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Une élection pas comme les autres

Il ne s’en fait plus depuis longtemps de telles campagnes électorales dans la circonscription et probablement ailleurs au pays. Dans l’édition du 20 juin 1968 du journal Le Carillon, cinq jours avant les élections, l’organisation de Viateur Ethier publie pas moins de cinq pleines pages. On y vante les mérites du député libéral sortant, y compris une comparaison entre le règne de Diefenbaker de 1958 à 1963 au règne de Pearson de 1963 à 1968, une énorme photo de Trudeau, les nouvelles industries qui se sont installées à Hawkesbury depuis sa désignation de zone défavorisée et les noms de tous ceux (il n’y a pas de « celles » bien entendu… nous sommes en 1968) qui sont ses organisateurs régionaux de sa campagne dans la circonscription.

Le candidat conservateur Lomer Carrière se contente de deux pleines pages. L’organisation conservatrice y cite un reportage du journaliste bien connu du magazine Maclean’s. Douglas Fisher, qui avait classé Ethier, en février 1966, « parmi les six députés les moins efficaces » des Communes. Cela ne changerait absolument rien.

Les dés étaient pipés. Dans l’édition du 27 juin 1968, on fait référence à une « Écrasante victoire pour Ethier ». À l’échelle canadienne, les libéraux de Trudeau récoltent 154 sièges contre 71 pour les conservateurs, 23 pour les néo-démocrates et 15 pour les créditistes. Ethier avait récolté 14 832 votes contre seulement 7 527 par le conservateur Lomer Carrière et 1 595 votes par le néo-démocrate Claude Demers (retenez ce nom, j’y reviendrai). L’influence Trudeau s’était manifestée hors de tout doute, comme partout ailleurs. Ethier avait été élu en 1963 et réélu en 1965.

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Dans l’édition du 20 juin 1968 du journal Le Carillon, d’autres textes sur la question des écoles secondaires françaises ou bilingues. En fait, les professeurs de l’École secondaire régionale de Hawkesbury proclament que « l’ESRH est le meilleur exemple d’une institution bilingue ». À une réunion d’information sur la question, à peine 69 personnes se montrent la face; parmi elles, plusieurs professeurs. Pourtant, pas moins de 3 000 invitations avaient été adressées. Royal Comtois, le directeur de l’ESRH, en avait d’ailleurs profité pour « déplorer la paresse évidente des Canadiens dans le domaine de l’études des langues. En Europe, les enfants apprennent parfois cinq langues, tandis qu’au Canada, nous nous plaignons d’avoir à étudier parfois superficiellement une deuxième langue. C’est là qu’il faut chercher la cause des échecs ». S’il était encore vivant, Royal Comtois pourrait répéter son blâme et ses propos seraient toujours pertinents. En passant, une réunion sur le même sujet organisé par l’API à l’école Paul VI quelques semaines plus tôt avait attiré 600 personnes (blogue du 14 mai).

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La taxe volontaire de Montréal et la « Trudeaumanie »

C’était une idée de l’incomparable Jean Drapeau, le maire de Montréal, qui allait faire boule de neige non seulement au Québec, mais partout au pays. Lui appelait ça la « Taxe volontaire de Montréal »; les gouvernements provinciaux et fédéral la transformeraient en « loteries ». Quoi qu’il en soit, dans l’édition du 2 mai 1968 du journal Le Carillon, une publicité de presque une page complète expliquant que « toute personne peut payer une taxe volontaire à la ville de Montréal ». C’était simple et audacieux. « Un paiement de $2 vaut pour un mois et donne une chance de recevoir l’un des 151 prix mensuels. » Le premier prix était de « $100,000 en argent » et il y avait aussi « 30 prix de $1,000, 20 de $500 et 100 de $100 ». Contrairement aux loteries gouvernementales d’aujourd’hui, il fallait répondre correctement à des questions pour recevoir un prix. Dans son annonce, le maire Drapeau écrivait que « Expo 67 c’était trop grandiose pour six mois seulement » et invitait les Canadiens à visiter « Terre des Hommes du 17 mai au 14 octobre 1968 ». L’objectif de cette taxe volontaire était de rembourser la dette encourue par l’Expo. Je me souviens d’avoir payé cette taxeà Drapeau, en espérant gagner bien sûr. L’idée de Drapeau était trop bonne, manifestement; les gouvernements se sont appropriés du concept des loteries avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

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Dans l’édition du 6 juin 1968, il y a des élections dans l’air. Un texte annonce l’ouverture officielle du nouveau bureau de poste de Curran par le candidat libéral et député sortant Viateur Ethier. Dans la même page que l’article, une annonce payée par l’Association libérale-fédérale de Glengarry-Prescott. Il s’agit d’une reproduction de la lettre qu’avait envoyée le Conseil municipal de Hawkesbury au député Ethier pour le « remercier très chaleureusement pour vos efforts que vous avez bien voulu apporter à notre demande pour faire nommer la Ville de Hawkesbury comme ‘zone défavorisée’ ». Dans l’édition suivante, un article mentionne que le candidat conservateur Lomer Carrière, également sous-préfet de la ville de Hawkesbury, réclame une partie de la paternité de cette désignation étant donné que c’est le Conseil qui avait amorcé le processus pour y arriver. Lors d’une rencontre des candidats à St-Isidore, Carrière avait rappelé que la désignation signifiait que la région était pauvre et que les chômeurs étaient trop nombreux. Dans un sens, Carrière avait rappelé que « le parti conservateur, si porté au pouvoir le 25 juin, annulera la taxe de 11 p. cent sur les matériaux de construction, facilitant ainsi la construction domiciliaire ». Cela fournit l’occasion à Viateur Ethier, dans l’édition du 13 juin de publier une pleine page d’annonce pour tirer au clair son rôle dans cette désignation. Il y rappelle que Hawkesbury n’en est pas la seule bénéficiaire : « Toutes les municipalités de Prescott jouissent de ces mêmes avantages ».

Fait à noter, pendant cette campagne électorale de 1968, la publicité libérale est essentiellement axée sur Pierre Elliott Trudeau. La « Trudeaumanie » bat son plein. On voit de petites annonces dans le journal : une photo de Trudeau avec une bulle qui dit « Vote Votez Ethier »… ou encore une photo de Trudeau souhaitant bonne chance à Ethier. Rien de comparable avec la moins importante « Laytonmanie » de 2011.