et facilités où auraient lieu les Jeux olympiques, tester le fonctionnement de notre organisation pour accueillir les athlètes, les accréditer, les transporter, les loger, les nourrir, etc. En fait, il s’agissait de mini-olympiques sans en avoir le nom. Ces compétitions devaient également servir à initier les organisateurs, les journalistes et le public en général à des sports avec lesquels ils n’étaient pas ou peu familiers.

Entre mai et novembre 1975, nous avons donc organisé les Compétitions internationales Montréal 1975 à l’intérieur desquelles nous avons présenté des épreuves de volleyball, handball, football (soccer), basketball, athlétisme (courses, sauts et lancers), gymnastique, natation (nage, plongeon et water-polo), boxe, lutte (libre et gréco-romaine), canot, aviron, voile, sports équestres, tir à l’arc, tir au fusil, pentathlon moderne, haltérophilie, et d’autres.

À cette époque, peu de personnes connaissaient ces sports, et encore moins ceux et celles qui étaient les meilleur(e)s au monde et susceptibles de remporter des médailles à Montréal l’année suivante.

Pour créer un peu plus d’intérêt auprès des médias et du public en général pour ces compétitions, le Cojo avait demandé à Jean Béliveau d’agir comme président d’honneur de ce programme étendu sur sept mois. Le « Grand Jean » avait pris sa retraite du hockey quelques années plus tôt, soit en 1971. Réagissant à l’invitation de Simon St-Pierre, qui était alors le vice-président directeur du Cojo, l’ex-numéro 4 du Canadien a accepté avec sa gentillesse proverbiale de tenir ce rôle.

Durant les sept mois où ces compétitions ont eu lieu, j’ai eu le plaisir de rencontrer Jean Béliveau des dizaines et des dizaines de fois. Jamais il n’a fait défaut une seule fois. Il a assisté à toutes les compétitions sans exception. Certaines n’avaient duré qu’un jour; plusieurs s’étaient étendues sur deux ou trois jours.

À chaque compétition, il rencontrait le personnel du comité organisateur. Nous lui expliquions le sport en question, ses principales règles. Nous lui parlions des athlètes présents, de leur origine, de leurs performances, de leur classement mondial. Lui, il avait toujours un bon mot pour tout le monde; c’était comme si nous lui faisions une faveur d’être « notre président d’honneur », alors que c’était nous qui lui étions redevables d’avoir accepté cette responsabilité.

Jamais il n’a été en retard à une de ces rencontres préparatoires. Chaque fois, il a manifesté un intérêt réel pour notre équipe d’organisation (après deux ou trois compétitions, il nous saluait tous par notre prénom), pour chaque sport en compétition, pour les athlètes participants. Il voulait tout savoir. Il écoutait patiemment toutes nos explications et il les retenait très bien. Il a assisté à toutes les compétitions au complet, qu’elles durent quelques heures, un jour, deux ou même trois. Jamais il n’est parti avant la fin d’une compétition. À la fin de chaque compétition, il présentait les médailles aux vainqueurs; il s’arrêtait devant chaque athlète pour échanger quelques mots avec lui ou avec elle. Nombre de ces athlètes ne connaissaient rien au hockey; mais on percevait dans leurs yeux et leurs gestes qu’ils admiraient ce « grand homme » qui prenait le temps de leur parler et de les féliciter pour leur performance.

Ces sept mois de l’année 1974 seront toujours inoubliables pour moi. Ils n’étaient sûrement pas au niveau de l’émotion vécue à l’occasion des Jeux en 1976, mais grâce à Jean Béliveau ils ont obtenu une importance qui n’aurait pas été aussi grande sans sa présence.

Pendant ces sept mois, nous avons eu l’occasion de côtoyer à des centaines de reprises l’une des légendes vivantes des Canadiens de Montréal… mais encore plus… un « grand homme » dans le sens le plus large du mot – un des hommes les plus extraordinaires qu’il m’a été donné de rencontrer au cours de ma vie.

Plus de 25 années plus tard, alors que j’étais responsable des communications de Postes Canada, et aussi du programme philatélique, nous avons émis des timbres mettant en vedette les plus grands joueurs de l’histoire de la Ligue nationale de hockey. Dès la seconde année de ce programme qui s’est déroulé sur cinq ou six ans, Jean Béliveau faisait partie des rares joueurs qui ont été immortalisés par un timbre. Une cérémonie spéciale de présentation des timbres avait eu lieu à Denver, au Colorado, où avait le match annuel des Étoiles cette année-là.

Bien sûr, Jean Béliveau était présent; dès que je l’ai croisé, il m’a immédiatement reconnu et m’a salué d’un chaleureux « Bonjour Alain ». Il se souvenait des Compétitions internationales Montréal 1975 qui s’étaient déroulé un quart de siècle plus tôt. Pendant les deux jours passés à Denver, je l’ai observé dans toutes les rencontres avec le public et surtout avec les ex-étoiles et les étoiles d’alors de la Ligue nationale. Tous sans exception avaient les yeux remplis d’admiration en saluant Jean Béliveau. J’ai vraiment ressenti que tout un chacun le considérait comme un « grand homme ». Comme le GRAND JEAN!

Jean Béliveau… reposez en paix… vous l’avez bien mérité!

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